Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du mercredi 26 juin 2019 à 15h00
Énergie et climat — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi

François de Rugy, ministre d'état, ministre de la transition écologique et solidaire :

Nous sommes l'un des rares pays au monde à avoir adopté un tel texte. Lors des débats, je m'en souviens, certains se demandaient, de manière tout à fait légitime du reste, pourquoi se priver d'une ressource qui se trouve sous nos pieds, qu'il s'agisse des gaz et des pétroles de schiste ou du pétrole extrait, de manière plus classique, à l'aide de forages en mer, tels que ceux qui existent au large de certains territoires d'outre-mer. En tout état de cause, cette loi a eu pour effet concret de conduire à refuser plus de cinquante demandes de permis de recherche ou d'exploitation pour la seule année 2018.

Par ailleurs, les ménages, notamment les plus modestes d'entre eux, ont pu bénéficier d'aides qui n'existaient pas jusqu'à présent. Je pense notamment à la prime à la conversion qui, en 2018, a permis à 300 000 automobilistes d'acheter une voiture moins polluante, qui consomme moins et qui est moins coûteuse à l'usage. Ont ainsi été mises à la casse 300 000 vieilles voitures, qui sont parmi celles qui émettent le plus de gaz à effet de serre et, rappelons-le en cette période de canicule, qui sont les plus polluantes. Là encore, et la collectivité et les automobilistes y gagnent. Du reste, la tendance se poursuit et est même à la hausse en 2019.

Nous avons créé un dispositif analogue pour les chaudières au fioul. Des opérateurs privés démarchent les personnes concernées pour leur proposer un dossier unique, clé en main : ils s'occupent de toutes les démarches et des recherches d'aides. Ainsi, les Français les plus modestes peuvent remplacer leur chaudière pour un euro seulement ! J'ai moi-même rencontré un certain nombre de ménages qui ont bénéficié de cette aide et qui m'ont dit que le remplacement de leur vieille chaudière au fioul, qui pollue, par une pompe à chaleur électrique, par exemple, leur permettait de réduire de 1 000 à 1 500 euros leur facture annuelle de chauffage. Le nombre des ménages ayant bénéficié de cette aide est déjà de 60 000 pour les cinq premiers mois de l'année 2019.

Enfin, la Programmation pluriannuelle de l'énergie, que le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons présentée à la fin de l'année dernière sera mise en application grâce au vote de ce projet de loi. Elle définit, vous le savez, la stratégie française en matière d'énergie pour les dix années qui viennent et trace des trajectoires précises pour chaque production d'énergie, de façon à donner une visibilité aux industriels, aux investisseurs ainsi qu'aux particuliers et aux collectivités locales.

Le projet de loi poursuit trois objectifs.

Premièrement, il s'agit de permettre la publication de la Programmation pluriannuelle de l'énergie qui, en vertu de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, prend la forme d'un décret. En 2017, mon prédécesseur a constaté que l'objectif de limiter à 50 % la part du nucléaire dans la production d'électricité n'était pas atteignable. Une opération vérité devait donc être menée ; elle l'a été. Le projet de loi fixe ainsi la nouvelle échéance à 2035. Si nous avions voulu fermer les centrales nucléaires en plus grand nombre pour atteindre l'objectif en 2025, il nous aurait fallu, je le rappelle, construire à la va-vite des centrales thermiques pour prendre le relais. Or notre stratégie permettra le remplacement progressif de vieilles capacités nucléaires par des énergies renouvelables tout aussi décarbonées, non polluantes et économiquement compétitives, puisque les coûts de production du solaire photovoltaïque et de l'éolien, terrestre et marin, baissent et se rapprochent des prix de marché, nécessitant de moins en moins de subventions.

