Intervention de Olivier Marleix

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (Administration générale et territoriale de l'État) :

Tout d'abord, je tenais à vous remercier, monsieur le ministre, pour vos réponses très précises au questionnaire que je vous avais adressé.

Mon intervention portera sur quatre sujets mais je vais être bref sur celui de la délivrance des titres, l'exposé de Jacques Savatier ayant été très complet en la matière. Je soulignerais néanmoins que cette délivrance est satisfaisante pour les permis de conduire mais beaucoup moins pour les passeports biométriques et les CNI. Dans ces deux derniers cas, les taux de délivrance en moins de quinze jours sont très en deçà des objectifs et même des taux observés en 2017. Depuis 2017, le taux de délivrance en moins de quinze jours est passé de 70 % à 53,2 % pour les passeports, et de 78 % à 58 % pour les CNI.

Mon deuxième sujet est le contrôle de légalité dans les préfectures, auquel je m'intéresse depuis trois ans. Une fois encore, je déplore la faiblesse des moyens consacrés à ce qui est pourtant une mission que les préfets tiennent directement de la Constitution. L'article 72 assigne au représentant de l'État dans le département « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».

Cette question de l'égale application de la loi, pour tous et partout à travers le territoire, a été très présente dans le grand débat national, organisé en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». On ne peut malheureusement pas répondre de manière satisfaisante à cette demande en raison de la faiblesse du contrôle de légalité.

Dans le rapport annuel de performances, on lit que 3 000 ETP sur 26 000 sont dédiés à ces missions de contrôle de légalité ou de conseil aux collectivités locales. En réalité, au vu des réponses au questionnaire que je vous ai adressé et du système de comptabilité analytique ANAPREF, on se rend compte que seulement 969 agents sont répartis sur le contrôle de légalité, dont 160 fonctionnaires de catégorie A. Dans certains départements assez importants, il n'y a même pas un seul fonctionnaire de catégorie A à temps plein sur ces missions : 0,3 ETP de catégorie A dans la Somme ; 0,5 dans le Doubs, 0,5 en Savoie, 0,4 en Haute-Loire, 1,5 dans les Hauts-de-Seine. C'est assez inquiétant.

Ce contrôle s'effectue de manière très différente selon les départements, comme le montrent les données très intéressantes que vous m'avez fournies. Dans certains départements, c'est un encéphalogramme plat. Il y a des lettres d'observation, notamment sur les questions d'urbanisme qui passionnent les directions des territoires. D'ailleurs, sur l'élaboration des plans locaux d'urbanisme, les contrôles s'apparentent davantage à un avis d'opportunité qu'à un véritable contrôle de la loi... Passons. Même en matière de commande publique, le contrôle semble être devenu très formel et peu détaillé alors que la circulaire de janvier 2011, celle qui fait référence, en faisait une priorité.

La méconnaissance, par exemple, de règles de prise illégale d'intérêt ne paraît pas susciter beaucoup d'observations ou de mises en garde. Dans un cas précis, une préfète m'a rétorqué que je n'avais qu'à informer le procureur, en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Je lui ai rappelé que c'était son métier de le faire sur la base des éléments assez précis qu'elle avait déjà à sa connaissance. Le signalement au parquet est une tradition qui semble aussi avoir pratiquement disparu. C'est un hiatus par rapport aux obligations que le législateur crée en permanence. Dans la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », nous avons créé de nouvelles obligations de probité, de déclaration d'intérêts et de patrimoine. Le souci est qu'elles ne semblent jamais rappelées par personne.

Prenons l'obligation de créer des recueils de lanceurs d'alerte au sein des collectivités locales et des entreprises privées : seulement 5 % ou 6 % des communes satisfont à l'obligation légale. Monsieur le ministre, il me semble qu'il ne serait pas superflu d'envoyer une circulaire pour dire aux préfets que quelques rappels à loi à l'égard des collectivités qui ne satisfont pas aux obligations de la loi ne pourraient pas faire de mal.

