Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

N'oublions pas la dimension de diplomatie économique. Ce sont des entreprises installées en France et soumises à une forte concurrence chinoise en Afrique, qui ont mis en oeuvre ce programme. Je pense à Thomson Broadcast et à Camusat International.

Mais le Mali développe aussi ses infrastructures de transport. Dakar étant un peu le port de Bamako, le Mali et le Sénégal veulent réactiver cette fameuse ligne ferroviaire qui relie les deux villes. Les autorités maliennes n'oublient pas les infrastructures lourdes qui sont essentielles à la création d'opportunités.

Marc Le Fur évoquait la dégradation de l'endettement de certains pays les moins avancés. La faiblesse des taux d'intérêt encourage l'endettement, mais on voit aussi la Chine accorder des prêts contre l'accès privilégié à des infrastructures ou à des minerais, dans le cas où l'État ne peut honorer pas ses remboursements. Il y a quelques semaines, Bruno Le Maire a réuni une conférence internationale sur l'endettement à Bercy, visant à inclure la Chine et à faire en sorte qu'une consolidation se fasse à une échelle plus large que le Club de Paris.

Vous plaidez pour une comptabilisation dans l'aide publique au développement, de l'avantage fiscal lié à des dons à certains organismes. Je suis favorable à tout ce qui contribue à faire la vérité des prix et je trouve que ce point mérite d'être clarifié pour faire apparaître l'effort national en matière d'aide publique au développement, qu'il vienne de l'État ou des contribuables. Des discussions sont en cours au sein du comité de l'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En termes de normes, le comité de l'aide au développement joue un rôle majeur. Ces discussions sont souvent assez longues et nous n'avons pas forcément une évolution immédiate de la nomenclature. Quoi qu'il en soit, je trouve la piste intéressante.

Un gros travail a été effectué sur la loi d'orientation et de programmation relative à notre politique de développement grâce au rapport rendu par Hervé Berville et à une série de consultations initiées par Jean-Yves Le Drian auprès des parties prenantes. Nous avons ainsi réuni le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale à plusieurs reprises. Nous sommes encore dans une phase d'arbitrages. La réunion du Conseil présidentiel pour le développement, dans quelques semaines, pourra permettre de fixer définitivement la trajectoire et de finaliser la préparation du projet de loi.

Ce texte prévoit notamment un principe de responsabilité partenariale parce que les collectivités locales sont actives et que d'autres parties prenantes – hors État – sont très dynamiques. Le projet de loi prévoit aussi un pilotage politique renforcé de l'État sur ses opérateurs sur le plan national comme sur le plan local, en envisageant, par exemple, la mise en place d'un conseil du développement au niveau des ambassadeurs. Certains acteurs du développement vivaient leur vie de façon un peu autonome, et il est bon qu'il y ait ce contact étroit avec l'État présent hors de nos frontières. Le projet visera à plus de transparence et de redevabilité, avec la création d'une commission d'évaluation indépendante comme ce qui existe chez certains de nos partenaires européens, je pense au Royaume-Uni ou à l'Allemagne.

En Algérie, notre aide publique au développement reste limitée – 82 millions d'euros en 2017 qui couvrent essentiellement des frais d'écolage –, pour les raisons déjà évoquées par Marc Le Fur : volonté des autorités algériennes de ne pas recourir à l'endettement externe ; importantes ressources économiques liées aux hydrocarbures qui excluent l'Algérie de la liste des pays prioritaires définie par le CICID. Notre aide à ce pays pourrait néanmoins être renforcée dans certains domaines prioritaires comme le social, la jeunesse, l'appui à la société civile.

Le Maroc est effectivement le troisième pays récipiendaire de notre aide bilatérale avec un montant de près de 300 millions d'euros, et le deuxième pays récipiendaire de notre aide totale, c'est-à-dire l'aide bilatérale à laquelle s'ajoute celle qui transite par des instances multilatérales. Les choses vont peut-être évoluer en raison de contraintes prudentielles et du fort niveau d'exposition de l'AFD à cette zone géographique.

Comme vous, je constate que le Maroc joue un rôle de plus en plus affirmé dans toute l'Afrique. Est-ce un moyen de diffuser la francophonie ? En tous les cas, le Maroc défend ses intérêts avec ardeur, notamment en Afrique de l'Ouest, en ayant parfois repris d'anciens réseaux bancaires français. Ne nous voilons pas la face : cette présence accrue peut conduire à la concurrence avec nos entreprises.

Il faut faire le lien avec l'immigration, dites-vous. De réels progrès ont été réalisés avec certains pays d'origine ou de transit des migrants. Des cadres de concertation ont été réactivés là où c'était nécessaire, comme au Maroc, en Algérie ou au Mali. Des signatures sont en cours avec la Guinée et la Côte d'Ivoire pour des procédures d'identification. Il y a quelques jours, le ministre de l'intérieur était en Côte d'Ivoire où ont notamment été évoqués les projets d'appui au renforcement du système d'information de l'état civil. Lorsqu'on a besoin d'obtenir des laissez-passer consulaires permettant les réadmissions, il est nécessaire que le pays d'origine dispose d'une base de données complète et fiable, ce qui n'est pas systématiquement le cas. Nous devons apporter un fort appui dans ce domaine.

Hubert Julien-Laferrière a tout à fait raison de dire que le budget de 2018 était un budget de transition. C'est en 2019 que l'on a vu le milliard d'euros d'autorisations d'engagement supplémentaires pour l'aide publique au développement. Il s'agit de continuer cette montée en charge. Pour atteindre le taux de 0,55 % du RNB, il faudra ajouter 6 milliards d'euros à l'échéance 2022. Il faut donc franchir des marches significatives. En 2018, les 100 millions d'euros supplémentaires relevaient, en effet, de l'augmentation de notre contribution au FED.

S'agissant des contributions volontaires, il est vrai que la France était plutôt en arrière de la main par rapport à d'autres États comme le Royaume-Uni ou les pays nordiques. Au cours des dernières années, hélas, c'était un peu la variable d'ajustement. Depuis 2011, l'aide publique au développement n'avait cessé de décroître, pour atteindre un point bas à 0,38 % du RNB en 2017. Le réengagement français va produire des effets sur les contributions volontaires. En 2018, nous avons accru de 16 % notre aide alimentaire programmée destinée à prévenir les crises alimentaires ou à y répondre. C'est un premier signal. De la même façon, 2018 avait été l'année de la reconstitution du partenariat pour l'éducation à Dakar et la France s'était engagée à hauteur de 200 millions d'euros. La nouvelle trajectoire devrait nous permettre d'être plus présents.

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