Intervention de Brigitte Kuster

Réunion du mardi 18 juin 2019 à 17h20
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster :

Il vous est revenu la tâche de commenter un bilan qui n'est pas le vôtre ; l'exercice n'est jamais facile même si, comme vous l'avez rappelé, votre action s'inscrit dans la continuité de celle de votre prédécesseur. Le paradoxe de l'époque est que cette continuité est sans cesse percutée par des mutations technologiques. Certains parlent d'une crise de l'audiovisuel traditionnel – mais les crises sont temporaires. La révolution des usages à laquelle nous assistons mène, elle, à un autre monde, aux règles forcément différentes mais où le CSA, qui fête cette année ses trente ans, continue de trouver sa place et voit son périmètre d'action et d'influence croître de manière exponentielle.

On en vient à se demander si, à défaut de trouver des solutions aux problèmes qui se posent à lui, le législateur n'a pas délibérément choisi de se décharger sur le CSA, au risque de lui faire jouer un rôle d'arbitre de la parole politique qui n'est pas le sien et que, j'en suis certaine, il se refuse à jouer – je pense évidemment aux prérogatives que lui a confiées la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information.

Les objectifs assignés par le législateur en 1986 sont plus que jamais d'actualité. Comment assurer une concurrence équitable entre des acteurs traditionnels et des acteurs globaux insaisissables ? Comment garantir le pluralisme, l'égalité des sexes, le respect du public dans un monde numérique qui s'affranchit de la plupart des règles ? Plus fondamentalement encore, comment préserver notre modèle de création, singularité française ? Le CSA est au carrefour de formidables enjeux, ce qui explique pourquoi les pouvoirs publics, à commencer par le Parlement, se tournent vers lui.

Ces enjeux, vous y avez insisté, appellent, à la suite de la directive SMA, des réponses de plus en plus européennes. Mais si la France est à la pointe du combat en Europe pour la rémunération des auteurs ou le financement de la création, de nombreux pays, notamment ceux dont l'industrie audiovisuelle est inexistante ou sinistrée, telle l'Italie, considèrent les plateformes comme une chance plus que comme une menace. Un opérateur qui, comme Netflix, investit 15 milliards d'euros par an dans la création et qui finance massivement des projets locaux offre finalement une alternative à des créateurs qui ne bénéficient d'aucun soutien public dans leur pays. Comment, dans ces conditions, parvenir à une régulation audiovisuelle à l'échelle de l'Union ? N'avez-vous pas le sentiment que la France, en raison précisément de son modèle culturel et des intérêts spécifiques qu'elle défend, est isolée sur la scène européenne et que, de ce fait, son industrie culturelle est plus menacée que jamais ? Est-il possible, comme le propose le ministre, d'imposer aux plateformes des obligations de financement de la création ? Ne faudrait-il pas, parallèlement, soulager d'une partie de leurs obligations les acteurs traditionnels, qui subissent de plein fouet le repli du marché publicitaire ? Comment, en bref, rééquilibrer une relation qui menace manifestement notre modèle audiovisuel ?

Concernant l'audiovisuel public, vous évoquez un équilibre financier encore fragile car il s'appuie sur l'augmentation des ressources publiques depuis 2018. Bien sûr, la donne a changé et vous faites plusieurs préconisations, mais je m'inquiète de savoir si elles seront suivies et ce qu'il en sera si elles ne le sont pas.

Enfin, après l'adoption de la proposition de loi relative à la lutte contre la haine sur internet, le CSA verra très certainement s'accroître encore son périmètre d'intervention dans le champ des libertés publiques. Comment envisagez-vous ces missions nouvelles qui intéressent de près la liberté d'opinion et d'expression ? Comment jugez-vous les craintes d'atteinte à ces principes fondamentaux qui se sont exprimées dans les débats publics et comment comptez-vous leur apporter des réponses convaincantes ?

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