Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Après quelques mots d'introduction, je répondrai évidemment aux rapporteurs.

D'abord, la réalisation du budget 2018 est en réalité celle du premier exercice budgétaire complet du Gouvernement. Elle fait apparaître, vous le savez, une augmentation de 1,3 milliard d'euros par rapport à 2017 et traduit les orientations de la politique éducative que nous nous étions fixées dès le printemps 2017.

La priorité à l'école primaire, en particulier, est clairement affichée et se voit budgétairement, puisqu'il y a eu 3 700 emplois supplémentaires en 2018, qui ont permis notamment les dédoublements des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Comme vous le savez, c'est une mesure qui, arrivant à maturité à la prochaine rentrée scolaire, touchera alors 300 000 élèves – elle en a concerné 180 000 en 2018.

Les premières évaluations dont nous disposons démontrent déjà l'intérêt de cette mesure en matière d'apprentissage et, de ce point de vue, il est significatif que ce soit notre principal effort budgétaire. Je rappelle que notre objectif est d'en finir – ce qui serait une première mondiale – avec les écarts de réussite qui peuvent exister entre les territoires les plus défavorisés et les autres. Nous n'en sommes pas encore là, mais une dynamique a été amorcée par cette politique à la fois pédagogique et budgétaire.

Avec ces créations de postes, nous avons également voulu mener une politique volontariste à destination de tous les territoires, notamment les territoires ruraux connaissant une baisse démographique, afin de compenser, autant que possible, cette baisse démographique. C'est aussi cette politique qui, combinée à la baisse démographique que l'on déplore par ailleurs, nous permet de dire que, durant tout le quinquennat, nous allons améliorer le taux d'encadrement de chaque département, rentrée après rentrée, par la combinaison de la baisse du nombre d'élèves et de l'augmentation du nombre de postes – ce qui a été le cas à la rentrée 2018.

Cela a également permis au Président de la République d'annoncer qu'il n'y aurait plus de fermetures d'écoles sans l'accord du maire dès la rentrée scolaire 2019, ainsi que d'autres mesures qui ne sont pas au coeur de notre discussion d'aujourd'hui, puisque nous parlons de l'année 2018 – en tout état de cause, cette tendance affichée en 2018 a vocation à se poursuivre.

Sur le plan catégoriel, l'année 2018 a été marquée par la poursuite de l'alignement des taux de promotion de carrière des professeurs du premier degré sur ceux du second degré, de façon à assurer plus de justice en termes de rémunération des professeurs, et de parvenir à une amélioration de l'attractivité de leur métier. Comme vous le savez, la revalorisation progressive déjà engagée est particulièrement forte en REP+, et concerne environ 50 000 agents. Cela a débuté à la rentrée 2018 avec une première hausse de 1 000 euros net par an, et cela se poursuivra à la rentrée 2019 avec 1 000 euros supplémentaires.

Toutes les catégories de personnels de l'éducation nationale continuent de bénéficier du déploiement du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), ce qui représente un investissement de 1 milliard d'euros à l'échelle du quinquennat – en 2018, nous avons déjà pu y consacrer 78 millions d'euros.

Enfin, au-delà de ces actions quantitatives, l'année 2019 marquera l'aboutissement de deux chantiers prioritaires pour la valorisation du métier d'enseignant avec, d'une part, la pré-professionnalisation, d'autre part, la réforme de la formation initiale des professeurs. L'attractivité du métier de professeur est donc un sujet sur lequel nous travaillons fortement à l'échelle du quinquennat, et dont on a vu une amorce importante à la rentrée 2018.

