Intervention de Jacques Savatier

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Savatier, rapporteur spécial (Administration générale et territoriale de l'État) :

En 2018, la mission Administration générale et territoriale de l'État aura mobilisé 2,756 milliards d'euros d'autorisations de programme et consommé 2,821 milliards de crédits de paiement. La diminution des dépenses, par rapport à l'année précédente, réside dans l'évolution des besoins pesant sur le programme 232 au titre de l'organisation des élections après la séquence électorale majeure de 2017.

Par rapport aux ressources inscrites, les taux d'engagement et de consommation sont voisins de 100 %. L'exécution des dépenses apparaît exempte de tension particulière et elle n'a nécessité la prise d'aucun décret d'avance. Les mesures de la loi de finances rectificative ont été suffisamment anticipées pour qu'il y ait un bon déroulement de la fin de gestion. En outre, les responsables programme ont pu trouver une latitude nouvelle grâce à la baisse du taux de mise en réserve initiale des crédits. Je vous renvoie au rapport spécial pour l'exécution en 2018 de chacun des programmes.

Avec 32 567 équivalents temps plein travaillé (ETPT), l'exercice 2018 s'achève sur une hausse des effectifs de la mission. Le renforcement ainsi observé interrompt un mouvement de baisse continu depuis 2015. Il bénéficie, pour l'essentiel, au programme 216. En revanche, l'administration territoriale poursuit la réduction de ses effectifs de 326 ETPT. À la suite du plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG), les effectifs de l'administration territoriale ont atteint un niveau plancher : 25 659 ETPT.

En dernier lieu, le bilan de l'exécution révèle une sous-consommation du plafond d'emplois d'environ 500 ETPT. D'un montant de 1,966 milliard d'euros, les dépenses de personnel progressent de 0,90 % en 2018, marquant une nette décélération par rapport à l'année 2017 durant laquelle elles avaient progressé de 2,12 %.

J'en viens à présent aux conclusions des travaux de contrôle que j'ai consacrés au PPNG et aux nouvelles procédures de délivrance des titres. Cette réforme engagée en 2015 visait à la réorganisation de la délivrance de quatre titres : la carte nationale d'identité (CNI), le passeport biométrique, le permis de conduire et les certificats d'immatriculation de véhicule.

Quels enseignements peut-on en tirer ? Au plan opérationnel, l'année 2018 marque l'achèvement de la mise en place du nouveau dispositif. Le dépôt des demandes s'accomplit désormais par le biais de téléprocédures ; leur traitement incombe à cinquante-cinq centres d'expertise et de ressources spécialisés par titre. Trois centres ultramarins s'ajoutent à ces plateformes.

En application de la politique de repyramidage des effectifs, la répartition entre catégories d'agents évolue conformément à la composition visée pour 2020. La part des catégories A et B se renforce, celle de la catégorie C diminue principalement en raison des départs en retraite – 1 132 départs. Les mobilités professionnelles organisées semblent donner satisfaction dans l'ensemble, même si certaines reconversions individuelles ne vont pas de soi dans le cadre de concours ou d'examens professionnels. Un vaste plan de formation a été lancé au bénéfice de l'encadrement et des agents.

Au premier semestre 2018, l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a été confrontée à des difficultés dans la délivrance des cartes grises. Cette crise s'est manifestée par des anomalies techniques et une disponibilité insuffisante du site de l'ANTS. À l'évidence, les dysfonctionnements subis tenaient pour beaucoup à des flux et à des situations spécifiques insuffisamment anticipées, ainsi qu'à un manque de progressivité dans le mouvement de transformation décidé. Dans le cadre d'un pilotage de gestion de crise, l'ANTS a renforcé ses équipes, et elle est parvenue à assurer une mise à jour mensuelle de ses outils applicatifs afin de les adapter aux besoins.

Au plan budgétaire, le PPNG a permis au ministère de l'intérieur de tenir les engagements pris. Il a abouti à la suppression de 1 300 ETPT en trois ans, de 2016 à 2018. Les économies récurrentes dégagées par la réduction de ces effectifs sont estimées à environ 70 millions d'euros par an. Toutefois, les éléments communiqués par le ministère de l'intérieur, donnent à penser que ce repyramidage s'accompagne de surcoûts en raison d'une mesure catégorielle spécifique qui tend à réduire les économies dégagées.

