Intervention de Marjolaine Meynier-Millefert

Séance en hémicycle du mercredi 26 juin 2019 à 15h00
Énergie et climat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarjolaine Meynier-Millefert :

Ce projet de loi a parfois été surnommé « petite loi énergie », sans doute pour souligner que le Gouvernement le voulait à la fois pragmatique et concis. L'ambition n'est pas de rejouer le match des objectifs de long terme, qui ont donné lieu à suffisamment de débats par le passé, ni d'ouvrir une surenchère sur de nouvelles ambitions, qui seraient fixées à de tels horizons que ni vous ni moi ne serions plus là pour les assumer.

Cet esprit initial est, je pense, conservé ; dans son obsession du pragmatisme, dans sa recherche de sincérité dans les engagements sobres qui la composent, elle est peut-être finalement plus ambitieuse que d'autres qui l'ont précédée. Car il ne s'agit plus de dire, mais de faire.

D'autres ont déjà présenté le texte dans son ensemble ; aussi, permettez-moi de concentrer mon propos sur un sujet qui m'est cher : la rénovation énergétique des bâtiments. Là aussi, il y a urgence à agir.

Cette urgence est d'abord sociale, car près de 5 millions de ménages vivent dans une situation de précarité énergétique : leurs logements sont mal isolés et ne leur permettent pas de se protéger correctement de la chaleur, dans des périodes de canicule comme celle que nous traversons aujourd'hui, ou de se chauffer suffisamment en hiver. Le mal-logement, qui recouvre pour partie la question des passoires thermiques, a des conséquences désormais mesurées sur la santé, sur l'éducation, sur le bien-être psychique, sur l'inclusion sociale de ceux qui vivent dans de telles conditions.

Ces situations ne sont pas anecdotiques ; elles ne sont plus acceptables, et des solutions peuvent et doivent être trouvées. Donner à chacun l'opportunité de vivre dans un logement digne et décent est une mesure de justice sociale ; c'est l'une de ces mesures qui libèrent et offrent des opportunités aux plus modestes de nos concitoyens. Car on n'est pas vraiment libre quand on ne sait pas comment payer sa facture de chauffage !

Cette urgence est aussi environnementale. Le secteur du bâtiment représente près de la moitié de l'énergie finale consommée en France ; il est à l'origine de près d'un quart des émissions de gaz à effet de serre. Si nous voulons effectivement atteindre la neutralité carbone en 2050 – et je crois qu'il s'agit là d'une ambition partagée par tous les parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique – , alors nous devons nous montrer ambitieux dans les moyens que nous consacrerons à la rénovation énergétique des bâtiments.

Aujourd'hui, nous hésitons sur la bonne manière de gravir cette première marche. C'est raisonnable, d'hésiter, de se demander quelle sera la mesure la plus juste ! La vigueur de nos débats montrera, j'en suis sûre, que nous sommes tous conscients de la complexité du sujet, et que nous avons tous à coeur de trouver la mesure d'équilibre qui permettra d'être à la hauteur de nos engagements, tout étant juste pour tous nos concitoyens.

Il est normal d'hésiter lorsque l'on s'apprête à prendre des engagements aussi ambitieux, et que l'on prévoit de les tenir. C'est d'ailleurs, à vrai dire, ce qui fait que je respecte ce Gouvernement : il ne signe pas de chèque sans provision.

Le sujet est également éminemment sensible, car la situation n'est pas uniforme. S'il est vrai que 1,2 million de passoires thermiques proposées à la location sont détenues par des propriétaires très riches, et que l'on pourrait considérer que ceux-là pourraient faire l'effort de fournir à leurs locataires un logement rénové, il est vrai aussi, à l'inverse, que 300 000 à 400 000 passoires thermiques sont louées par des gens eux-mêmes modestes ou très modestes. S'il est vrai que la valeur immobilière s'envole parfois dans de telles proportions qu'il n'est même plus utile de louer son bien pour s'enrichir, en d'autres endroits, en revanche, la maison entière ne vaut même pas le prix des travaux qui la remettraient en état.

Or les dispositifs sur lesquels nous nous accorderons dans les heures qui viennent doivent embrasser en même temps ces réalités très variées.

Discutons donc, vivement, longuement s'il le faut ; pesons les avantages et les inconvénients ; prenons date et revoyons-nous lors de la discussion du projet de loi de finances, qui contiendra certaines mesures, sur le service public de la performance énergétique de l'habitat ou la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique, par exemple. Engageons-nous aussi à nous faire les relais des dispositifs qui existent dans nos territoires : ils sont nombreux, et je suis bien placée pour vous affirmer qu'à l'extérieur, nous n'avons pas attendu ce projet de loi pour avancer sur la rénovation des logements. Oui, des progrès doivent encore être accomplis, mais de nombreux outils arrivent à maturité, sous la conduite attentive du Gouvernement. Bientôt pleinement déployés, ils accompagneront tous les ménages dans leurs travaux.

Depuis bientôt deux ans que je m'efforce de faire évoluer ce sujet, j'ai conçu un profond sentiment d'humilité. Humilité, d'abord, vis-à-vis de ceux qui se battaient déjà bien avant nous pour le faire progresser, et qui ne perdent rien de leur passion – même s'ils s'accordent tous à dire que l'on n'avance pas assez vite. Associations, organisations professionnelles, responsables politiques, acteurs publics ou privés, je veux ici les remercier sincèrement de leur engagement sans faille. Humilité, ensuite, devant l'immensité et la complexité de la tâche, car oui, c'est effrayant, quand on comprend un peu le sujet, de s'engager à rénover les passoires thermiques en dix ans. On se demande comment on va faire, et contempler cet Everest de la rénovation de l'ensemble du parc à un niveau BBC en trente ans, c'est écrasant !

Pourtant, il n'est pas possible de se dérober ; c'est là l'objectif que nous devons nous fixer, pour nos concitoyens les plus précaires et pour les générations futures. Mes chers collègues, c'est une évidence, nous devons être à la fois ambitieux et concrets sur ce sujet, car il ne s'agit plus aujourd'hui de dire, mais de faire.

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