Pour ce qui est de l'accompagnement des élèves en situation de handicap, je répondrai évidemment aux interventions des deux rapporteures mais, sur un plan général, je peux déjà rappeler que l'école inclusive constitue la priorité majeure de ce gouvernement, qui travaille beaucoup sur cette thématique – c'est l'un des gros dossiers de la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Au total, le ministère y a consacré 2,4 milliards d'euros en 2018 – contre 2,1 milliards d'euros en 2017. Ces sommes correspondent aussi bien à des dépenses résultant de l'emploi d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) – AESH et contrats aidés – et d'enseignants spécialisés que d'acquisition de matériels. L'augmentation de 300 millions d'euros en 2018 est très significative et recouvre l'augmentation des prescriptions de MDPH – + 13,9 % par rapport à 2017, alors qu'il y avait déjà eu une augmentation de 12 % en 2017 et une de 11 % en 2016. Comme vous le voyez, l'augmentation est constante : on assiste en fait à une augmentation continue de l'augmentation... Les sommes mises en jeu en 2018 ont bénéficié à 340 000 élèves en situation de handicap, contre 320 000 l'année précédente.

Lors de la rentrée scolaire 2018, plus de 3 500 ETP supplémentaires ont été affectés à des postes d'AVS et, pour la première fois depuis dix ans, le nombre d'AESH – environ 43 000 ETP – a dépassé celui des emplois aidés, qui était de 29 000, ce qui montre notre détermination à offrir des emplois plus robustes aux accompagnants. Comme vous le savez, à la rentrée 2020, il n'y aura plus de contrats aidés, mais seulement des AESH – je ne m'étends pas sur ce point puisqu'il concerne les années futures, mais c'est un élément majeur de la politique en faveur de l'école inclusive.

Dans le cadre du plan de transformation des contrats aidés en AESH, nous procédons au recrutement direct de plusieurs milliers d'AESH chaque année. Je précise que ces recrutements s'effectuent pour une bonne part durant ce mois de juin 2019 pour la rentrée prochaine, et que notre objectif est d'avoir une rentrée 2019 très préparée en amont, comme je m'y étais engagé lors du vote sur la loi pour l'école de la confiance.

Sur le plan qualitatif, par décret du 27 juillet 2018, les conditions de recrutement des AESH ont été élargies, avec une formation d'au moins 60 heures désormais garantie à ces agents – ladite formation étant dispensée en amont de la rentrée scolaire. Le développement de l'école inclusive et l'amélioration de l'accueil des élèves en situation de handicap supposent une nouvelle organisation de l'accompagnement. C'est pourquoi, depuis la rentrée 2018, les pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL) expérimentés dans chaque académie nous permettent d'avoir une approche au plus près du terrain des besoins des élèves. Nous allons amplifier ces chantiers en 2019, notamment avec le recrutement des AESH en CDD de trois ans minimum.

Mme la rapporteure spéciale a fait état d'une insuffisance du titre 2. Comme elle l'a rappelé, il y a eu plusieurs mouvements de fongibilité asymétrique – c'est-à-dire des passages de crédits du titre 2 vers les autres titres – pour un montant total de 7,8 millions d'euros. Ces mouvements s'inscrivent majoritairement dans le cadre du droit d'accueil des élèves, instauré par la loi du 20 août 2008 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire. Comme vous le savez, l'État verse une compensation financière à chaque commune ayant organisé cet accueil durant les périodes au cours desquelles les enseignants étaient en grève. Ce remboursement aux communes est financé à partir des crédits non consommés sur le titre 2, et correspond aux retenues sur les salaires opérées au titre du service non fait pendant la période de grève concernée. En clair, il est assez logique que les retraits sur salaires liés aux grèves permettent de financer les frais que nous occasionnent ces mêmes grèves.

Pour ce qui est du fait que l'indicateur relatif au taux de visite médicale des enfants faisant partie du REP ne permet pas d'établir une comparaison entre ce taux et celui s'appliquant aux autres enfants, je partage votre interrogation et j'estime que votre remarque doit être pleinement prise en compte dans le contexte créé par la loi pour l'école de la confiance, puisque l'instruction obligatoire à trois ans nous a également conduits à adopter le principe d'une visite médicale pour tous les enfants au cours de leur troisième ou quatrième année. Nous attendons beaucoup sur le plan social de cette mesure, puisqu'elle doit aboutir – a fortiori pour les élèves de l'éducation prioritaire – à ce que tous les enfants bénéficient d'une visite médicale à l'âge de trois ou quatre ans. Je prends donc note de votre remarque, qui sera prise en compte au titre des améliorations à apporter au dispositif.

