Intervention de Aude Bono-Vandorme

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées (Gendarmerie nationale) :

En 2018, nos forces de sécurité, en particulier la gendarmerie nationale, sont restées fortement mobilisées en raison non seulement de la menace terroriste mais aussi d'événements sportifs tels que la coupe du monde de football et, depuis le mois de novembre, du mouvement des « gilets jaunes », à quoi s'est notamment ajoutée l'évacuation de la zone d'aménagement différé de Notre-Dame-des-Landes. La gendarmerie départementale, chargée en théorie d'assurer la sécurité publique, et les gendarmes adjoints volontaires ont été amenés à participer au maintien de l'ordre. Quant à la gendarmerie mobile, elle est sous tension depuis le 17 novembre – soit depuis près de sept mois ! – et son engagement opérationnel est constant, surtout le week-end. Je ne citerai qu'un chiffre : le 8 décembre dernier, la gendarmerie a été capable de mobiliser au pied levé plus de 65 000 gendarmes, dont plus de 5 000 réservistes. S'agissant de la lutte antiterroriste, l'année 2018 a été tristement marquée par les attaques de Trèbes, de Paris et de Strasbourg. Je saisis donc l'occasion de ce bilan de l'exécution 2018 pour rendre hommage à l'ensemble des forces de la gendarmerie nationale comme à celles de la police nationale et de la sécurité civile, qui oeuvrent chaque jour pour garantir la sécurité des Français.

En 2018, l'exécution du programme 152 de la mission Sécurités a été marquée par le début de la mise en application du plan de recrutement annoncé en octobre 2017. Le rythme très soutenu de recrutement s'est accompagné de tensions concernant l'exécution des crédits de masse salariale, les prévisions de dépenses de rémunérations étant apparues supérieures aux crédits disponibles. Il a donc été nécessaire de procéder au dégel intégral de la réserve de précaution sur le titre 2 hors CAS Pensions et, d'autre part, de prendre d'importantes mesures d'économies et de redéploiement de crédits, que la Cour des comptes qualifie de « pratiques budgétaires contestables ». Comme je le soulignais déjà l'automne dernier, la gendarmerie a fait face à une sous-budgétisation initiale de 43 millions d'euros sur les dépenses de rémunération. Elle a donc décalé le calendrier des incorporations, réduit pour partie la durée de formation initiale des gendarmes et diminué les crédits alloués à la réserve opérationnelle. En conséquence, la rémunération des réservistes a été différée à l'exercice 2019 à hauteur de 19 millions d'euros. Or, la réserve opérationnelle ne saurait constituer chaque année une variable d'ajustement : les réservistes représentent une ressource inestimable ! Selon la Cour des comptes, de nouvelles tensions concernant l'exécution des crédits de masse salariale sont hautement prévisibles, compte tenu du poids conjugué des recrutements et des revalorisations salariales. Comment le ministère de l'intérieur compte-t-il interrompre cette mécanique infernale ?

La hausse d'effectifs qui est prévue entre 2018 et 2022 ne s'accompagne pas d'un effort suffisant dans le domaine de l'équipement. En 2018, les dépenses d'équipement de la gendarmerie étaient en nette diminution pour toutes les catégories de matériel, sauf l'habillement. Comment résoudre cette difficulté, monsieur le ministre ?

Quant aux dépenses de fonctionnement, elles se sont avérées supérieures à la programmation initiale, notamment en raison d'une hausse de 13 % des frais de fonctionnement de la gendarmerie mobile, de l'intensité de l'activité opérationnelle et de la hausse du prix des carburants. S'agissant du carburant, il ne s'agit certes pas d'une « dépense obligatoire », mais tout de même absolument nécessaire à la continuité du service !

Monsieur le ministre, comme je le disais déjà en juin 2018, le niveau d'engagement des forces de sécurité intérieure plaide pour une prévisibilité maximale des ressources allouées aux forces et pour que la sincérité du budget de la sécurité soit totale. C'est pour moi une question de transparence et d'honnêteté intellectuelle. On ne peut voter un texte à l'automne pour le voir modifier en gestion dès le mois de janvier ! La Cour des comptes le dit : la sous-budgétisation est due, à 85 %, à des erreurs de prévision et à des mesures mal prises en compte. La nécessité d'une loi de programmation pour la sécurité intérieure, que j'appelais déjà de mes voeux il y a plus d'un an sur la base des observations de la Cour des comptes et de l'exécution de la loi de finances pour 2017, semble désormais d'une actualité plus ardente encore. Cette loi sanctuarisait des moyens dans le temps, ce qui présenterait l'avantage de donner de la lisibilité aux dirigeants des forces de sécurité intérieure. Elle doit être l'aboutissement d'un travail collectif d'élaboration d'un livre blanc identifiant des objectifs ambitieux et structurants. Le ministère de l'intérieur dont vous avez la charge est un ministère régalien, comme ceux de la défense et de la justice. Ces deux derniers disposent déjà d'une loi de programmation. Quand saisirez-vous le Parlement de ce projet de loi programmatique tant attendu pour la sécurité des Français ?

Enfin, à court terme, la réserve de précaution devrait pouvoir être levée, en partie au moins, dès le début de l'exercice budgétaire, afin de donner toutes les marges de manoeuvre nécessaires aux responsables de programme. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.