Intervention de Laurent Furst

Séance en hémicycle du lundi 24 juin 2019 à 16h00
Collectivité européenne d'alsace — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Furst :

Je voudrais aborder la genèse de ce texte. J'ai évoqué la loi, je ne reparlerai pas du référendum voté par 58 % des Alsaciens – car c'est en raison de conditions particulières que le référendum a été considéré comme un échec : le résultat est bien de 58 %. Je ne parlerai pas de Philippe Richert, qui a gagné la première élection régionale grand estienne avant de devoir quitter sa présidence, tant sa conversion l'a rendu impopulaire en Alsace. Grâce à la mobilisation de nombreux élus, grâce à l'action de nombreux citoyens réunis dans de belles associations, la pression n'a jamais baissé. Nous voulions un retour à l'Alsace. Assez rapidement, nous avons senti qu'une évolution serait possible. Je salue ici le rapport Marx, commandé par le Gouvernement, qui présente des pistes intéressantes.

Malheureusement, le successeur de Philippe Richert à la présidence de la région, M. Rottner, s'est largement mêlé de cette affaire. Il a négocié à l'Élysée le maintien intangible du périmètre du Grand Est. Puis il a obtenu du Premier ministre qu'on ne toucherait pas aux compétences de la région. Il ne restait donc plus que la fusion des deux départements. Vous lui avez tout donné et pourtant, à notre surprise, il a appelé à voter Bellamy aux européennes : avouez que cela est bien mal payé. Cela dit, retenons que M. Rottner, qui avait fait signer une pétition à plus de 60 000 Alsaciens pour défendre leur région, est devenu président du Grand Est et le premier militant de l'impossible retour à l'Alsace.

Après le rapport Marx, vous avez été chargée, madame la ministre, du dossier, dans le cadre étroit du « on ne touche pas à la région, ni dans ses frontières, ni dans ses compétences ». C'est ainsi que nous discutons, vous l'avez reconnu très honnêtement, d'une simple fusion de deux départements, mâtinée de quelques compétences que État veut bien nous céder.

J'ai dit précédemment que ce texte n'est pas rien, mais j'aimerais dire aussi que fusionner deux départements, ce n'est pas revenir à l'Alsace : c'est fusionner deux départements. Pour cela, du reste, il n'est pas besoin de loi. La loi porte sur le nom et les compétences d'État transférées.

Je voudrais souligner ici un point qui me chiffonne : soixante-douze heures avant les accords de Matignon, les députés et sénateurs ont découvert la démarche entreprise. Les deux présidents ont été mis sous pression tout au long d'un, et d'un seul week-end. Les accords de Matignon ont été signés un lundi, sans coordination ni consultation des parlementaires. Je vous avais fait part de ma mauvaise humeur. Vous m'aviez répondu que tout serait évoqué dans le cadre du temps parlementaire. Nous y voilà depuis quelques semaines et quelle est la doctrine du Gouvernement ? Les accords de Matignon, rien que les accords de Matignon ! Clairement, députés et sénateurs ne comptent pour rien dans cette affaire. Je voulais vous faire part sur ce point de mon immense déception.

Je voudrais enfin aborder ici les points qui me sont chers et qui ne coûtent rien. Tout d'abord, les statistiques : depuis toujours, nous avions, comme partout en France, des statistiques départementales, compilées à l'échelle régionale. Dès la création des grandes régions, la Banque de France, l'INSEE et d'autres organismes publics ont fait disparaître les données à l'échelle alsacienne. Je ne doute pas que l'ordre soit venu de Paris mais, demain, qu'en sera-t-il ? Nous aurons deux départements au sens de l'État et une collectivité alsacienne, la CEA. Madame la ministre, n'est-il pas temps d'arrêter d'effacer l'Alsace ?

Ensuite, les plaques minéralogiques : le gouvernement qui vous a précédés a souhaité imposer ses régions XXL jusque sur les plaques des véhicules français. Aujourd'hui, légalement, vous ne pouvez qu'apposer une plaque des nouvelles régions hollandaises : pour l'Alsace, le Grand Est. Il ne vous est pas possible d'apposer une plaque portant le blason alsacien. En revanche, si vous êtes en colère, vous pouvez apposer légalement une plaque corse ou bretonne ! Avouez, madame la ministre, que cela confine au ridicule. Vous nous rétorquez que cette question relève non pas de la loi mais du pouvoir réglementaire. Pourquoi pas ? Mais dans ces conditions, pourquoi, sur ce sujet comme sur les statistiques d'ailleurs, n'avoir pas pris les mesures nécessaires ? Modifier un arrêté ne coûte rien. Mon sentiment est que, sur ce point pourtant si simple, nous aurons du mal à obtenir une quelconque évolution.

Reste le plus grave : nous n'avions pas vu que, derrière la grande région, se cacherait le risque de briser le tissu social alsacien. Oh, ce n'est pas dans la loi ! Mais toutes les fédérations sportives, culturelles et professionnelles sont invitées à s'organiser à l'échelle du Grand Est. Si elles veulent des subventions de l'État ou de la région, s'organiser à l'échelle du Grand Est est obligatoire. Des décennies de solidarités régionales sont broyées.

Pour le sport, il n'y a plus de petit champion d'Alsace. L'Alsace étant le petit territoire derrière la montagne, dans une région de 400 kilomètres de long, soixante-dix fédérations ou organisations publiques ont quitté Strasbourg, généralement pour Nancy. De Strasbourg à Nancy, il faut deux heures pour l'aller et deux heures pour le retour, pour parfois une heure vingt de réunion. Vous imaginez le mouvement de retrait des cadres alsaciens de toutes les instances régionales !

S'agissant des administrations, après l'agence régionale de santé – ARS – , après la chambre régionale des comptes, c'est le rectorat que M. Blanquer voulait fermer à Strasbourg. Sans les gilets jaunes, ce serait peut-être déjà fait.

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