Intervention de François de Rugy

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 21h50
Commission des affaires économiques

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Il est tout à fait compréhensible que cette mesure fasse naître un certain nombre de questions, comme tout système un peu nouveau – même si celui-ci est inspiré directement d'un dispositif existant.

Certaines questions sont très concrètes et permettent de cerner des zones d'ombre ou d'exprimer des doutes. Mais d'autres interventions relèvent du procès d'intention ou visent seulement à faire peur aux gens : dire que c'est un impôt, c'est faux. Les mots ont un sens. Un impôt, c'est quelque chose que l'on doit payer au Trésor public, qui va ensuite le verser à l'État ou à une collectivité locale. Et un impôt, on ne le récupère pas, à moins d'avoir été prélevé indûment.

Le séquestre chez le notaire, c'est quelque chose qui existe déjà, Monsieur Aubert : il n'y a pas besoin d'une décision de justice pour le mettre en oeuvre. Cela se pratique souvent d'un commun accord entre acquéreur et vendeur. C'est une garantie que se donnent des parties à une transaction privée. Nous nous situons dans une logique de marché, de transactions privées dans lequel nous voulons seulement instaurer plus de transparences pour l'acquéreur, à l'instar de ce qui s'est fait avec le diagnostic de performance énergétique, les diagnostics d'assainissement, le diagnostic amiante, etc. Évidemment, lorsque le diagnostic amiante montre la nécessité de réaliser des travaux de désamiantage, le prix du logement va subir une décote… Ce n'est pas une raison pour ne pas faire de diagnostic amiante ! En revanche, si le diagnostic montre que la présence d'amiante ne présente aucun danger et que vous n'avez pas de travaux à faire, cela ne pèse pas sur le coût de la transaction : vous n'allez pas mettre une somme sous séquestre pour désamianter un bout de cheminée qui n'a pas besoin d'être désamianté. De même, si l'assainissement individuel n'est pas aux normes, il est de l'intérêt de l'acquéreur comme du vendeur de sécuriser la transaction en évaluant à temps les travaux de mise aux normes, pour éviter que les uns et les autres n'entrent dans des logiques de contentieux et ne se poursuivent mutuellement. Autant de dispositifs qui existent déjà et qui fonctionnent : loin de perturber le marché, ils permettent de le faire plutôt mieux fonctionner.

Se posent évidemment des questions telles que celle de la taxation des plus-values. Sur ces sujets, des solutions elles existent, puisque le modèle existe déjà. Cela supposera simplement des régularisations : le fisc, vous le savez bien, sait parfaitement gérer ces choses-là.

J'ai donc exprimé un avis de sagesse du Gouvernement sur la proposition du rapporteur : adopter d'ores et déjà le principe et travailler d'ici à la séance publique, à le préciser et à lever un certain nombre de questions. La lecture au Sénat permettra également de parfaire encore les choses ; ensuite viendra la lecture définitive. C'est ainsi que fonctionne le processus législatif : en tout cas, on ne part pas de rien en fonçant tête baissée, sur une idée qui serait soudainement sortie du chapeau. Je rappelle que l'argent dont il s'agit n'est pas pris à l'acquéreur ni au vendeur : c'est de l'argent orienté vers un objectif, en l'occurrence les travaux de rénovation. Comme Mme de La Raudière l'a très bien dit, quand on achète un bien immobilier qui paraît un peu dégradé – il peut simplement s'agir de peintures écaillées –, on se pose naturellement la question de savoir si l'on fera des travaux. Mais cela ne signifie pas nécessairement qu'on va les faire. Dans le cas de l'énergie, nous pensons que ce dispositif montrera son utilité au fur et à mesure du renouvellement du marché, comme ce fut le cas des normes sur le neuf, afin que les nouveaux logements consomment moins d'énergie. Le but est de faire en sorte que, progressivement, au fur et à mesure des ventes et des acquisitions, un certain nombre de rénovations s'effectuent ; car on sait qu'elles ne se font pas toutes seules : quand les gens ont des travaux à faire, ce ne sont pas forcément ceux-là qu'ils vont faire prioritairement.

Voilà la logique, assez fluide, qui sous-tend le dispositif proposé. Le marché des transactions immobilières enregistre environ 800 000 ventes par an. On considère qu'une petite centaine de milliers d'entre elles seraient concernées. En travaillant par étapes à répondre aux interrogations, comme l'a proposé le rapporteur, nous pourrons donc répondre aux interrogations.

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