Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du vendredi 28 juin 2019 à 15h00
Énergie et climat — Article 8

François de Rugy, ministre d'état, ministre de la transition écologique et solidaire :

À une époque, d'ailleurs, les prix de certains aliments comme pain étaient fixés administrativement. Mais ce n'est plus le cas depuis très longtemps.

En l'occurrence, la France n'a pas fait le choix de laisser le marché complètement libre de fixer les prix de l'électricité, puisqu'il existe un tarif régulé. Tarif auquel, je le rappelle, tout le monde n'est pas obligé de souscrire : si des consommateurs souhaitent bénéficier d'autres offres qui leur paraissent plus intéressantes, ils sont libres de le faire. EDF elle-même propose d'ailleurs d'autres offres.

Quoi qu'il en soit, si l'on veut conserver le tarif régulé, il convient alors le calculer au mieux, c'est-à-dire au niveau le plus juste pour le consommateur.

Il est vrai qu'un autre raisonnement est possible, qu'il serait bon de formuler explicitement – et c'est, je crois, ce que M. Aubert a commencé à faire – : il consiste à défendre avant tout l'intérêt de l'entreprise EDF. Mais si on le suit, soyons clairs, il faut oublier les 25 millions de consommateurs au tarif régulé.

M. Aubert laisse entendre que le mode de calcul en vigueur, qui est appliqué par la Commission de régulation de l'énergie, serait appliqué au détriment d'EDF. Pas du tout : l'augmentation de 5,9 % des tarifs de l'électricité induite par le mode de calcul en vigueur bénéficie principalement, naturellement, à EDF, puisque 25 millions de consommateurs sont assujettis à ce tarif.

Le produit de cette augmentation représente de l'ordre de 1,3 milliard d'euros de recettes supplémentaires : il s'agit tout de même d'une somme importante ! Et contrairement à ce que dit M. Aubert, le tarif de l'ARENH n'occasionne absolument pas une perte d'argent pour EDF au bénéfice de ses concurrents : encore une fois, il bénéficie plus ou moins aux consommateurs, car c'est bien à eux que je pense lorsque je cherche la meilleure solution pour maîtriser les prix de l'électricité.

Admettons que les coûts du nucléaire explosent et qu'il faille réviser le tarif de l'ARENH fortement à la hausse, comme vous semblez d'ailleurs l'envisager : dans ce cas, si l'on ne veut pas une nouvelle fois augmenter l'endettement d'EDF, cette hausse serait tôt ou tard répercutée sur les consommateurs. Mais si l'on pense, que dans le cadre actuel, les coûts – et notamment celui du nucléaire – sont maîtrisés, et que dans ces conditions on peut en faire bénéficier l'ensemble des consommateurs, je ne vois pourquoi on s'en priverait : telle est, en tout cas, notre orientation.

Voilà pourquoi il y a ce débat sur le volume de l'ARENH.

Encore une fois, ce qui est offert aujourd'hui n'est qu'une simple possibilité. On n'inscrit pas dans la loi que l'on autorisera désormais un volume maximal de 150 térawattheures, contre 100 térawattheures aujourd'hui. On dit simplement qu'un décret permettra de réviser ce volume à la hausse, en fonction de ce qui aura été constaté et des éventuelles négociations avec la Commission européenne, y compris concernant le prix de l'ARENH.

Sur ce dernier point, il serait tout de même bon de dire les choses clairement. Jusqu'à présent, la Commission européenne a toujours évalué le coût de l'énergie nucléaire produite par les centrales historiques autour de 34 euros. Or le prix de vente est aujourd'hui de 42 euros. EDF gagne donc d'ores et déjà de l'argent en vendant de l'électricité nucléaire. On ne peut pas dire matin, midi et soir, comme vous le faites depuis trois jours, monsieur Aubert, que le nucléaire est l'énergie la moins chère, toutes catégories confondues, et demander sans cesse que l'on réévalue son prix. Il faut un peu de cohérence !

Enfin, je veux dire à M. Turquois, qui a posé une question très pertinente, qu'à travers le développement des énergies renouvelables, ce sont de nouvelles capacités de production électrique qui s'installent sur le sol français – puisqu'il ne s'agit pas d'importations. Depuis le lancement des appels d'offres portant sur la réalisation et l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, en 2016, EDF n'est à l'origine que de 3,4 % de ces investissements. Cela signifie que près de 97 % des investissements dans les nouvelles capacités de production électriques en France sont réalisés par d'autres producteurs. C'est normal. C'est dans la logique des choses. Comme on a prévu par ailleurs de réduire la capacité installée de production du parc nucléaire et de développer les énergies renouvelables, à terme, ceux qui voudront vendre de l'électricité en France devront soit la produire directement, soit l'acheter à des fournisseurs qui l'auront produite en France et auront investi à cette fin.

Avis défavorable sur les trois amendements.

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