Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du jeudi 27 juin 2019 à 9h30
Droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Il est aussi la preuve que l'égal accès aux soins, sujet qui nous occupe ce matin, ne peut se résumer à la lutte contre la désertification médicale, même si sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, l'action gouvernementale n'est pas à la hauteur des enjeux, j'ai eu l'occasion de le souligner maintes fois.

Nous ne pouvons pas accepter que les plus fragiles, les plus modestes des Français renoncent à se soigner parce que les soins coûtent trop cher et que le reste à charge augmente.

Alors oui, mes chers collègues, les frais des complémentaires santé doivent en effet nous préoccuper, dans la mesure où nous savons que les dépenses en santé augmentent. Leur hausse a été de plus de 30 % en dix ans. Par conséquent, les cotisations versées aux organismes complémentaires ont suivi cette augmentation, à hauteur de 38 % sur la même période. Aujourd'hui, les tarifs de souscription sont souvent compris entre 1 000 et 2 000 euros par an.

Nos collègues du groupe La République en marche nous proposent donc de nous attaquer à ces dépenses incompressibles et contraintes, qui pèsent lourd sur le pouvoir d'achat des ménages. Ce choix paraît judicieux lorsque l'on sait que les frais des complémentaires santé représentent entre 2 et 5 % des dépenses dites « pré-engagées », à côté du logement et de l'alimentation. Il est d'autant plus nécessaire que, pour mettre en oeuvre la mesure du reste à charge zéro, Mme la ministre, Agnès Buzyn, avait demandé un effort aux organismes complémentaires de 50 millions d'euros par an entre 2019 et 2023, ce qui fait évidemment craindre une augmentation des cotisations.

Aussi avez-vous fait le choix, approuvé par le Sénat, de libéraliser le secteur des complémentaires santé, pour baisser le prix des contrats. Votre logique semble simple et convaincante : il faut donner aux adhérents la possibilité de résilier à tout moment, et sans frais, leurs contrats – Paul Christophe parlait, à juste titre, d'une prolongation de la loi Hamon. Le but est donc d'inciter les complémentaires à proposer des tarifs plus attractifs.

S'il comprend l'intérêt d'une telle mesure, notre groupe, monsieur le rapporteur, a fait part, en première lecture, des interrogations qu'elle pouvait soulever. Comment être sûr qu'elle n'entraînera pas une augmentation des frais de publicité ou des frais de gestion administrative ? On le sait, chat échaudé craint l'eau froide ! Et c'est ce qui s'est passé avec les services bancaires : je vous renvoie, sur ce point, à l'excellent rapport de la Cour des comptes, qui relève une explosion des frais annexes au cours des dernières années. Je vous invite donc, monsieur le secrétaire d'État, à suivre cette question de très près car, dans le temps, on risque de constater des dérives.

Comment, d'autre part, s'assurer que le choix sera vraiment libre ? Cet aspect est bien entendu essentiel : on ne peut obliger tel ou tel de nos concitoyens à adhérer à telle ou telle complémentaire.

Comment s'assurer également que ne seront pas remis en cause certains acquis de notre système de protection sociale, comme le fonctionnement des mutuelles, qui repose sur la solidarité entre leurs membres à travers une mutualisation des risques ? Pourra-t-on maintenir efficacement ce principe dans le système que vous nous proposez ?

Au-delà de ces doutes, notre groupe s'est aussi interrogé sur le postulat de base de votre texte. Si le secteur de la santé est, chacun en convient, un secteur économique, il n'est pas comparable aux autres. Vous avez présenté cette proposition de loi comme une « évolution » de la loi Hamon de 2014. Mais, lorsqu'il s'agit de santé, monsieur le secrétaire d'État, il faut évidemment faire preuve de prudence, notamment, comme je le disais, pour veiller à l'absence de répercussions sur les frais de dossier et de gestion.

Pour autant, nos interrogations, sinon nos inquiétudes, ne doivent pas faire oublier qu'il est nécessaire et urgent de modifier le fonctionnement actuel des complémentaires santé. Il doit être amélioré pour répondre à nos besoins de santé, non pour enrichir les organismes, leurs actionnaires et leurs dirigeants. Cette préoccupation est légitime lorsque l'on sait que 20 % des cotisations collectées ne sont pas affectées au remboursement des prestations.

Finalement, nous saluons votre volonté d'améliorer l'accès aux soins des plus modestes – combat que je mène depuis de longues années – et nous félicitons de l'introduction des deux nouveaux articles 3 bis A et 3 bis, qui permettront une meilleure lisibilité des contrats par les adhérents et les professionnels de santé.

Telles sont les raisons qui me conduiront à voter pour le texte, ce qui ne sera pas le cas de tous les membres du groupe Libertés et territoires, car certaines réserves n'ont toujours pas été levées.

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