Intervention de Sarah El Haïry

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry, rapporteure spéciale (Sport, jeunesse et vie associative) :

Perrine Goulet et moi-même avons le plaisir de vous présenter nos principales analyses et de vous faire partager certaines de nos interrogations concernant la mission Sport, jeunesse et vie associative.

En 2018, le Gouvernement a consommé 961,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 959,1 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur cette unité de vote. Cela correspond à une exécution de 97,6 % en CP. Si le résultat facial paraît donc globalement conforme au plafond fixé par le Parlement, il ne saurait masquer le fait que des difficultés sont apparues en cours de gestion : certaines sont nouvelles et ont été justifiées, mais d'autres se manifestent depuis plusieurs années et il est de moins en moins acceptable qu'elles perdurent.

D'abord, la dépense pour 2018 atteint 560,8 millions d'euros en AE et 560,5 millions d'euros en CP au titre de mon programme Jeunesse et vie associative. J'y vois à la fois une augmentation et une sincérisation : malgré une hausse de 3,7 % par rapport à 2017, le budget de la jeunesse et de la vie associative a respecté le plafond voté, alors que l'exercice précédent avait entraîné à la fois l'ouverture de sommes importantes en gestion et un dépassement de la loi de finances initiale de 12 %.

Le principal déterminant de ce programme, avec 80,2 % de son enveloppe, c'est le service civique. Le dynamisme des entrées de volontaires – 140 000 en 2018 contre 123 000 en 2017 –, qui ne peut qu'être applaudi et soutenu, a nécessité un prélèvement de 57 millions d'euros sur le fonds de roulement et la mobilisation de 12 millions d'euros en provenance de l'Agence de services et de paiement.

Le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) est une deuxième composante essentielle, en ce qu'il a permis que 8 millions d'euros bénéficient à la formation de bénévoles. En 2018, nous avons doté le fonds de 25 millions d'euros supplémentaires en compensation de la suppression de la réserve parlementaire, pour une nouvelle ligne « fonctionnement et innovation ».

À ce titre, 9 500 associations ont été soutenues, soit 41,5 % des 23 000 candidatures. Au total, 194 millions d'euros ont été demandés. J'y vois un résultat positif : évidemment, il n'est pas possible de satisfaire tout le monde, et ce n'est d'ailleurs le cas avec aucun fonds ! Mais cela montre que les services déconcentrés sont identifiés comme de bons interlocuteurs du mouvement associatif : j'invite donc le Gouvernement à en préserver le réseau.

Troisième point important : le compte d'engagement citoyen (CEC). Sur ce point, vous comprendrez que je fasse montre d'un enthousiasme plus nuancé. Le CEC a été mis en place en 2016 : avec les comptes de formation et de pénibilité, il constitue le compte personnel d'activité. Jusqu'à aujourd'hui, les choses ont avancé très lentement : seulement 1 million d'euros a été consommé en 2018. L'exécutif ne communique pas assez et, quand il le fait, donne des explications insuffisantes. Quand je parle de communication, je pense au grand public, mais je pense aussi au Parlement. Cela dit, monsieur le ministre, je vous remercie pour les réponses que votre cabinet a bien voulu apporter à mes questions.

Je sais que l'élargissement des populations éligibles et divers changements techniques par trois lois – sapeurs-pompiers volontaires ; égalité et citoyenneté ; avenir professionnel – ont demandé des adaptations, mais maintenant, il faut vraiment que les droits de 2017 et de 2018 puissent être recensés et les formations correspondantes débloquées en 2019, pour que tout cela soit possible et que les personnes engagées puissent vraiment avoir accès à leurs droits. À cet égard, si je veux souligner note la bonne volonté et l'énergie sans faille de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), je reste plus circonspecte quant à l'implication réelle de la Caisse des dépôts et consignations, alors que son intervention est essentielle pour la valorisation de l'engagement des citoyens.

Pour ce printemps de l'évaluation, j'ai choisi de m'intéresser au Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ). En dix ans d'existence, ce fonds, créé en même temps que le revenu de solidarité active, a financé près d'un millier d'expérimentations. Sans le FEJ, on peut sincèrement penser qu'il n'y aurait aujourd'hui ni lutte contre le décrochage scolaire, ni garantie jeunes. L'année dernière, il a soutenu des projets de lutte contre les discriminations : les associations bénéficiaires que j'ai auditionnées m'ont toutes fait part de l'utilité de cette subvention, qui permet souvent d'en amorcer d'autres, ainsi que des grandes compétences professionnelles et humaines de l'équipe qui anime le FEJ au sein de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) – une éducation populaire qui fait toute notre richesse.

Monsieur le ministre, si vous cherchez un bon rapport coût-efficacité des politiques publiques, avec le FEJ, vous en avez pour votre argent ! J'espère que vous me pardonnerez cette remarque triviale, mais je ne saurais mieux exprimer mon enthousiasme...

D'une part, il est vrai que le FEJ avait à un certain moment dévié de ses objectifs initiaux : ses concours ont parfois pu être distribués selon des critères plus politiques que scientifiques. Ce phénomène est aujourd'hui corrigé, en partie grâce au rapprochement avec le conseil scientifique et d'orientation de l'INJEP, que je salue.

D'autre part, les ressources du FEJ s'amenuisent. Les flux entrants s'éteignent les uns après les autres : les moyens versés par la fondation La France s'engage lui sont en partie retournés, les contributions des entreprises ultramarines cesseront avec la fin du dispositif fiscal spécifique, dit « LODEOM », comme le prévoit la loi de finances pour 2019, et la fondation Total a soldé son engagement en 2018... Il est donc nécessaire de réfléchir aux moyens d'accompagner les ressources du FEJ.

Monsieur le ministre, l'Agence du service civique subit des injonctions paradoxales. Elle doit maintenir l'objectif d'attirer 150 000 jeunes, mais trouver son articulation avec le service national universel. Elle doit gérer le programme Erasmus + jeunesse et sports et le corps européen de solidarité, donc embaucher, mais avec un budget serré. Sur quel soutien pourra-t-elle compter ?

Le succès de la première campagne du FDVA renouvelé ne m'empêche pas de relever quelques écueils : les formulaires sont complexes, beaucoup d'associations croient que seules les innovations sont éligibles, les seuils sont trop importants par rapport à la réserve parlementaire – voyez l'exemple du drapeau des anciens combattants – et, à tort ou à raison, les associations sportives se sentent exclues. Comment votre ministère va-t-il répondre à ces difficultés très concrètes ?

Quelles garanties pouvez-vous nous donner quant à la mise en oeuvre effective du CEC et quant aux moyens du programme 163 qui y seront consacrés ?

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