Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du mardi 18 juin 2019 à 15h00
Mobilités — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Quand on réfléchit bien aux enjeux de l'écologie et du développement durable, on en vient immanquablement à cibler les questions de réchauffement climatique comme priorité de nos actions. C'est le grand enjeu du XXIe siècle : allons-nous, oui ou non, tenir nos objectifs de limitation de nos émissions de gaz à effet de serre, afin de contenir à 2 degrés Celsius l'augmentation de température annoncée ? Alors que l'ensemble des experts prévoient un large dépassement de ces objectifs, avec la menace certaine de cataclysmes à l'échelle mondiale et nationale, comment pouvons-nous y prendre notre part, dans un contexte européen qui n'échappe à personne ? L'Europe, première puissance économique mondiale, a la possibilité de réguler ses modes de production et de consommation énergétiques. Elle le fait, du reste, souvent, et ce texte de loi en est une des illustrations.

Si l'on souscrit à ces enjeux – ce qui est la position des parlementaires de notre groupe Libertés et territoires – , l'on ne peut que s'attarder sur les leviers à mettre en oeuvre : des politiques d'incitations générales au changement de nos comportements, mais aussi des politiques sectorielles, par grandes catégories. Il en est deux toutes particulières, où nous ne devons pas « nous rater », sous peine de mentir à l'ensemble de nos concitoyens, et surtout aux jeunes générations, qui subiront de plein fouet les conséquences de nos inactions : le logement et le transport, qui sont les deux secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre et les plus consommateurs d'énergie.

En matière de transport, notre réglementation est essentielle et stratégique. Elle touche l'ensemble de nos concitoyens et de nos territoires, concerne l'emploi et permettra – ou non – de nous projeter dans un avenir serein.

L'Union européenne aura déjà fait une grande part du travail en contraignant les fabricants automobiles à réduire de 37,5 % la consommation des voitures en 2030. Le bond est énorme, encore faut-il que cette révolution technologique soit accompagnée sur les territoires par les infrastructures de demain. Ce n'est pas naturellement gagné. C'était l'enjeu, notamment, de cet ambitieux projet de loi.

Celui-ci a été précédé par les Assises de la mobilité, concertation ayant réuni pendant près de six mois un bon millier de spécialistes du sujet. Le travail fut de qualité. Pour avoir moi-même conduit un groupe de travail sur les nouvelles mobilités, je peux attester de son sérieux.

L'intégralité des propositions faisant consensus ont été intégrées à l'avant-projet de loi que vous aviez préparé, madame la ministre. Les parties prenantes de cette concertation en ont été ravies. Quelle ne fut cependant pas leur surprise – et la nôtre – de constater qu'un quart environ de votre texte avait été supprimé de ce projet à la suite d'arbitrages rendus, au dernier moment, par certains collaborateurs de Matignon et de l'Élysée ! Certains se sont demandé à quoi il pouvait vraiment servir de procéder à d'aussi longues concertations pour rayer d'un trait de plume des propositions pertinentes et demandées. Heureusement, le Sénat a comblé ces lacunes et rétabli un texte qui fut présenté sous une forme plus équilibrée.

Lors de l'examen de ce texte en commission des lois, nous nous sommes posé cinq questions. Alliez-vous maintenir, ou non, les principaux ajouts du Sénat – je pense au Conseil d'orientation des infrastructures, à la trajectoire de financement des infrastructures et à la péréquation financière ? Comment traiter le déploiement des 75 000 bornes de recharge électrique ? Allions-nous régler enfin les fractures territoriales en assurant un maillage entre les territoires ruraux et urbains, dans un contexte où les transports en commun desservent peu les territoires ruraux ? Les nouvelles mobilités révolutionneront bientôt nos habitudes, encore faut-il préparer ces mutations et doter nos territoires de meilleurs atouts. Enfin, comment assurer de bonnes trajectoires financières afin de rénover réellement nos infrastructures et de financer de nouveaux équipements, après dix ans de disette budgétaire ?

Vous avez eu l'intelligence, chers collègues, de conserver la quasi-totalité des ajouts du Sénat, et nous vous en remercions. Vous nous avez rassurés, madame la ministre, à propos du déploiement des bornes électriques, avec l'engagement d'un financement à hauteur de 75 %. Le maillage territorial sera assuré grâce au pivot entre le conseil régional et les intercommunalités et il y aura ainsi moins de trous dans la raquette.

Nous regrettons, cependant, que les pistes d'affectation de la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, au financement de la mobilité en zones peu denses aient été écartées, comme la généralisation de la création d'écotaxes régionales.

Bravo, en revanche, pour votre retour sous conditions aux 90 kilomètres-heure.

Pour ce qui est, enfin, des financements de nos infrastructures et de leur entretien, la controverse demeure face aux besoins identifiés. Il nous manque 300 millions d'euros sur le budget de l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. Alors, en effet, que la mission Duron a estimé le besoin de notre agence à 3 milliards d'euros, 2,7 milliards seulement lui seront affectés. Il manque également 200 millions d'euros aux amendes de radars.

Si, avec tout cela, vous y arrivez quand même, je demanderai au père Noël de glisser dans mes souliers votre livre de magie !

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