Le contrôle des sociétés d'économie mixte (SEM) est aussi l'un de mes sujets de préoccupation. Dans vos statistiques, il n'apparaît pas comme prioritaire alors qu'il devrait l'être. La création d'une SEM ou d'une société publique locale est souvent motivée par l'envie d'avoir plus de liberté, y compris en matière de commande publique. Le parallélisme des formes voudrait que cette liberté accrue appelle un contrôle accru.

Je vais vous donner un exemple très simple de dysfonctionnement : dans mon département, nous avons découvert un jour qu'une SEM avait un déficit d'exploitation cumulé de 24 millions d'euros alors que son capital initial était de 4 millions d'euros. Le code général des collectivités locales fait obligation au préfet d'informer les élus de la collectivité de rattachement. Cela n'a pas été fait. Un tel déficit ne s'est pas creusé en un jour. C'est un dysfonctionnement grave. La responsabilité de l'État pourrait même être engagée pour faute lourde en matière de contrôle de légalité. Une circulaire sur le contrôle des SEM serait aussi la bienvenue. Nous avions d'ailleurs eu ce débat lors de l'examen d'une proposition de loi sur le régime juridique des SEM.

Un petit mot sur le corps préfectoral. En 2014, la Cour des comptes avait reproché au ministère de limiter la portée de l'action des préfets, en les faisant tourner trop vite dans les départements : la durée moyenne de résidence était de seulement deux ans. Soyons clairs, il s'agissait à l'époque de résoudre un problème de pyramide des âges : l'accélération des carrières permettait à certains membres du corps préfectoral, qui avaient tardé à avoir leur casquette, de pouvoir partir en retraite en ayant exercé des responsabilités qui sont celles pour lesquelles ils avaient été formés ; c'était légitime. Actuellement, l'âge moyen de nomination des préfets est de 48 ans après dix-huit ans de carrière – seulement, pourrais-je dire. Plus rien ne justifie des évolutions de carrière aussi rapides et il serait sain de revenir à des durées de séjour un peu plus longues. Avez-vous, monsieur le ministre, des statistiques sur ce point ?

Le Président de la République, que je lis et que j'écoute attentivement, évidemment, comme chacun d'entre nous, a souligné que la haute fonction publique ne ressemble pas à la société dans notre pays, lors de la conférence de presse qu'il a donnée le 25 avril à l'issue du grand débat national, et il a annoncé des réformes. Quand on regarde le corps préfectoral, on s'interroge un peu. La « loi Sauvadet » a certes permis de faire de gros progrès en matière de féminisation, ce dont nous pouvons nous réjouir. Au ministère de l'intérieur et dans le corps préfectoral, il reste néanmoins une petite singularité en ce qui concerne la diversité des origines : celle-ci semble finalement assez peu valorisée alors que la ressource humaine existe et est compétente. Certains déroulements de carrière sont parfois un peu laborieux. C'est regrettable parce que nous avons besoin d'offrir de beaux exemples de réussite dans des fonctions régaliennes à des personnes issues de la diversité. Pour l'instant, c'est trop peu le cas dans le corps préfectoral.

Pour terminer, j'en viens au référendum d'initiative partagée (RIP). La loi organique de 2013 prévoit que le ministère de l'intérieur doit mettre en place le dispositif de recueil des signatures dans le mois qui suit la décision du Conseil d'État. Cette décision datant du 9 mai, vous avez donc jusqu'au 9 juin pour mettre en place le dispositif de recueil, pour le rendre opérationnel et le faire savoir. À quelle date cela sera-t-il fait ? Quels moyens d'information allez-vous mobiliser pour l'expression de ce droit ? Je ne suis pas sûr que vous irez jusqu'à acheter des encarts publicitaires à la télé, mais je pense qu'il y a quand même un minimum à faire pour assurer l'exercice de ce droit constitutionnel.

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