Intervention de Sophie Mette

Séance en hémicycle du mardi 2 juillet 2019 à 21h35
Restauration de notre-dame de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Mette :

Notre assemblée examine en nouvelle lecture le projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Chacun garde en mémoire les images terrifiantes de notre cathédrale qui succomba en partie aux flammes, le 15 avril dernier. Ce drame a soulevé un élan de générosité, et nous avons tous à coeur d'engager le chantier de restauration.

Le Président de la République s'est publiquement engagé à ce que ce chantier s'achève dans cinq ans, ce qui représente un défi ambitieux. Tout en gardant cet objectif en ligne de mire, nous devons nous assurer que les conditions du chantier garantissent la qualité de la restauration.

Il ne s'agit pas de n'importe quel bâtiment ! Nous devons conserver à l'esprit le respect de son âme et de son équilibre, fruit des nombreuses restaurations précédentes, qui lui ont conféré cette silhouette identifiable partout dans le monde et reconnaissable pour tous les Français.

Notre assemblée avait adopté en première lecture un texte dont l'équilibre avait été laborieusement trouvé. Nous l'avions soutenu tout en exprimant au Gouvernement nos sérieuses réserves quant à la collecte des dons et quant aux conditions de restauration prévues par le texte.

Ainsi, le texte proposé en première lecture ne précisait pas suffisamment le régime des dérogations, ce qui n'a pas manqué de soulever des oppositions. La volonté de réagir promptement a conduit à la présentation d'un texte inabouti. Nous souhaitons, nous aussi, avancer rapidement, mais à condition de ne pas négliger la concertation ni les remarques des uns et des autres.

Nous devons trouver la voie pour que la restauration de Notre-Dame offre aux Français l'occasion de se rassembler autour de ce monument emblématique. Elle peut se faire de manière exemplaire en témoignant, aux yeux du monde, de la qualité du savoir-faire de notre pays et de sa capacité à se mobiliser pour son patrimoine, mais aussi en mettant en valeur les métiers et les artisans détenteurs d'une tradition multiséculaire. Nous savons votre volonté d'avancer sur ce sujet en recourant à différents outils pédagogiques pour sensibiliser le plus grand nombre à ces métiers que l'on a trop rarement l'occasion d'exposer.

Cela garantira également la qualité de la restauration pour laquelle la France est engagée et qui doit préserver l'intérêt historique, artistique et architectural du monument, conformément aux principes mentionnés dans la charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, adoptée à Venise en 1964. Le Sénat avait jugé utile de mentionner in extenso cette charte dans le corps de la loi. Nous partageons cette volonté et nous regrettons qu'elle en ait été proscrite à l'issue des travaux en commission.

En revanche, notre groupe n'est pas opposé à la création d'un établissement public dédié, qui semble une mesure utile. Nous avions demandé, en commission, que le Gouvernement précise les contours d'un tel établissement. La nouvelle rédaction nous semble pertinente pour garantir l'efficacité et la réactivité, en mettant en synergie l'ensemble des acteurs concernés. Ce chantier, par son ampleur et sa symbolique, requiert des dispositions spéciales qui n'enlèvent rien à l'investissement des services du ministère et de ses personnels. Les compétences se conjugueront et les acteurs concernés se rassembleront au sein du conseil d'administration, qui comprendra ainsi des personnalités qualifiées, des représentants de la ville de Paris ainsi que du culte affectataire.

Lors des travaux en première lecture, un conseil scientifique, qui nous semble de la plus grande utilité, a été adjoint à ce conseil d'administration. De même, le périmètre retenu, qu'il s'agisse des environs immédiats ou des sous-sols, nous paraît le plus pertinent.

Nous avions exprimé, à l'article 9, les plus grandes réserves quant au nombre excessif de dérogations envisagées. C'est pourquoi nous nous réjouissons de pouvoir enfin travailler à partir de données plus sérieuses même si le Gouvernement a tardé à nous les transmettre. Nous avions approuvé, en première lecture, les dérogations visant à accélérer les démarches administratives, notamment en ce qui concerne les conditions de la restauration. La cathédrale Notre-Dame de Paris a fait l'objet, au fil du temps, d'études très fournies qui nous donnent les renseignements nécessaires pour la restaurer fidèlement à ce qu'elle fut avant le grand incendie.

Nous ne voulions pas, en revanche, que ces dérogations puissent être utilisées pour transformer ce monument, qui nous semblait avoir atteint, avec le temps, une forme d'équilibre que nous devons célébrer en lui rendant son apparence. Les codes de l'urbanisme, de l'environnement, du patrimoine ont leur raison d'être ; nous devons rester vigilants quant à ces dérogations. Selon nous, un monument d'exception ne doit pas appeler une loi d'exception.

L'amendement déposé par le Gouvernement à l'article 9 tend à préciser utilement ce régime dérogatoire ; nous partageons donc ses objectifs. Il prévoit notamment que, par dérogation à l'article L. 523-9 du code du patrimoine, l'établissement public mentionné à l'article L. 523-1 du même code, à savoir l'Institut national de recherches archéologiques préventives – INRAP – , sera l'opérateur chargé de réaliser les fouilles archéologiques rendues nécessaires dans le cadre de ces travaux. Ce sera l'occasion de mettre en valeur l'extraordinaire compétence de cet établissement, qui dispose d'un vrai savoir-faire technique mais aussi pédagogique, puisqu'il s'attache à informer et sensibiliser régulièrement différents publics à l'avancée des travaux et aux éventuelles découvertes.

Les dérogations apportées au code de l'environnement ont également soulevé des inquiétudes, en raison notamment des publicités envahissantes – dont chacun a un exemple en tête – qui sont responsables d'une importante pollution visuelle. Il était évidemment inconcevable que cela puisse se produire sur le chantier de Notre-Dame, ce qui aurait d'ailleurs été incohérent avec les limites que nous avions inscrites à ce sujet dans le projet de loi relatif à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Nous sommes donc rassurés sur ce point.

Reste la question du régime fiscal, à propos de laquelle nous avons un désaccord de fond. Mon collègue Jean-Paul Mattei l'a rappelé en commission des finances et l'exprimera sans doute à nouveau lors de la discussion des articles : nous n'approuvons pas les dispositifs fiscaux prévus par le texte. Si nous saisissons bien le caractère exceptionnel de l'événement, nous n'acceptons pas pour autant que de nouveaux avantages fiscaux soient accordés, au-delà des mesures prévues pour soutenir les plus démunis de nos concitoyens.

La commission des finances, dans sa grande sagesse, a d'ailleurs supprimé le dispositif prévu à l'article 5. Nous ne comprenons pas cette volonté d'outrepasser une législation déjà très avantageuse.

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