J'ai déjà partiellement répondu, par les chiffres que je vous ai indiqués à l'instant, à votre question relative à la meilleure visibilité sur les circuits de financement de l'inclusion scolaire. Ces circuits présentent effectivement une certaine complexité, et le prochain exercice de compte rendu budgétaire devra se traduire par une plus grande lisibilité des moyens humains et financiers consacrés au handicap et à une information enrichie sur l'impact des évolutions introduites ces derniers mois. Ce qui est certain, c'est que les augmentations sont très fortes – je tiens à le souligner parce qu'on entend parfois dire le contraire.

Les développements identifiés peuvent être envisagés. On peut imaginer d'avoir une approche en coût complet à la fois dans le cadre du titre 2 et en dehors de ce titre ; on peut faire une distinction entre les ULIS et le reste en matière d'enseignants spécialisés mobilisés, mais aussi en matière de matériel financé ; on peut avoir une identification spécifique des enseignants spécialisés ; on peut aussi avoir un bilan de la formation des AESH et des enseignants ; enfin, il est d'ores et déjà prévu un point d'étape sur la mise en oeuvre des PIAL.

Vous m'avez demandé si les différents établissements éprouvent des difficultés à coopérer entre eux, et comment favoriser leur coopération. La coopération entre les services de l'éducation nationale et les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) s'organise sur la base d'un conventionnement prévu par le décret du 2 avril 2009. L'instruction du 23 juin 2016, provenant conjointement de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), formalise aussi le cahier des charges des unités d'enseignement externalisées des ESMS dont vous avez parlé et, pour favoriser cette coopération sur le terrain, la plupart des académies ont conventionné avec les ARS, de façon à renforcer les coopérations au niveau académique et au niveau départemental.

Nous allons renforcer ces coopérations, comme le projet de loi pour une école de la confiance le prévoit, puisqu'il contient un article dédié à ces conventionnements. Pour cela, nous avons une série de mesures à préciser, notamment afin d'aboutir à un meilleur pilotage régional entre les rectorats et les ARS. Dès la rentrée prochaine, nous allons structurer le maillage départemental des dispositifs adaptés aux besoins éducatifs particuliers des élèves ; nous allons mettre en place des équipes mobiles territoriales d'appui aux établissements scolaires, qui feront l'objet d'une expérimentation à la rentrée 2019 et d'une extension à la rentrée 2020.

Par ailleurs, dès la rentrée 2019, nous allons expérimenter un PIAL par académie, qui bénéficiera d'un appui médico-social. Cela signifie qu'en lien avec la branche, nous allons développer un plan de formation des personnels médico-sociaux sur la coopération avec l'éducation nationale. En clair, nous ouvrons la voie à une coopération beaucoup plus forte, non seulement par le conventionnement, mais aussi par des réflexes professionnels liés à la formation continue. Il y aura aussi, d'ici à 2022, un doublement des UEE dont vous avez parlé et une participation des parents d'élèves scolarisés en UEE à la communauté éducative de l'école ou de l'établissement scolaire où est située l'unité d'enseignement – cela me paraît également très important.

Pour ce qui est de la prime d'éducation prioritaire pour les AESH, le régime indemnitaire en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes d'éducation prioritaire prévoit une indemnité de sujétion allouée aux personnels enseignants, aux conseillers principaux d'éducation et aux psychologues de l'éducation nationale, qui sont des titulaires. Soucieux d'améliorer la situation des AESH grâce aux mesures que j'ai évoquées précédemment, nous voulons inscrire ces conditions de travail et de rémunération à l'agenda social, de façon que l'accès de ces personnels à la prime d'éducation prioritaire puisse être éventuellement pris en compte, au moins partiellement.

