Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du jeudi 20 juin 2019 à 9h30
Pouvoir d'achat des français

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Nous nous retrouvons pour la deuxième fois dans cet hémicycle pour discuter de la proposition de loi du groupe Les Républicains visant à rétablir le pouvoir d'achat des Français. Avec le souci de cohérence qui la caractérise, la majorité a en effet décidé, le 4 avril dernier, d'adopter une motion de renvoi en commission, peu avant de supprimer celle-ci de notre règlement parce qu'elle considérait qu'elle était détournée de son objet. Elle a, en effet, été détournée de son objet par la majorité elle-même qui, en deux ans, en a déjà adopté quatre de plus que sous la législature précédente. La motion de renvoi va être supprimée, mais nous faisons confiance à la majorité pour trouver d'autres subterfuges afin de refuser la discussion des propositions des oppositions. Le parti unique est en marche !

Le vote du 4 avril n'avait en effet d'autre but que d'empêcher la discussion des articles de la proposition de loi. Aucun des arguments présentés pendant la discussion générale ou la défense de la motion n'était dirigé contre le travail de la commission, mais contre la proposition de loi elle-même. La majorité de l'hémicycle était en parfaite harmonie avec celle de la commission, qui avait rejeté la proposition de loi la semaine précédente. Le renvoi en commission n'avait donc aucun sens. Comme elle l'a montré en commission la semaine dernière, la majorité n'avait aucunement l'intention de faire preuve d'ouverture d'esprit et de revenir sur son rejet de la proposition de loi. Nous le regrettons très vivement.

La majorité a voulu que le texte soit renvoyé en commission ; nous l'avons prise au mot. Le groupe LR a de nouveau inscrit la proposition de loi à l'ordre du jour et, comme le prévoit l'article 91 du règlement, la commission s'est réunie de nouveau et nous reprenons, en séance, le débat là où il avait été suspendu par le vote de la motion. Cette fois, la majorité n'échappera pas à la discussion de chacun des articles de la proposition de loi et devra assumer ses positions. Nous verrons alors que c'est elle qui fait de l'obstruction parlementaire.

Nous avons décidé de reprendre la discussion de ce texte parce que les arguments invoqués par la majorité en avril, selon lesquels il n'y aurait plus de problème de pouvoir d'achat et nos mesures ne seraient pas financées, ne nous ont pas convaincus, non plus que nos concitoyens.

De fait, nous ne considérons pas que les problèmes de pouvoir d'achat des Français aient été réglés, quand bien même certains indicateurs statistiques témoigneraient d'une amélioration au cours des derniers mois. Rappelons, d'une part, que le début de l'année 2018 s'était traduit, notamment du fait des mesures fiscales et sociales du Gouvernement, par une baisse du pouvoir d'achat des ménages – heureusement, cette tendance ne se poursuit pas ! – et, d'autre part, que la hausse statistique du pouvoir d'achat au cours des derniers mois, outre qu'elle ne correspond pas au ressenti de nos compatriotes, est très inégalement répartie. En effet, les mesures sociales et fiscales prises par le Gouvernement depuis l'automne pour corriger partiellement ses errements du début du quinquennat ont surtout bénéficié aux salariés du privé. Rien pour les inactifs en général et les retraités en particulier, qui ont été largement exclus de ces dispositions.

Enfin, le pouvoir d'achat des classes moyennes et modestes va de nouveau être affecté par la remontée des prix des carburants et la forte hausse des tarifs réglementés de l'électricité depuis le 1er juin – là encore, la majorité n'a strictement rien fait. Le Gouvernement aurait tort de rester indifférent à ces hausses, alors que l'augmentation des prix de l'énergie a été l'élément déclencheur du mouvement des gilets jaunes. La fin du grand débat national et les conclusions qui en ont été tirées par le Président de la République ont montré que la question du pouvoir d'achat restait au coeur des préoccupations de nos concitoyens et que la majorité ne pouvait faire autrement que de le reconnaître.

Elle s'est, du reste, largement inspirée des mesures figurant dans cette proposition de loi des Républicains. Le Président de la République a en effet annoncé une baisse de l'impôt sur le revenu pour 5 milliards d'euros, le renoncement à la désindexation des pensions inférieures à 2 000 euros pour 2020, la décision de porter à 1 000 euros la pension minimale pour les carrières complètes dans le privé et la reconduction de la prime exceptionnelle défiscalisée et désocialisée.

Nous avions proposé une diminution des taux applicables aux deux premières tranches de l'impôt sur le revenu ; la majorité se rallie à l'idée d'une baisse d'impôt sur les deux premières tranches. Nous avions proposé la réindexation des pensions pour 2019 et le renoncement à la désindexation pour 2020 ; la majorité reconnaît que son intention de maintenir celle-ci une deuxième année consécutive n'était pas tenable.

