Intervention de Catherine Osson

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Osson, rapporteure spéciale (Enseignement scolaire) :

En tant que rapporteure spéciale des crédits de la mission Enseignement scolaire, j'ai l'honneur de présenter devant vous l'exécution budgétaire du premier poste de dépenses pour l'État dans la loi de finances pour 2018. Son montant s'élève à 71,6 milliards d'euros. Ce budget représente également 52,9 % des effectifs de l'État autorisés par la loi de finances pour 2018, c'est-à-dire un peu plus d'un million d'équivalents temps plein travaillé (ETPT).

Comme toujours, l'ampleur des dépenses de personnel limite les marges de manoeuvre en gestion, ce qui crée des difficultés de pilotage qui se retrouvent à nouveau dans l'exécution de 2018. En cours de gestion, des crédits du titre 2 sont transférés vers d'autres actions en vertu de la fongibilité asymétrique. Une ouverture de crédits est ensuite nécessaire en loi de finances rectificative pour payer les salaires des enseignants pour le mois de décembre. La budgétisation des besoins en loi de finances initiale reste donc perfectible et il me semble qu'une réflexion sur les moyens de résoudre ces difficultés de pilotage connues de longue date doit être initiée. Pour ma part, je considère que le meilleur moyen serait de relever à la hausse la budgétisation de la mission dès la loi de finances initiale. Ces considérations budgétaires mises à part, le taux de consommation des crédits sur l'exercice 2018 est satisfaisant.

Concernant le dispositif de performance, j'ai un regret majeur, qui concerne l'indicateur sur le taux de visites médicales des enfants en réseau d'éducation prioritaire (REP). En effet, dès lors que cet indicateur ne comprend pas les chiffres pour le reste des élèves, il n'y a aucun point de comparaison. Il est donc difficile d'évaluer si les établissements en REP sont, à cet égard, en bonne position par rapport à la moyenne.

Avant de vous présenter la partie thématique de mon rapport, j'aimerais dire un mot au sujet de l'enseignement technique agricole. Lors d'une visite dans une exploitation agricole attachée au lycée Charles-Naveau de Sains-du-Nord, j'ai été enthousiasmée par les conditions d'apprentissage offertes par la structure et ses équipes. Je souhaite qu'à l'avenir cette voie soit valorisée auprès de nos jeunes : l'enseignement agricole n'est pas et ne doit pas être réservé aux enfants d'agriculteurs ou d'ouvriers agricoles. Il doit être proposé à tous et être mieux mis en valeur, notamment auprès des jeunes des quartiers.

J'en arrive à ma thématique d'évaluation, qui concerne cette année l'individualisation des parcours à l'école. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit le droit à la scolarisation pour les enfants en situation de handicap et formalise un droit à la compensation. La reconnaissance de ce droit a entraîné une augmentation très importante du nombre d'enfants bénéficiant d'un projet personnalisé de scolarisation. Plus de 320 000 enfants étaient ainsi scolarisés en milieu ordinaire à la rentrée 2018, contre 133 000 en 2004. La scolarisation d'enfants et de jeunes en situation de handicap passe par plusieurs dispositifs. J'en évoquerai deux que j'ai eu la chance d'observer lors de mes déplacements et des auditions que j'ai conduites.

Le premier passe par l'orientation dans une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS). J'ai eu l'occasion de visiter le dispositif ULIS du collège Madame-de-Sévigné à Roubaix. Il permet à des élèves présentant des troubles d'être scolarisé dans un établissement scolaire, tout en étant suivis par un enseignant spécialisé dans un petit groupe d'élèves, avec en plus des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

Le second dispositif que j'ai observé est un institut médico-éducatif (IME) en liaison avec une école primaire. Des élèves de l'IME sont en effet scolarisés la majeure partie du temps dans l'école primaire voisine, afin de favoriser leur socialisation en milieu ordinaire. Ce dispositif porte le nom d'« unité d'enseignement externalisée ».

Ces deux types de structures se sont multipliés sur le territoire pour répondre à l'augmentation du nombre d'enfants en situation de handicap. Des moyens financiers importants ont été fléchés pour que l'école soit réellement inclusive. Les résultats de mon évaluation sont plutôt encourageants : l'éducation nationale met en place des moyens concrets pour réussir à proposer à tous les élèves un parcours adapté et surtout pour permettre une réelle individualisation des projets.

Néanmoins, un certain nombre de freins à l'inclusion scolaire demeurent. La fluidité des parcours n'est pas acquise. Les élèves en situation de handicap souffrent encore trop souvent de la mauvaise articulation entre les différentes structures chargées de leur suivi. L'enseignante du premier degré que j'ai été constate que l'entrée au collège représente, pour les enfants porteurs de handicap, une rupture importante.

Les enchevêtrements de compétences et de financement créent des angles morts dans la politique publique tels que l'absence de financement du matériel numérique dans l'unité d'enseignement attachée à un IME, l'absence de crédits fléchés pour le matériel pédagogique dans une ULIS, ou encore le manque d'enseignants mis à disposition dans les établissements médico-sociaux. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour favoriser une meilleure lisibilité des circuits de financement de l'inclusion scolaire.

À cela s'ajoute un autre problème : les différents établissements éprouvent encore des difficultés à coopérer les uns avec les autres. Comment favoriser leur coopération ? Faudrait-il formaliser davantage les choses ? Quelles mesures avez-vous prévues à cet égard ?

Je voudrais également évoquer un autre problème qui peut paraître plus anecdotique mais qui est, à mon sens, révélateur : j'ai découvert, au cours de mes travaux, que les accompagnants d'élèves en situation de handicap travaillant en réseau d'éducation prioritaire ne bénéficiaient pas des indemnités auxquelles ont droit les enseignants travaillant en REP et en REP +, alors même qu'ils travaillent dans les mêmes conditions et avec le même public. Auriez-vous une explication au sujet de cette différenciation qui n'incite pas les AESH à postuler ou à rester dans les écoles en REP et en REP + ?

Par ailleurs, j'aimerais me faire l'écho de l'inquiétude de plusieurs de mes interlocuteurs qui craignent une accélération trop rapide de l'école inclusive. Les structures ne sont pas toutes prêtes, les enseignants – notamment ceux du milieu ordinaire – n'ont pas tous été formés, les passerelles n'ont pas toutes été mises en place. Il convient donc d'être prudent et d'éviter les raccourcis. Vouloir rapprocher systématiquement le nombre d'enfants avec un projet personnalisé de scolarisation du nombre d'accompagnants témoigne par exemple d'une méconnaissance du système et des besoins des enfants.

De même, tous les enfants ne peuvent pas suivre une scolarisation en milieu ordinaire. Il faut conserver un certain équilibre entre les structures médico-sociales et les dispositifs d'inclusion en milieu ordinaire. L'urgence est d'organiser de meilleures passerelles entre ces deux milieux afin de faciliter le parcours des enfants.

Enfin, une attention toute particulière doit être portée à l'insertion professionnelle de ces jeunes et à la suite de leur parcours. Je souhaite que des évaluations rigoureuses et continues permettent de bien documenter le parcours des élèves en situation de handicap, de la petite enfance jusqu'à leur vie professionnelle, afin de mesurer les effets des mesures qui sont mises en oeuvre pour soutenir leur inclusion.

J'aimerais terminer mon intervention en remerciant toutes les personnes rencontrées lors de mes déplacements et de mes auditions qui oeuvrent au quotidien et avec une détermination remarquable pour que le mot « inclusion » ait un sens.

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