Cette mesure s'inscrit dans un ensemble plus large portant sur la rémunération des AESH, ce qui renvoie à court terme au temps de travail effectif de ces agents. Comme vous le savez, la transformation par les PIAL est une autre façon d'y arriver, puisqu'un grand nombre d'AESH vont travailler à plein temps, alors qu'une immense majorité d'entre eux sont aujourd'hui à mi-temps. Le dialogue social avec les AESH va nous permettre d'avancer sur ces questions. Si des progrès sont attendus en 2019 sur cet enjeu de l'école inclusive, dès 2018, on a assisté à une amorce de cette politique.

Mme la rapporteure pour avis m'a interrogé au sujet des UEEA. Sur ce point, je veux d'abord dire que le financement des UEEA et des UEMA est partagé avec les ARS et que, si le budget de l'éducation nationale est concerné, celui des affaires sociales l'est davantage. En ce qui concerne le budget de l'éducation nationale, le budget des UEEA est effectivement plus élevé que celui des UEMA. En effet, en UEEA, nous avons un ETP enseignant et un AESH – auxquels peuvent s'ajouter les AESH prescrits par les MDPH –, alors qu'en UEMA il n'y a qu'un ETP enseignant.

Je vous remercie d'avoir rappelé que nous avons une stratégie « autisme » volontariste pour la période 2018-2022, avec la création de 180 nouvelles UEMA et la création de 45 nouvelles UEEA – dont cinq étaient déjà visibles dans le budget 2018. Par ailleurs, il est prévu de créer en lycée professionnel 30 ULIS dédiés TSA. Pour conclure sur le thème de l'école inclusive, j'insiste sur le fait que le budget de l'année 2018 a marqué une impulsion forte, que l'on va retrouver au cours des années suivantes.

Comme vous, je pense beaucoup de bien de l'enseignement agricole et je le dis à chaque fois que l'occasion m'est donnée de le faire, comme cela a été le cas jeudi dernier, lors de ma visite d'un lycée agricole, organisée dans le cadre d'un congrès de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public auquel j'étais invité. Comme je le dis toujours, les lycées agricoles sont des établissements extrêmement intéressants, qui peuvent parfois même être vus comme une source d'inspiration pour le système scolaire général. Nous ne les considérons pas du tout comme des concurrents, encore moins comme des rivaux, mais comme des établissements faisant pleinement partie du service public de l'enseignement. Je veux vous rassurer en vous confirmant que les consignes d'orientation, notamment en fin de troisième, sont de valoriser l'enseignement agricole au même titre que les autres branches de l'enseignement. J'observe d'ailleurs que les enfants d'agriculteurs sont minoritaires dans les lycées agricoles, ce qui est significatif du fait que nous réussissons à les ouvrir à d'autres. Je suis cependant également d'accord avec ce que vous avez dit sur le fait que nous devons avoir des élèves au profil très urbain qui soient intéressés par l'enseignement agricole : j'y vois un enjeu très important en termes de mixité sociale et sociétale.

J'en viens aux observations formulées par M. le rapporteur général sur l'ensemble du budget et sur la sous-budgétisation des crédits du titre 2. Si cette sous-budgétisation, dont le montant en valeur absolue peut sembler important, est évidemment toujours regrettable, il convient de noter qu'elle est assez limitée par rapport aux masses en jeu : en pourcentage, 122 millions d'euros sur l'ensemble du titre 2 pour un budget initial de 65,5 milliards d'euros, cela ne représente que 0,2 % – il ne s'agit pas pour moi de justifier la sous-budgétisation, bien entendu, mais simplement de la mettre en perspective.