Ce projet de loi tend par ailleurs à rehausser nos objectifs pour le climat et à renforcer les moyens permettant de les atteindre. Avant même que le texte soit adopté en conseil des ministres, certains ont cru bon de lancer une polémique autour de l'objectif et du concept même de neutralité carbone, qui servait pourtant de référence à l'accord de Paris sur le climat. Il est vrai que la loi sur la transition énergétique, adoptée à l'été 2015, n'en faisait pas mention. Mais l'accord de Paris ayant été conclu en décembre 2015, nous adaptons notre législation à ce nouveau cadre. Notre objectif est donc clairement défini et chiffré : d'ici à 2050, nous ne devons plus émettre davantage de gaz à effet de serre que nos forêts – et, plus généralement, l'ensemble des végétaux – ne peuvent en absorber en France.

Pour y parvenir, nous devrons diviser nos émissions de gaz à effet de serre par six, au moins, par rapport aux émissions de l'année 1990, qui sert de référence. Par ailleurs, très bientôt, dès la fin de la prochaine décennie nous proposons de porter de 30 à 40 % l'objectif de réduction de la consommation d'énergies fossiles afin de renforcer la lutte contre le climat.

L'article 2 prévoit d'officialiser la création du Haut Conseil pour le climat. Nous avions voulu installer ce dernier sans attendre dès la fin de l'année 2018. Il a commencé ses travaux dès le début de 2019 et a rendu hier son premier rapport, dont le contenu confirme d'ailleurs l'indépendance de l'institution. Nous souhaitons que le HCC s'inscrive durablement dans notre arsenal d'outils en faveur du climat. Si vous adoptez ce projet de loi, les experts scientifiques pourront, au moins une fois par an, nous rendre compte de l'état de la science sur le sujet.

Par ailleurs, ce texte vise à nous donner les moyens légaux et incontestables de fermer les dernières centrales à charbon. Quelques unités de production d'électricité par le charbon perdurent en effet dans notre territoire, au grand étonnement des Français qui pensaient qu'elles avaient disparu depuis longtemps pour ne survivre qu'au-delà du Rhin, en Allemagne ou en Pologne. C'est vrai, ces pays en comptent beaucoup plus que chez nous mais il nous en reste encore quatre importantes. Elles pourront fermer d'ici à 2022, conformément à l'objectif politique annoncé l'année dernière et auquel nous avons commencé à réfléchir avec les entreprises, les salariés et les territoires concernés. Ces quatre centrales à charbon, je le rappelle, émettent autant de gaz à effet de serre que 4 millions de voitures individuelles.

Cela étant – et M. le rapporteur ne le sait que trop bien du fait de son territoire d'élection, le Gard – , nous n'avons pas l'intention de fermer ces centrales sans prévoir d'accompagnement. Il n'y aura pas de fermeture sèche, comme cela a pu se produire dans le passé. De nombreuses centrales au fuel ont fermé ces dernières années en France sans le moindre accompagnement social ou territorial, ce dont les territoires peuvent souffrir terriblement. En conséquence, en plus du plafonnement du nombre d'heures de fonctionnement qui permettra de sortir de la production d'électricité par le charbon, le projet de loi prévoit des dispositifs d'accompagnement spécifiques pour les salariés de ces centrales, pour ceux des entreprises sous-traitantes et pour les territoires concernés.

Enfin, les dispositions de ce texte devraient nous permettre de résoudre des problèmes laissés trop longtemps en suspens. Ainsi, la clarification des dispositions relatives à l'autorité environnementale devrait mettre fin à l'insécurité juridique actuelle, laquelle a favorisé la multiplication des contentieux et fragilisé les petits projets de production d'énergie renouvelable, notamment solaire ou photovoltaïque.

Autre problème, celui posé par les dispositions relatives aux tarifs régulés du gaz, que vous aviez adoptés après en avoir longuement débattu lors de l'examen de la loi, dite PACTE, relative à la croissance et la transformation des entreprises. M. le président de la commission s'en souvient fort bien.

1 commentaire :

Le 28/06/2019 à 14:41, Anonyme a dit :

Cela ne règlera absolument pas le problème du climat!

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