Intervention de Lise Magnier

Séance en hémicycle du mercredi 19 juin 2019 à 15h00
Dépenses fiscales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLise Magnier :

Poursuivant le Printemps de l'évaluation, nous sommes amenés à débattre d'une proposition de résolution relative au renforcement du pilotage et de l'évaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques, déposée par notre collègue François Jolivet. C'est donc la question des dérogations fiscales qui est abordée ici, et ce n'est pas une mince affaire !

L'expression « dépenses fiscales » traduit l'idée d'un budget en creux, par rapport au budget en bosse que constitueraient les dépenses budgétaires. L'expression « niche fiscale », peut-être plus polémique, a le mérite de mettre l'accent sur le caractère inéquitable ou inutilement complexe de ces exceptions à la règle fiscale générale, dont ne bénéficient que certains contribuables.

Bref, si les expressions sont multiples, toutes rappellent la caractéristique première de la fiscalité à la française : une multitude d'exceptions et de très nombreux régimes particuliers, des exonérations aux crédits d'impôt en passant par divers mécanismes de calcul de l'impôt, concernant aussi bien la fiscalité des ménages que celle des entreprises, et mettant à mal la lisibilité et l'acceptabilité de notre fiscalité.

Au total, il y a donc 474 dépenses fiscales pour un total de 100 milliards d'euros, qui devrait toutefois diminuer mécaniquement à partir de 2020, sous l'effet de l'extinction du CICE, qui représente environ 20 milliards d'euros.

Cette fiscalité dérogatoire reste cependant mal maîtrisée : estimation du coût réel de chacune des dépenses fiscales, nombre de bénéficiaires, efficacité, effet levier d'une politique publique, tout cela reste encore mal connu pour une grande majorité de ces dispositifs.

Preuve en est par un seul nombre : 161 ; c'est le nombre de niches dont le coût n'est pas connu, soit un tiers des avantages fiscaux recensés. Si celui-ci ne suffit pas à convaincre de la nécessité de mieux évaluer les dépenses fiscales, je vous en donne un deuxième : 222 ; c'est le nombre de niches pour lesquelles nous ne connaissons pas le nombre de contribuables bénéficiaires, ménages ou entreprises.

À l'issue du grand débat national, nous avons tous partagé le même constat : la remise en cause de la fiscalité par nos concitoyens et le renforcement du sentiment d'injustice fiscale.

La majorité nous propose, par cette résolution, de renforcer les moyens d'évaluation et de pilotage des dépenses fiscales, pour nous permettre d'en vérifier l'utilité dans notre société. Nous saluons cette initiative, que nous soutenons et qui traduit la prise en considération des recommandations de la Cour des comptes en la matière.

Chers collègues de la majorité, je ne peux m'empêcher de vous rappeler tout de même que, lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, vous avez vous-mêmes augmenté le plafond des dépenses fiscales, avec un objectif de 25 % du budget général. Je crois que la cohérence nous amènera à abaisser ce plafond lors de la prochaine loi de finances ; ce serait un premier pas.

Notre satisfaction est d'autant plus grande que la résolution vise à responsabiliser tous les acteurs de la chaîne de décision publique, à commencer par le législateur.

Les enjeux inhérents la fiscalité dérogatoire sont essentiels : la maîtrise budgétaire de ces dispositifs, mais aussi leur efficacité, ou encore la simplification de la fiscalité. Il est devenu indispensable de conduire une réflexion d'ampleur sur ce sujet.

Pour cela et dans un souci de méthode, nous devons d'abord solder le problème de l'absence de consolidation des informations sur l'impact des niches fiscales sur les politiques publiques, et c'est tout l'objet de votre proposition de résolution. En effet, ce n'est que par une action volontaire, y compris dans l'application de la loi organique relative aux lois de finances, qu'une réforme significative de la fiscalité dérogatoire pourra être conduite.

Le Gouvernement a annoncé une diminution des niches fiscales destinées aux entreprises dès le prochain projet de loi de finances, alors même que vous convenez avec nous aujourd'hui que les moyens d'évaluation de ces niches fiscales sont insuffisants et non aboutis. J'espère donc que cette résolution trouvera sa traduction concrète dans les meilleurs délais, afin de nous permettre de voter le projet de loi de finances pour 2020 en toute connaissance de cause.

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