Pour ce qui est du titre II hors cotisations au compte d'affectation spéciale Pensions, le dépassement est de 199 millions d'euros, soit 0,4 %. Après une exécution 2017 qui s'est révélée plus élevée que prévu lors de la procédure d'élaboration du budget 2018 – pour environ 100 millions d'euros, dont 61 millions d'euros au titre du transfert des cotisations famille outre-mer à la branche famille, et 18 millions d'euros au titre de l'indemnité de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée –, il y a eu une dynamisation en 2018 de la transformation de l'accompagnement du handicap pour environ 50 millions d'euros. En d'autres termes, nous avons transformé encore plus d'emplois aidés en AESH et nous avons « cédéisé » plus d'AESH. Le volontarisme fort dont le Gouvernement fait preuve en matière de politique de l'école inclusive peut, c'est vrai, parfois aboutir à des dépassements budgétaires. À cela s'ajoutent des dépassements liés à des facteurs techniques, représentant 50 millions d'euros sur l'ensemble : il s'agit des dépenses d'indemnisation chômage pour 32 millions d'euros, ainsi que du glissement vieillissement technicité pour 18 millions d'euros. En pourcentage par rapport aux sommes mises en jeu à l'échelle du ministère, ces sommes restent relativement faibles, mais nous sommes conscients de la nécessité de nous améliorer sur ce point, et j'espère bien vous présenter une exécution 2019 plus conforme aux prévisions.

Vous me demandez, monsieur le rapporteur général, si le ministère a prévu de réintégrer les 54 000 ETPT qui ne sont pas sous plafond d'emplois. En matière d'école inclusive, il y a plusieurs catégories de personnels qui ne sont pas décomptées sous le plafond d'emplois du ministère : il s'agit essentiellement des emplois d'assistance éducative – c'est-à-dire les assistants d'éducation et les AVS. Cette particularité est liée aux modalités particulières de rémunération de ces personnels, puisque les assistants d'éducation sont rémunérés par les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), donc hors titre 2. Pour ce qui est des AVS, c'est un peu plus compliqué : si les contrats aidés sont rémunérés hors titre 2, les AESH sont rémunérés dans le cadre du titre 2 lorsqu'ils résultent de la transformation de contrats aidés ou lorsqu'ils ont été « cédéisés », et hors titre 2 lorsqu'il s'agit de CDD directement recrutés par les EPLE. A priori, cette mixité n'a pas vocation à disparaître au cours des prochains exercices. Pour la bonne information du Parlement, il me paraît important d'indiquer dans les documents budgétaires l'ensemble des emplois destinés au handicap, ce qui ne peut qu'aller dans le sens de la meilleure lisibilité de nos dépenses pour l'école inclusive, que j'évoquais précédemment. Pour cela, des travaux sont en cours de réalisation en vue du prochain projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire.

Toujours au sujet de la prise en compte du handicap, vous évoquez la difficulté des MDPH à traiter le flux croissant de demandes et vous me demandez s'il est prévu de mettre plus d'enseignants à disposition pour le traitement des dossiers. En fait, les problèmes de délais de traitement des dossiers proviennent également de causes liées à l'organisation interne des MDPH ainsi que des systèmes d'information, qui doivent être améliorés. L'association des directeurs de MDPH a identifié le nombre d'enseignants référents comme l'un des facteurs susceptibles d'améliorer les délais de traitement, mais elle ne désigne pas la contribution de l'éducation nationale comme le problème principal. Néanmoins, la mise en place des services académiques et départementaux dédiés à l'école inclusive et à la gestion de l'accompagnement humain va nous permettre de réduire en partie les charges des enseignants référents. Ainsi, la collaboration entre les PIAL et les MDPH devrait permettre de désengorger en partie les MDPH, ou au moins de leur faciliter le travail.

Pour ce qui est de la formation des enseignants sur le thème du handicap, au sujet de laquelle Mme Osson et Mme Thill m'ont également interrogé, il s'agit évidemment de l'un des points majeurs d'amélioration de l'école inclusive. Je précise que 77 % des enseignants occupant un poste d'éducation spécialisée qui relève de l'adaptation et de la scolarisation disposent d'une certification spécialisée, ce qui suppose une formation ayant un coût. Le nombre d'enseignants bénéficiant d'une formation spécialisée – le certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'éducation inclusive et formation professionnelle spécialisée (CAPPEI), créé en 2017 – a été en légère augmentation en 2017 et en 2018. Par ailleurs, 60 personnes ont suivi la formation pour devenir directeur d'établissement d'éducation adaptée et spécialisée en 2018 – cette même année, il y a eu 1 397 stagiaires pour le CAPPEI.