La Cour des comptes remarque un accroissement de la consommation des crédits, inhérent au recrutement d'un nombre grandissant de contractuels depuis 2010. Si l'on comprend l'intérêt que présente ce type de recrutement sur le plan de la gestion, il laisse des interrogations sur les garanties offertes aux usagers et aux personnels.

Sur le plan de l'efficacité des procédures, l'année 2018 apparaît comme un exercice que l'on pourrait qualifier de consolidation. De fait, les données transmises sur les délais ainsi que les indicateurs de la maquette de performance donnent à voir des résultats parfois contrastés. Pour la délivrance des CNI et des passeports, les délais moyens s'élèvent respectivement à quinze et à seize jours. On remarquera la relative contre-performance enregistrée en ce qui concerne le pourcentage de passeports biométriques et de CNI mis à disposition dans le délai de quinze jours. Ces résultats s'expliquent par la hausse exceptionnelle – environ 24 % – du volume des demandes de titres en 2018. Il conviendrait toutefois de compléter ces informations par des indications sur les délais des prises de rendez-vous proposées par les collectivités : on constate une très grande hétérogénéité au niveau national. Du point de vue de l'usager, c'est la totalité des délais qu'il faut prendre en compte.

S'agissant des certificats d'immatriculation, le délai moyen de délivrance s'établit à cinq jours à l'échelle nationale ; il se réduit à trois jours pour les certificats d'immatriculation dont la demande émane directement des professionnels. La saisie directe dans le système d'immatriculation des véhicules concerne 80 % des demandes. Le délai d'instruction des demandes adressées aux centres d'expertise et de ressources titres (CERT) peut atteindre jusqu'à vingt-cinq jours car elles sont souvent plus complexes.

Le PPNG comprend des spécificités mais il mérite que l'on en approfondisse le bilan en raison du triple mouvement qu'il engendre : réorganisation des services de l'État, décentralisation vers les collectivités, dématérialisation des procédures. La Cour des comptes y travaille. Il s'agit en particulier d'éclairer le projet décidé par le Président de la République, sous le vocable France services.

À cet effet, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur les points suivants.

Au regard du nombre croissant de titres à délivrer et des perspectives d'évolution offertes par la dématérialisation, n'y a-t-il pas lieu de reconsidérer le montant des ressources de l'ANTS, qui s'élève à environ 234 millions d'euros, en revalorisant la part des taxes affectées et en reconsidérant le coût et la nature des prestations qu'elle demande à l'Imprimerie nationale ?

À la suite de la fermeture des guichets en préfecture, 320 points numériques ont été déployés, dont 210 en sous-préfecture, en s'appuyant sur des jeunes qui accomplissent leur service civique. Cette initiative permet d'augmenter le nombre de lieux où les usagers peuvent s'adresser, mais ne doit-on pas se préoccuper de la perte de qualification que l'on pourrait reconquérir par la création d'une véritable filière de métiers de médiateurs numériques ?

Des ajustements dans les ressources et la répartition des CERT sur les territoires vous paraissent-ils souhaitables au regard de l'évolution de la demande de titres ou d'éventuelles disparités territoriales dans les délais de traitement ?

Afin d'assurer la bonne participation des communes à la délivrance des CNI et des passeports, le ministère de l'intérieur envisage-t-il la possibilité de modifier la procédure en ce qui concerne l'organisation des rendez-vous dans les mairies, le nombre et de la localisation des dispositifs de recueil, ou les modalités de remise des titres aux administrés par l'intermédiaire des communes ? Les maires ruraux notamment ont demandé à participer à la délivrance des titres. Lors de son déplacement en Saône-et-Loire, le Président de la République s'était montré sensible à cette demande.

Quelle mesure le ministère de l'intérieur envisage-t-il afin de poursuivre l'amélioration de l'usage des téléprocédures et du fonctionnement des applicatifs ?

Afin de réduire les délais de traitement des demandes de titres et, le cas échéant, d'approfondir les téléprocédures, le ministère de l'intérieur a-t-il identifié des normes qu'il conviendrait de simplifier ? Sans simplification des normes, la dématérialisation peut se révéler assez complexe à rendre efficace.

Au-delà du dispositif actuel et au regard des coûts de production, ne conviendrait-il pas d'évaluer le bien-fondé de certains supports physiques de certains titres ?

Dans le temps qui m'est imparti, je voulais remercier vos services pour l'accueil qu'ils m'ont réservé, que ce soit en préfecture, chez l'opérateur ou au ministère. Je remercie également les représentants des organisations syndicales, que j'ai rencontrés à quatre reprises depuis deux ans.

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