Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du mercredi 19 juin 2019 à 15h00
Contrôle budgétaire par le parlement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

La création du Printemps de l'évaluation, l'an dernier, en 2018, a permis au Parlement de s'approprier davantage la culture de la performance, de l'évaluation et de la responsabilité en matière budgétaire. Jamais auparavant, les ministres n'avaient dû défendre les résultats de leur administration devant le Parlement.

Plus nous contrôlons, plus nous sommes en mesure de peser, en amont, sur les arbitrages budgétaires rendus par le Gouvernement. C'est le sens des propositions de résolution que nous examinons cette semaine. Mieux nous évaluons les politiques publiques, plus l'autorisation de prélever l'impôt et d'engager les dépenses que nous donnons en décembre est éclairée. Plus le Parlement est fort, plus le consentement collectif à l'impôt et à la dépense que nous exprimons chaque année au nom des Français est respecté.

Rappelons-nous ce qu'était la pratique antérieure : le Parlement se désintéressait des résultats des politiques publiques et l'examen de la loi de règlement était un exercice de pure forme, expédié en à peine deux heures dans cet hémicycle. Je le dirai simplement : en refusant de s'approprier les pouvoirs de contrôle et d'évaluation dont ils s'étaient eux-mêmes dotés, le Parlement et les parlementaires s'étaient dessaisis de la matière fiscale et budgétaire.

Voilà la raison d'être du Printemps de l'évaluation : rendre au Parlement et aux citoyens les clefs de la fabrique de l'impôt et de la dépense publique.

Et pourtant, mes chers collègues, malgré les progrès notables accomplis, au regard de cette ambition, le compte n'y est toujours pas. Qui, hors du Parlement et de l'administration, sait à quelle aune nous mesurons l'efficacité ou l'échec de telle ou telle politique ? Quel est le sens des évaluations que nous effectuons lorsqu'elles ne portent que sur un fragment de politique publique ? Quelle est la valeur politique de nos conclusions lorsqu'elles sont approuvées par la seule majorité ? Pour être à la hauteur de ces enjeux, nous devons faire évoluer encore et encore nos pratiques.

Notre premier objectif est de permettre aux Français de s'approprier pleinement les conclusions de nos évaluations, donc les termes du débat fiscal et budgétaire, car notre véritable responsabilité est d'éclairer non pas les seuls commissaires aux finances, mais bien l'ensemble des Français. Or les indicateurs de performance restent encore trop abstraits, trop foisonnants, trop complexes pour que le citoyen s'en saisisse. Aussi je propose que leur nombre soit réduit, leur formulation revue, leur pertinence améliorée, et que le Parlement soit associé à leur révision.

Notre deuxième objectif est de nourrir davantage l'évaluation en suivant plus précisément les autorisations d'engagement et les crédits de paiement en cours d'exercice. Jusqu'à présent, l'évaluation s'apparentait à un sprint ; nous devons la transformer en véritable course de fond.

Notre troisième objectif est de renforcer la pertinence de l'évaluation. Nous avons encore trop tendance à mener nos travaux en ordre dispersé, chaque parlementaire s'intéressant au périmètre correspondant à son rapport spécial. Cela ne permet pas d'apprécier concrètement les résultats de certaines politiques publiques, qui dépassent le périmètre des seuls ministères ou des missions budgétaires. Je pense par exemple à la lutte contre le terrorisme, qui implique quatre ministères : l'intérieur, la justice, les armées et Bercy, au travers des douanes. Bien sûr, chaque rapporteur spécial pourrait évaluer l'efficacité de la lutte antiterroriste dans son seul champ de responsabilité. Mais quel sens cela aurait-il ? Que pourraient nous dire des conclusions, par nature partielles, de l'efficacité globale des moyens employés pour protéger les Français de la menace terroriste ? Aussi, avec mes collègues Nadia Hai, Romain Grau et Olivier Gaillard, mais aussi avec des membres de l'opposition, avons-nous proposé d'évaluer ensemble la politique antiterroriste dans sa globalité. Voilà un exemple transpartisan et trans-missions de l'évaluation des politiques publiques que nous devons mener.

Notre quatrième objectif est de faire de l'évaluation un moment de vérité politique. Les rapporteurs spéciaux de la majorité et de l'opposition évaluent, chacun de leur côté, les missions de leur rapport spécial. Cette logique, je crois, dessert la qualité et la visibilité des travaux d'évaluation que nous menons. Pour la première fois, cette année, le président de la commission des finances publie un rapport qui reprend les principales observations du Printemps de l'évaluation, et je l'en remercie. Je propose que nous allions plus loin, en tentant d'associer l'opposition aux travaux conduits en la matière par la majorité dans le cadre de la commission des finances. C'est un acte de confiance. C'est aussi un appel à la responsabilité : l'évaluation doit être politique ; elle ne saurait être politicienne.

Alors, oui, mes chers collègues, osons faire usage de nos propres pouvoirs ! Osons sortir le Parlement de l'état de minorité où il s'est lui-même placé !

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