La formation continue des enseignants augmente, elle aussi : on a compté 55 600 stagiaires dans le premier degré et 32 589 dans le second degré. Ce sont des chiffres importants, mais qui ont vocation à augmenter encore en 2019. Si la pente est prise, nous devons faire preuve de lucidité et de discernement, en étant particulièrement attentifs à ce qu'a dit Mme la rapporteure spéciale au sujet de la scolarisation des élèves handicapés en milieu ordinaire : comme le confirment certains retours d'expérience, le fait de ne pas avoir suffisamment préparé les choses – par exemple, si on ne dispose pas des AVS nécessaires, ou si les professeurs n'ont pas bénéficié des formations adéquates – peut aboutir à des situations difficiles. Afin d'éviter cela, nous accélérons et accentuons la coopération avec les ARS et les institutions médico-sociales. De ce point de vue, je suis heureux que vos trois interventions nous permettent d'insister à ce point sur l'école inclusive sous un angle budgétaire – celui qui nous intéresse au premier chef aujourd'hui –, mais aussi sous un angle qualitatif qui n'est pas moins important, et qu'il est d'ailleurs difficile de dissocier du premier du point de vue de la gestion – car la mise en place de personnels spécialisés nécessite de l'argent, mais aussi du temps, en raison des délais que nécessite leur formation – même si nous avons fait en sorte de réduire ces délais.

Enfin, vous m'avez interrogé, Monsieur le rapporteur général, sur les moyens des fonctions support du ministère de l'éducation nationale. Je vous remercie pour l'angle que vous avez adopté, à la fois peu habituel et salutaire en ce qu'il échappe au cliché sur l'éducation nationale auquel je suis fréquemment confronté en tant que ministre de l'éducation – cela a encore été le cas ce matin dans le cadre d'une conférence –, un cliché qui se résume au surnom que l'un de mes prédécesseurs a donné à l'éducation nationale et avec lequel je voudrais vraiment en finir. Ce surnom a en effet contribué à véhiculer des idées fausses, en particulier celle qui voudrait que l'éducation nationale soit suradministrée et paye des dizaines de milliers de fonctionnaires à ne rien faire, gaspillant ainsi des crédits qui seraient mieux employés à mettre en place davantage de moyens d'enseignement direct. C'est faux, comme vous l'avez dit et comme le prouve la comparaison des taux d'encadrement de l'éducation nationale à ceux d'autres administrations – ils pourraient d'ailleurs également être comparés à ceux de grandes entreprises du secteur privé, qui sont elles aussi dotées d'une administration et ont besoin d'encadrer les personnes qui travaillent sur le terrain.

S'il existe bel et bien de très grandes marges d'amélioration de l'administration de l'éducation nationale, cette amélioration ne s'obtiendrait pas en multipliant les postes administratifs, mais en mettant en place un bien meilleur management général, sous la forme d'une gestion des ressources humaines de proximité. Nous avons engagé une politique en ce sens, ce qui signifie que nous nous efforçons de faire en sorte que nos personnels d'encadrement et d'appui aux professeurs se trouvent au plus près du terrain.

Pour expliquer cette politique, le mieux est encore que je vous indique les chiffres pour 2018. Sur plus d'un million de personnels de l'éducation nationale, nous avons 55 000 ETP d'emplois administratifs, et 56 % de ces personnels – soit moins de 3 % des effectifs totaux du ministère – se trouvent dans les établissements, ce qui se traduit par un ratio moyen de quatre emplois administratifs par EPLE. Par ailleurs, 39 % des 55 000 ETP travaillent au sein des services déconcentrés, c'est-à-dire les rectorats, les vice-rectorats, les directions départementales, ce qui ne représente que 2 % des effectifs totaux du ministère, et 5 % sont dans l'administration centrale, ce qui ne représente que 0,3 % des effectifs totaux du ministère. Nous avons donc une administration centrale particulièrement réduite, et je sais que si nous procédions à une comparaison interministérielle, l'éducation nationale n'aurait pas à en rougir...

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