Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 26 juin 2019 à 21h30
Énergie et climat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Avouez que commencer l'étude d'un texte sur le climat en pleine canicule, cela ne manque pas de sel. J'ai d'ailleurs une pensée pour tous les candidats au brevet des collèges qui devront décaler leur départ en vacances ou en voyage scolaire ou linguistique de quelques jours, et une pensée encore plus grande pour ceux qui auront le plaisir de passer l'épreuve en septembre. Satanée canicule !

Ironie du sort, notre travail coïncide avec la publication du premier rapport, très instructif, du Haut Conseil pour le climat qui dresse un bilan sévère de la politique de la France. S'il lui reconnaît des objectifs ambitieux, il pointe des actions insuffisantes et des dispositifs trop faibles.

Ainsi, nous sommes réunis pour examiner un texte dont la mesure la plus emblématique, si l'on en croit la presse, serait l'inscription de l'urgence écologique et climatique dans l'article 1er du projet de loi. Le Royaume-Uni et l'Irlande l'avaient fait avant nous, il fallait d'urgence leur emboîter le pas : c'est chose faite. Nous voilà rassurés !

Trêve de plaisanterie. En juin 2017, Emmanuel Macron déclarait : « Le changement climatique est l'un des plus grands défis de notre temps. [… ] Peu importe où nous vivons, nous partageons la même responsabilité : rendre à notre planète sa grandeur ». Un discours qui avait dû séduire Nicolas Hulot, ministre de l'environnement de l'époque, qui, faisant preuve de lucidité, a démissionné un an plus tard avec ces mots : « J'espère que M. Macron tirera les leçons de ma démission. J'espère que ce geste sera utile, pour que chacun se pose la question de sa responsabilité. » Depuis, les élections européennes sont passées par là et, avec elles, les 13,47 % de voix obtenues par la liste écologiste – un vote très convoité qu'il faut bien satisfaire.

Quelles sont donc les mesures concrètes que propose ce texte ? Tout d'abord, et c'est une bonne chose, vous prévoyez d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 – cela suppose de ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que le pays ne peut en absorber par le biais, notamment, de ses forêts ou de ses sols. Pour y parvenir, nous devrons diviser par six au lieu de quatre précédemment nos émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.

Autre mesure positive, l'accélération de la réduction de la consommation d'énergies fossiles – l'objectif de réduction à l'horizon de 2030 est portée de 30 % à 40 %. Vous vous engagez notamment à arrêter de produire de l'électricité à partir du charbon d'ici à 2022 avec, à la clef, la fermeture des centrales du même nom. Reste à voir quelles seront les mesures d'accompagnement spécifiques pour les salariés de ces installations et leurs sous-traitants qui seront bien évidemment affectés par les fermetures.

Malheureusement, le reste du texte n'est pas aussi réjouissant. À titre d'exemple, le Premier ministre a évoqué, lors de son discours de politique générale, la possibilité de porter le volume des futurs appels d'offres pour l'éolien en mer à 1 gigawatt par an, ce qui représente environ 150 nouvelles éoliennes par an. Or, faut-il le rappeler, les éoliennes sont loin de faire l'unanimité, pour des raisons de pollution des paysages, de protection sanitaire ou de protection de certaines espèces animales. J'ajoute que la lumière n'a toujours pas été faite sur les effets secondaires aussi alarmants qu'inexpliqués du parc éolien de Nozay, entre Nantes et Rennes.

Je pense également à votre volonté de sortir du nucléaire à tout prix. L'Agence internationale de l'énergie affirme dans son rapport, publié le 28 mai dernier et intitulé « L'énergie nucléaire dans un système énergétique propre », que l'énergie nucléaire est non émettrice de CO2 et constitue un mode de production d'énergie propre. Toutes ses conclusions militent contre une fermeture arbitraire et prématurée, que ce soit en 2025 ou en 2035, de centrales encore en fonctionnement. Pourquoi donc ne pas en tenir compte ?

Dans la catégorie des mesures décevantes, l'article 5 entend lutter contre les faux certificats d'économie d'énergie pour résoudre le problème des passoires thermiques, mais il n'y a pas un mot sur d'éventuels dispositifs financiers encourageant la réduction de notre consommation d'énergie.

Quant à votre expérimentation de mise sous séquestre d'une partie du montant de la vente des habitations mal isolées pour en financer les travaux de rénovation, c'est la double peine pour les vendeurs, puisque, le plus souvent, le prix de vente tient déjà compte du mauvais état d'isolation de l'habitat.

Vous auriez pu également parler des circuits courts, de l'achat local en fonction des saisons, mais pas un mot là-dessus non plus. En revanche, vous n'omettez pas le recours aux ordonnances quand cela vous arrange.

Bref, un texte pas très convaincant pour sauver notre écosystème, ou comment donner l'impression de tout changer pour ne rien changer.

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