Une fois de plus, le Gouvernement et sa majorité restent fidèles à leurs principes : ne pas écouter les problèmes soulevés par l'opposition depuis maintenant deux ans ; puis, balayer d'un revers de main les solutions qu'elle propose ; s'apercevoir ensuite que ces solutions n'étaient pas si mauvaises ; revenir enfin vigoureusement sur leur position en oubliant qu'ils défendaient l'exact contraire quelques mois plus tôt, mais en s'arrêtant une fois de plus au milieu du gué, sans doute pour se ménager le plaisir d'une nouvelle volte-face.

Les revirements annoncés font suite à ceux que nous avons déjà pu observer sur la hausse de la CSG, la hausse de la fiscalité énergétique et l'exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires. En renonçant à la désindexation des pensions inférieures à 2 000 euros, le Gouvernement reconnaît partiellement l'injustice dont les retraités avaient fait l'objet, mais il crée un effet de seuil générateur de nouvelles injustices. Nous les dénonçons. Comment considérer qu'un retraité touchant une pension de 2 000 euros est tellement plus riche qu'un retraité touchant 1 995 euros que sa pension ne devrait pas être revalorisée de la même manière ? La majorité n'a, par ailleurs, toujours pas prévu d'annuler la hausse du taux de la contribution sociale généralisée sur les pensions de retraite et d'invalidité pour la totalité des titulaires ayant subi le passage au taux de 8,3 % en 2018.

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, nous assumons de proposer une baisse de son taux qui profite à l'ensemble des contribuables de cet impôt, en particulier à ceux qui ont subi de plein fouet les augmentations de ces dernières années. Si vous souhaitiez limiter cette augmentation, vous auriez pu proposer des amendements pour discuter des modalités de la baisse d'impôt et de son ciblage. Vous ne l'avez pas fait.

Le débat ne se fait pas seulement entre le Gouvernement et sa majorité. Il doit se faire au sein des assemblées, faute de quoi nous risquerions de dévoyer l'esprit de nos institutions, à moins que l'on considère – mais je n'ose point l'imaginer – que les députés de la majorité ne sont que des godillots. C'est pourquoi j'ai déposé, en commission, un amendement de repli tendant à traduire en acte l'engagement du Président de la République de baisser l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros, rappelé par le Premier ministre dans son discours de politique générale. La majorité, qui n'a pas été avare d'applaudissements lors de ce discours, n'en a pas moins unanimement refusé la main que nous lui avions tendue, en rejetant l'amendement que j'avais déposé pour concrétiser ses annonces. C'est une marque de sectarisme que je regrette profondément. Sans doute est-ce là une manifestation du nouveau monde : la majorité fait de l'obstruction parlementaire et refuse d'écouter ce que les oppositions ont à lui dire.

Nous assumons également d'augmenter le plafond de l'avantage du quotient familial. Ce n'est d'ailleurs pas un avantage, mais une modalité de calcul de l'impôt. Nous revenons sur une baisse injuste de ce plafond. Nous le répétons, le quotient familial est un instrument de redistribution de la politique familiale, donc un instrument de redistribution horizontale. Il est intrinsèquement lié au calcul de l'impôt. Il est un paramètre destiné à compenser le barème progressif applicable à la totalité des revenus du foyer. Des revenus égaux ne font pas vivre le même nombre de personnes selon la composition du foyer. Il est donc normal d'introduire, à ce stade du calcul de l'impôt, un élément de redistribution horizontale pour prendre en compte la composition du foyer. Nous ne faisons, en définitive, que revenir à la situation antérieure à 2012.

J'en viens à l'argument selon lequel les propositions des Républicains ne seraient pas financées. Il fait fi de tout le travail exposé depuis des mois et récemment rappelé par le président Woerth. Mais il laisse surtout dubitatif, compte tenu des financements proposés par le Gouvernement pour les 17 milliards d'euros de dépenses supplémentaires décidées depuis le mois de décembre.

Sur les 10 milliards d'euros des mesures votées à la fin de l'année 2018, moins d'un tiers sont, pour l'heure, financés par un resserrement de la dépense fiscale. Les économies en gestion de 1,5 milliard d'euros annoncées pour porter les financements à 4 milliards d'euros sur 10 restent, pour l'instant, aussi virtuelles que mystérieuses.

Quant aux mesures supplémentaires annoncées par le Président de la République à la suite du grand débat national, elles ne font l'objet, pour l'instant, d'aucun financement précis. Le Gouvernement évoque pêle-mêle des économies sur la dépense publique, nettement moins documentées que celles des Républicains ; la révision de certaines niches fiscales, là encore sans plus de précisions ; une évolution, non précisée, de la durée du travail – rejoignant ainsi nos propositions sur la nécessité d'augmenter la quantité d'heures travaillées – et des suppressions d'organismes publics inutiles, mais nous ignorons lesquels. Les critiques de la majorité sur le financement de nos mesures sont donc particulièrement malvenues.

Mes chers collègues, pour finir, je confirme l'invitation que le président Woerth vous a adressée la dernière fois : vous n'êtes pas obligés d'être d'accord avec nous sur toutes ces mesures, mais nous serons heureux de voter avec vous celles que vous accepterez, dans l'intérêt des Françaises et des Français. J'espère que, pour une fois, celui-ci primera sur votre sectarisme.

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