Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du mardi 18 juin 2019 à 15h00
Couverture numérique du territoire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

À l'initiative de nos collègues du groupe Les Républicains, nous débattons aujourd'hui de la couverture numérique du territoire. Comme le souligne la proposition de résolution sur laquelle nous allons être appelés à nous prononcer, la France s'est fixé, en 2013, l'objectif ambitieux de fournir un accès performant à l'internet fixe à l'ensemble des logements, des entreprises et des administrations en 2022. Aujourd'hui, l'accès à une connexion internet devient un droit fondamental, car information, culture, éducation, divertissement, communication et désormais démarches administratives, tout passe par internet. Mais pas seulement, heureusement ! Aujourd'hui encore, l'école est obligatoire, bien que le Gouvernement et la majorité veuillent la détruire ; aujourd'hui encore, les bibliothèques existent et rendent accessibles des savoirs ; aujourd'hui encore, nous avons des salles de cinéma et de théâtre pour nous divertir et parfois nous élever. Partout, il existe une alternative. Partout ? Non. Désormais, on assiste à une numérisation à marche forcée de l'accès aux droits et aux démarches administratives : les impôts, la carte Vitale et les remboursements de soin, l'assurance chômage, le dépôt de plainte, tout est en train de passer par internet. Dès lors, l'accès à internet pour tous revêt plus que jamais un caractère d'intérêt général : aujourd'hui, c'est parfois le seul moyen d'accéder aux services publics.

Comme nous parlons cet après-midi d'accès aux droits, j'aimerais citer ici l'excellent rapport du Défenseur des droits, intitulé Dématérialisation et inégalités d'accès aux services publics, publié en janvier de cette année. Dans ce rapport, de nombreux problèmes et dangers sont pointés. Ainsi, on apprend que le Défenseur des droits et l'Institut national de la consommation ont conduit une enquête auprès des plateformes téléphoniques de plusieurs organismes afin de mesurer leur capacité d'accueil, d'écoute et de réponse aux sollicitations des usagers. Cette enquête démontre que la majorité des appelants est trop rapidement réorientée vers le site de l'organisme, même s'ils n'y ont pas accès ! C'est bien là le drame. Nous avons tous en tête l'image de cette personne âgée téléphonant tant bien que mal à tel ou tel organisme, et qui, s'entendant dire avec obstination qu'elle doit aller sur le site internet, répond : « Je vous ai dit que je n'avais pas internet chez moi. » De telles scènes ubuesques se produisent, car on a affaire à un problème majeur : la plupart des procédures ont éliminé tout contact physique ou d'autres modes de communication que l'internet. Des personnes en arrivent à renoncer à leurs droits, et se retrouvent exclues, abandonnées !

Permettez-moi de parler de la couverture numérique en outre-mer. Là encore, c'est le Défenseur des droits qui en parle le mieux. Dans le même rapport, il signale que « les territoires ultramarins sont un cas patent et préoccupant de décrochage territorial. Selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes, l'ARCEP, en matière de connexion à internet, 50 % de la population domienne est raccordée pour une moyenne nationale de 81 % ». Il ajoute : « Par ailleurs, en ce qui concerne l'accès à internet et à la téléphonie mobile, les ménages d'outre-mer n'ont pas bénéficié, contrairement aux ménages métropolitains, du développement des offres de forfaits low cost et de la baisse des prix qui a suivi. C'est pourquoi les écarts de prix avec la métropole concernant les services de téléphonie mobile ont augmenté entre 2010 et 2015. En 2015, ces services sont plus chers de 60 % aux Antilles et en Guyane, et de 20 % à La Réunion. L'accès à internet atteint, quant à lui, un coût supérieur d'environ 40 % par rapport à la métropole pour les territoires ultramarins, même si cet écart s'est fortement réduit entre 2010 et 2015. »

En plus de ces écarts de prix hallucinants et d'une plus faible couverture numérique, nos territoires souffrent d'un taux de pauvreté beaucoup plus élevé que dans l'Hexagone. En Martinique, par exemple, 32 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, taux qui atteint 40 % à La Réunion, soit deux Réunionnais sur cinq en souffrance, voire en grande souffrance. Ainsi, lorsqu'on croise les prix extrêmement hauts et les revenus extrêmement bas, le résultat est simple : de nombreux Ultramarins n'ont pas les moyens de se payer un abonnement internet, sinon au détriment d'autres dépenses utiles. Voilà la réalité de nos territoires, une réalité qu'on retrouve aussi dans nos banlieues et dans les zones rurales. Nous sommes les quasi-oubliés de la numérisation !

Il ne faudra plus laisser seulement aux entreprises privées le soin d'organiser la couverture numérique en outre-mer. Cela posera la question de la production industrielle de l'ensemble du matériel nécessaire au raccordement de toute la population à un réseau internet de qualité. Le principe du service public n'étant pas de faire des bénéfices mais de permettre l'égalité d'accès aux droits, nous devons aujourd'hui favoriser le développement de réseaux d'internet publics. Évidemment, le Gouvernement fait l'inverse ! Évidemment, il oublie une partie de la population ! Évidemment, il produit une augmentation du nombre d'exclus ! Pourtant, je vous assure que lutter contre la fracture numérique, c'est aussi lutter contre la pauvreté et l'exclusion. Le groupe La France insoumise soutiendra cette proposition de résolution qui vise à réaffirmer l'objectif de 100 % de très haut débit pour 2022, partout en France.

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