Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du mercredi 3 juillet 2019 à 15h00
Haine sur internet — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Sans être exhaustif, j'aimerais pointer quelques sujets qui nous interrogent ou nous semblent problématiques dans le texte qui est proposé.

Tout d'abord, la notion de « manifestement illicite » ouvre un champ d'interprétation assez large. Une liste d'infractions renvoie certes à des législations, mais elle est fermée. Or, comme l'écrit dans un article récent l'avocat spécialisé en droit de la presse Christophe Bigot, la jurisprudence ne cesse d'évoluer et de s'adapter dans ce domaine, notamment en ce qui concerne la haine raciale. Comment pourrons-nous intégrer des jurisprudences aussi évolutives dans une liste fermée, d'autant que le texte comporte une interprétation pour le moins floue du caractère « manifestement illicite » ?

Ensuite, face à un risque unilatéral de sanction, les plateformes seront tentées de se protéger très largement, et par conséquent de retirer ou de signaler des propos répondant à une vision extensive du caractère illicite. Nous proposerons donc un amendement complémentaire visant à sanctionner tout à la fois les propos illicites et la censure excessive. Les exemples cités par nos collègues montrent bien que la perception du caractère illicite peut prendre des proportions étendues dans le domaine culturel comme au regard du droit à la liberté d'expression ou à conduire des politiques contestataires.

Enfin, le sujet principal n'est pas de savoir s'il faut ou non réguler internet, mais qui est autorisé à le faire et qui en a la légitimité. Peut-on accepter que les plateformes elles-mêmes en fassent un marché, loin de l'intérêt général et de l'intérêt public ? Dans une République, ce rôle ne revient-il pas plutôt au droit et au juge ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.