Intervention de Frédéric Petit

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Diplomatie culturelle et d'influence et Francophonie) :

Après deux années dédiées à identifier les problématiques – principalement, pour mémoire, l'absence de pilotage cohérent entre les différents opérateurs, la révolution ratée du numérique et les carences dans la gestion des ressources humaines – je reconnais, comme le précédent orateur, que les efforts entrepris vont dans le bon sens. Je pense à l'AFD ou à l'AEFE, même si nous ne connaissons pas encore le fin mot des réformes en cours.

Je souhaite, monsieur le ministre, aujourd'hui devant vous, présenter mes recommandations pour rendre notre diplomatie d'influence plus efficace, plus cohérente, par trois mesures simples, peut-être en rupture avec des usages, mais tout à fait dans la logique de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et des réformes profondes que notre majorité est en train d'accomplir.

Je me concentrerai sur les opérateurs. Tout d'abord, concernant le pilotage général, la logique de la LOLF doit être mise à profit : intégrons le Centre national d'enseignement à distance (CNED) et le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) dans la mission Action extérieure de l'État, au sein du programme 185 ou d'un nouveau programme spécifique. J'aperçois déjà les levées de boucliers ! Mais il ne s'agit en aucun cas de dessaisir le ministère de l'éducation nationale de son autorité sur ces opérateurs, ni de changer quoi que ce soit à leur management et à leur tutelle. D'autres opérateurs significatifs, comme Business France ou l'AFD, en partie gérée par Bercy, font partie de ce programme.

Cette proposition a d'ailleurs été accueillie favorablement lors de mes nombreuses auditions, car tous souhaitent se mettre à la disposition d'une stratégie et d'un pilotage ambitieux, mais cohérent. Ces deux opérateurs, pourtant décisifs à l'international, sont parfois méconnus et pourraient faire plus. Il ne doit pas y avoir un pays dans le monde dont les enseignants de français locaux ne soient formés par le CIEP, qui s'appellera bientôt France Éducation Internationale ; pas un pays dans le monde où des enfants ne soient scolarisés totalement ou partiellement par le CNED. Pareille mesure permettrait surtout à l'ensemble des commissaires des affaires étrangères, et à l'ensemble des députés, de mieux se saisir de leur mission de contrôle en appréhendant l'ensemble de l'action de la France dans le monde.

Ma proposition est tout à fait dans l'esprit de la LOLF, outil de budgétisation et de revue stratégique, plus qu'outil hiérarchique, qui permet d'organiser et de renforcer le contrôle des représentants de la nation sur l'action de la France.

Cela m'amène à ma deuxième proposition.

Nos opérateurs ont généralement deux organes statutaires : une équipe de direction exécutive, avec une directrice ou un directeur nommé par le Gouvernement, et un conseil d'administration, organe de contrôle non exécutif, qui rassemble toutes les parties intéressées : double tutelle, triple tutelle, syndicats... C'est au sein de ce conseil d'administration que se jouent les débats entre les tutelles, avec les partenaires privés, associatifs ou syndicaux, avec les représentants de la société civile, par exemple.

Ma deuxième proposition s'inscrit dans la logique de l'article 13 de la Constitution : il faut soumettre la nomination des présidents de conseil d'administration des opérateurs à la validation préalable du Parlement, sur proposition du Gouvernement. Rien n'empêche de telles nominations, dont les règles actuelles relèvent avant tout de la coutume administrative. Je précise que ces nominations ne risquent pas de bloquer l'activité de nos opérateurs, puisque les instances exécutives – direction, secrétariat général – resteront, comme aujourd'hui, sous la responsabilité directe du Gouvernement et de l'administration. Cela rééquilibrera les pouvoirs.

Mais surtout, cette mesure simple permettra de créer un véritable débat politique sur notre action dans le monde, et d'enrichir le rôle aujourd'hui très formel de ces instances parfois simplement « chorégraphiques ». « Repolitiser » la présidence des conseils d'administration, c'est faire entrer l'action si décisive de nos opérateurs dans le débat public, la faire sortir des débats d'initiés. Cela, de plus, enrichira le travail autour des négociations des COM et contrats d'objectifs et de performances (COP).

Ma troisième proposition porte justement sur l'implication des parlementaires et sur les COM et COP. Les parlementaires doivent être impliqués dans leur élaboration, en amont. Cette implication existe paraît-il théoriquement, mais, en pratique, nous ne sommes consultés que pour ratifier des documents déjà négociés et signés, après leur entrée en vigueur, voire à la fin de leur période de mise en oeuvre, comme ça a été le cas récemment avec l'AFD, ainsi que nous l'avons constaté à la commission des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, une meilleure implication du Parlement, c'est plus de visibilité démocratique et plus de légitimité pour nos opérateurs. J'y insiste, et je suis précis : ces contrats d'objectifs de nos opérateurs sont les seuls outils pluriannuels ; ils se situent donc en quelque sorte « en amont » du projet de loi de finances. Ils doivent donc passer devant le Parlement pour qu'il autorise leur signature, et non a posteriori, pour qu'il les ratifie. Leur construction et les débats autour de ces COM et de ces COP seront ainsi certes plus intenses, sans doute la procédure sera plus complexe à vivre pour nos administrations, mais cela remettra d'une part les choses dans l'ordre – comment le Parlement peut-il voter un budget annuel, si l'administration a déjà pris des engagements pluriannuels sans le consulter ? –, et rendra à ces opérateurs la visibilité centrale et stratégique qu'ils méritent.

Monsieur le ministre, ces trois mesures ne sont pas une révolution, ni un bouleversement. Elles sont des décisions logiques et approuvées par les acteurs concernés. Les mettre en application ne coûte rien, ne déstabilise pas les tutelles, rend service aux ministères et permet d'apporter le concours le soutien des parlementaires, donc de la nation qu'ils représentent, au bon fonctionnement des opérateurs de notre présence active dans le monde. Je souhaite porter ces propositions, avec vous, pour que nous soyons cette fois-ci prêts et en ordre de marche pour le prochain budget.

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