Intervention de Nicole Trisse

Réunion du mardi 11 juin 2019 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Trisse, rapporteure :

Madame la Présidente, mes chers collègues, notre commission est saisie du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de coopération en matière de partenariat et de développement entre l'Union européenne, ses États membres et l'Afghanistan. Je précise que ce projet de loi a déjà été examiné par le Sénat en février dernier et qu'à ce stade l'Afghanistan ainsi que 16 États membres de l'Union européenne ont déjà achevé leur processus de ratification interne. Cet accord, qui remplace une déclaration conjointe Union européenne–Afghanistan adoptée en 2005 reflète la volonté commune des parties de renforcer et d'étendre le dialogue et la coopération. Il s'agit de la première relation conventionnelle entre l'Union européenne et l'Afghanistan, qui redéfinit les relations qu'entretient l'UE avec ce pays. Cet instrument qui n'implique aucune implication financière nouvelle se révèle à la fois peu contraignant et ambitieux. Son objectif est le renforcement de sa dimension politique et le dépassement du simple rôle de bailleur de fonds. Il vise à créer une relation englobante avec l'Afghanistan en développant des coopérations :

- en matière politique (lutte contre le terrorisme, contre la prolifération, contre le trafic de drogue, en faveur de la protection des droits de l'Homme) ;

- en matière économique (commerce et investissement) ;

- et de façon sectorielle (dans le domaine de la justice, de l'énergie, du transport, de l'éducation, de la santé…).

Le présent accord repose sur quatre piliers : la promotion de la paix, de la stabilité et de la sécurité régionales ; le renforcement de la démocratie, de l'État de droit et des droits de l'Homme, ainsi que l'émancipation des femmes et l'égalité hommes-femmes ; le soutien au développement économique et humain de l'Afghanistan ; et les enjeux migratoires qui constituent un sujet central de la nouvelle stratégie de l'Union européenne à l'égard de l'Afghanistan. Enfin, cet accord comporte peu de dispositions contraignantes mais il a vocation à offrir un cadre général pour les relations Union européenne-Afghanistan. Il devra, dans l'avenir, être décliné via des accords sectoriels plus engageants. Pour vous rappeler la situation du pays, l'Afghanistan compte 35 millions d'habitants, plus 3 millions de réfugiés en Iran et au Pakistan, c'est une société essentiellement rurale, à hauteur de 45 % de la population, et c'est une véritable mosaïque ethnique, entre les Pachtounes, Tadjiks, Ouzbeks, Hazaras, Turkmènes, etc. L'Afghanistan demeure l'un des pays les moins avancés au monde, malgré l'important soutien de la communauté internationale. Pour rappel, depuis 2001, ce sont plus de 40 milliards de dollars qui ont été mobilisés pour aider ce pays. Malheureusement, l'Afghanistan c'est aussi un indice de développement humain extrêmement bas, qui le classe au 168e rang sur 189. C'est un taux d'alphabétisation très faible, de l'ordre de 32 % de la population adulte, un taux de chômage chez les jeunes très élevé, de l'ordre de 42 %, et une croissance économique en berne, de l'ordre de 2,2 % par an, due notamment à la grave sécheresse de l'été dernier, qui a affecté la moitié de la population. On peut cependant relever quelques points positifs, comme le développement de la scolarisation, on comptait en 2002 : un million d'enfants scolarisés, ils sont aujourd'hui 8,3 millions, dont 42 % de filles. Il faut savoir que le taux de mortalité maternelle et infantile a chuté de 34 % par rapport à 2003. L'Afghanistan se trouve actuellement en proie à une situation particulièrement critique avec un contexte sécuritaire fortement dégradé. En effet, selon la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), au cours des neuf premiers mois de l'année 2018, 2 798 civils ont été tués et 5 252 blessés. En outre, la récente période électorale a été marquée par une recrudescence de violence de la part des talibans. Il faut savoir aussi que les talibans ne reconnaissent pas le gouvernement actuel, qui ne contrôle aujourd'hui que 55 % du territoire, contre presque 60 % il y a un an. Ces derniers se révèlent actifs sur 40 à 50 % du territoire et continuent à mener des offensives d'envergure, comme en attestent les graves attaques survenues en mars dans la province du Helmand et ces dernières semaines à Kaboul. Il faut également indiquer que la wilaya Khorassan, filiale de Daech en Afghanistan créée en 2015, possède une capacité de nuisance très élevée. Elle s'emploie actuellement à favoriser le renforcement de ses effectifs via la relocalisation de combattants étrangers en provenance du Levant, notamment les djihadistes originaires d'Asie centrale dont plusieurs centaines auraient déjà rejoint l'Afghanistan. Elle compterait, aujourd'hui, entre 2 500 à 4 000 combattants actifs. Enfin, l'Afghanistan est actuellement en butte à une situation politique précaire avec des pourparlers de paix qui progressent difficilement, notamment le dialogue direct que mènent les États-Unis avec les talibans. Les discussions achoppent actuellement sur deux points : le volet sécuritaire – retrait, partiel ou total, des troupes américaines en contrepartie de l'engagement des talibans à rompre tout lien avec le terrorisme international – et le dialogue inter-afghan, qui peine à s'engager faute pour les talibans d'en accepter la nécessité. La prochaine élection présidentielle, que les autorités du pays s'efforcent d'organiser, devrait constituer le prochain grand moment démocratique pour l'Afghanistan. Après deux reports, le scrutin est désormais fixé au 28 septembre 2019. Ainsi, dans ce contexte particulièrement difficile, le présent accord UE-Afghanistan apparaît comme l'occasion d'apporter un soutien opportun aux bonnes volontés qui existent actuellement dans ce pays et cherchent à ramener l'Afghanistan sur le chemin de la stabilité. En effet, jusqu'à présent l'UE a eu un rôle presque inexistant, car trop effacé, dans le processus de paix, alors qu'elle est le 2e donateur en Afghanistan, et que les forces armées de plusieurs États membres sont encore présentes dans le pays. Cet accord devrait donner à l'Union européenne les moyens politiques de jouer à l'avenir un rôle plus déterminant dans le processus de paix, cette légitimité politique incontestable de l'Union européenne en Afghanistan ne se concrétisant pas à ce jour dans les faits. Je tiens à rappeler que, depuis 2001, l'Union européenne a apporté à l'Afghanistan, un soutien à hauteur de 3,7 milliards d'euros. En agrégeant l'aide publique au développement de l'Union et celle accordée à titre bilatéral par ses États membres, l'Europe apparaît comme le second donateur pour l'Afghanistan, 5,3 milliards d'euros au total, après les États-Unis. Ainsi, mes chers collègues, je vous invite à voter sans réserve en faveur de la ratification de cet accord-cadre qui permettra de conférer une nouvelle dimension à la relation UE-Afghanistan. Je vous remercie.

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