Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du mercredi 26 juin 2019 à 21h30
Énergie et climat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Tandis que l'Hexagone traverse un épisode caniculaire particulièrement rude, nous voilà réunis dans l'appréciable fraîcheur de cet hémicycle pour débattre du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, exactement quinze ans après la signature du premier plan stratégique de réduction des gaz à effet de serre.

Cette petite loi, comme certains l'ont qualifiée alors que la première version présentée par le Gouvernement ne comprenait que huit articles rédigés à la va-vite, s'est transformée au fil des débats en commission en un texte solide, fort de ses quarante-six articles.

Si je regrette que la commission du développement durable n'ait pas été saisie au fond, je veux cependant saluer ici les collègues de la commission des affaires économiques qui ont permis de sauver ce texte de l'anonymat et de revoir à la hausse ses ambitions en matière de transition énergétique.

Je ne boude pas mon plaisir de voir le travail parlementaire mis à l'honneur, tant il est vrai que le nouveau monde nous avait habitués à un traitement différent. Après la douche froide qui a suivi l'Accord de Paris, période au cours de laquelle la politique de la majorité en matière de transition écologique s'est bornée à marteler des slogans tout en opérant reculs après reculs, nous désespérions d'être saisis d'un texte à la mesure de l'acte fondateur qu'a été la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, votée en 2015.

Certes, on pourra toujours faire mieux, et une partie des associations, y compris le Réseau action climat, n'en finit pas de manifester sa déception. Mais j'accueille avec un grand enthousiasme la déclaration d'urgence climatique et écologique, d'une part, et les objectifs affichés en termes de neutralité carbone, d'autre part. Outre qu'elles témoignent d'une prise de conscience salutaire bien que tardive, ces mesures offrent une parfaite occasion de faire des territoires d'outre-mer, souvent en avance par rapport à la métropole en matière de transition énergétique, de véritables laboratoires d'excellence en la matière.

Dans cet esprit, la Guyane, grâce notamment à ses 8 millions d'hectares de forêt amazonienne primaire, constitue un formidable puits de carbone et doit être reconnue pour son rôle fondamental dans ce domaine. Encore faudrait-il que nous prenions la mesure des enjeux et de l'urgence qu'il y a à préserver cet espace tout en offrant aux populations locales des solutions de développement endogène et durable. Monsieur le ministre de la transition écologique et solidaire, vous savez à quel point vous êtes attendu sur ce sujet.

Si des études ont montré que la forêt tropicale dans le bassin amazonien absorbe annuellement environ 25 % du carbone séquestré sur Terre, cet espace souffre cruellement du réchauffement climatique et de la pression anthropique. Le réchauffement climatique provoque un vieillissement prématuré des arbres, tandis que les activités humaines, en particulier agricoles et minières illégales – j'insiste sur ces deux qualificatifs – , sont responsables de la perte annuelle d'une surface de forêt amazonienne équivalente à la Belgique.

La situation est critique, puisque le stockage net a déjà diminué de moitié. En outre, depuis 2014, les émissions fossiles en Amérique du Sud sont supérieures à ce dernier. À cet égard, les récentes déclarations du président brésilien Jair Bolsonaro et de sa ministre de l'agriculture ne sont pas de nature à nous rassurer.

En Amazonie française, c'est-à-dire en Guyane, l'orpaillage illégal n'en finit pas de ravager la forêt tout en mettant en péril les populations locales – 15 000 garimpeiros déboisent, polluent et empoisonnent les milieux naturels en dépit des opérations militaires qui ont largement démontré leurs limites ainsi que leurs insuffisances.

Face à ce que d'aucuns qualifient d'inaction de l'État, je déposerai prochainement une proposition de résolution demandant la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane et l'empoisonnement au mercure ou au méthylmercure des populations amérindiennes et bushinengués. Le sujet est trop important, la population concernée trop fragile, l'urgence trop évidente et la responsabilité de l'État trop flagrante pour que nous restions les bras croisés face à cette catastrophe.

Pour en revenir au coeur du texte, je tiens à saluer l'adoption de l'amendement déposé par Delphine Batho sur les subventions aux énergies carbonées. Il s'agit là d'une revendication du groupe GDR, soutenue lors de notre dernière niche parlementaire. Je félicite les collègues qui ont décidé de faire droit à cette proposition, contre l'avis du Gouvernement, et j'espère que ce dernier n'aura pas, comme à son habitude, la tentation de défaire en séance ce qui a été validé en commission.

Monsieur le ministre, ce texte comporte de belles intentions, mais il souffre encore de véritables faiblesses, notamment en ce qui concerne les outre-mer. C'est la raison pour laquelle nous resterons sur nos gardes dans l'attente de la déclinaison des plans de convergence et de transformation qui ne sauraient faire l'impasse sur une vraie trajectoire de développement durable au bénéfice de nos territoires. Ces plans seront sous la responsabilité de votre collègue, ministre des outre-mer. Nous espérons que le travail interministériel permettra de mettre la cohérence au service des différents projets que nous portons. Je vous en remercie par avance.

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