Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mercredi 19 juin 2019 à 15h00
Indemnisation des victimes du valproate de sodium — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Les victimes de la Dépakine se comptent par milliers : 6 250, c'est le nombre d'enfants atteints de malformations congénitales majeures à cause de ce médicament et de ses dérivés. Toutefois, cette estimation est issue d'une étude de l'ANSM et de l'assurance maladie qui date de 2017. Aussi le chiffre pourrait-il se révéler plus important, on le sait bien, la littérature scientifique estimant que le nombre de victimes potentielles serait jusqu'à trois fois supérieur aux hypothèses initiales.

De 1967 à 2016, pendant sa commercialisation, ce médicament a été prescrit à plusieurs dizaines de milliers de femmes enceintes. Elles étaient persuadées qu'elles préservaient ainsi la santé de leur enfant ; elles ont finalement dû s'adapter pour compenser les conséquences de la Dépakine sur leur quotidien.

Ces victimes doivent être indemnisées au plus vite. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires soutient cette proposition de résolution, qui invite le Gouvernement à simplifier le dispositif d'indemnisation. Il faut rendre ce système plus efficace. En effet, seules 1 655 demandes ont été déposées, et le comité d'indemnisation de l'ONIAM n'a rendu que trente et un avis. Le ratio diminue encore si l'on observe le nombre d'avis notifiés aux familles : il n'y en a eu que quinze. Un dernier chiffre symbolise le dysfonctionnement du mécanisme : deux familles seulement ont accepté l'indemnisation proposée ; deux familles pour des milliers de vies bouleversées.

Il faut aussi que le dispositif d'indemnisation soit plus exact d'un point de vue budgétaire, car du faible nombre d'indemnisés résulte une réalité comptable assez inquiétante : d'une part, la budgétisation initiale de 424 millions d'euros pour la période 2018-2023 est fondée sur des estimations basses du nombre de victimes potentielles ; d'autre part, en 2018, sur les 78 millions d'euros prévus en loi de finances initiale, seuls 16 millions ont été utilisés par l'ONIAM.

Si, à nos yeux, la compensation financière est un premier pas, celle-ci doit s'accompagner d'une compensation morale, laquelle passe par la reconnaissance de l'ensemble des victimes de la Dépakine et de ses dérivés. Cela suppose que les responsables de ce drame médical reconnaissent leur implication : je pense au laboratoire Sanofi, qui a commercialisé la Dépakine. Or les premiers avis rendus par l'ONIAM, en janvier 2019, sont inquiétants à cet égard : Sanofi a en effet annoncé son refus de reconnaître sa part de responsabilité dans les préjudices subis par les victimes et, par là même, de contribuer à leur indemnisation.

Cela fait courir un risque à l'État car l'ONIAM s'apprête à proposer l'intégralité de l'indemnisation en première intention, avant de revenir vers Sanofi pour obtenir un éventuel remboursement. Vous l'aurez compris, cela implique des frais supplémentaires à la charge de la solidarité nationale, et ce coût n'a pas été budgété à l'origine.

Par le passé, nous avons déjà adapté le budget afin d'assurer l'indemnisation des milliers de victimes de la Dépakine : 10 millions d'euros avaient d'abord été prévus pour alimenter le dispositif créé par l'article 150 de la loi de finances pour 2017 ; par la suite, ce montant a été largement revu à la hausse, puisque 77,7 millions ont été programmés pour 2018. À cet égard, nous soutenons la proposition de résolution, dans la mesure où elle exprime le souhait que la budgétisation complète du dispositif soit réévaluée à la lumière des éléments nouveaux présentés.

Pour accompagner au mieux les victimes, il faut à tout prix leur faciliter l'accès au dispositif d'indemnisation. Nous serons particulièrement attentifs au rapport que le Gouvernement doit remettre sur la soutenabilité du dispositif et sa gestion depuis son entrée en vigueur, en application de l'article 263 de la loi de finances initiale pour 2019.

Au regard de l'ensemble des arguments que je viens d'avancer, les membres du groupe Libertés et territoires sont favorables à la proposition de résolution.

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