Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du jeudi 4 juillet 2019 à 9h30
Taxe sur les services numériques — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Nous sommes appelés à nous prononcer sur le texte que vous propose la commission mixte paritaire – CMP – qui s'est réunie le 26 juin sur le projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés.

Je rappelle que le projet de loi comportait initialement deux articles. Le premier créait une taxe sur les services numériques, la TSN, improprement appelée « taxe GAFA » – Google, Apple, Facebook et Amazon. Le second modifiait le taux de l'impôt sur les sociétés, l'IS, pour les grandes entreprises en 2019.

En première lecture, notre assemblée a ajouté deux articles prévoyant la remise de rapports, l'article 1er bis sur la fiscalité du commerce en ligne et physique, l'article 3 sur l'impact de la TSN. Nous avions également apporté des améliorations significatives à l'article 1er relatif à la TSN pour en préciser le champ, en sécuriser l'assiette et le recouvrement, ou encore pour renforcer le contrôle et affirmer la nature provisoire de la taxe.

Le Sénat a introduit un nouvel article 1er bis A prévoyant la remise d'un rapport sur les raisons d'une absence de notification de la taxe à la Commission européenne. Il a apporté plusieurs modifications à la TSN sans remettre en cause le coeur du dispositif. Enfin, il a adopté sans modification l'article 1er bis et, surtout, l'article 2 relatif au taux de l'IS. Cette adoption conforme est sans doute l'élément qui a permis le succès de la CMP, la semaine dernière, dans la mesure où, sur la TSN, l'économie générale du dispositif était acceptée par les deux assemblées.

La CMP a abouti à un compromis équilibré conservant les modifications apportées par l'Assemblée et la majorité de celles introduites au Sénat, et prévoyant plusieurs améliorations proposées par Albéric de Montgolfier, rapporteur du texte au Sénat, et par moi-même. Je salue d'ailleurs l'excellent travail réalisé en commun avec Albéric de Montgolfier, qui a permis à la CMP de connaître une issue fructueuse.

Quel est le contenu du texte qui vous est soumis ?

À l'article 1er, la CMP est revenue sur deux exclusions du champ de la TSN qui avaient été introduites par le Sénat : les services par abonnement, d'une part ; les systèmes informatisés de réservation, les SIR, d'autre part. Ces exclusions du volet « intermédiation » de l'assiette risquaient d'entraîner une rupture d'égalité inconstitutionnelle. Je précise, à toutes fins utiles, que les SIR qui permettent une interaction entre compagnies et agents sont bien des services d'intermédiation, et que Bercy travaille à un rescrit pour lever les craintes nourries par certains d'entre vous.

La CMP n'a pas non plus retenu l'imputation de la TSN sur la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – introduite par le Sénat, compte tenu de l'important risque de qualification en aide d'État. De même, le bornage temporel de la taxe prévu au Sénat ne figure pas dans le texte de la CMP, afin de ne pas fragiliser la position française dans les négociations en cours ni compromettre leur dynamisme. Cependant, nous nous accordons tous sur la nécessaire vocation provisoire de la TSN, réaffirmée plus fermement par la CMP dans son texte.

La CMP a jugé utile de préciser les modalités de localisation des services, sans renvoyer à un décret en Conseil d'État. Elle a consacré l'utilisation de l'adresse IP ou de tout moyen pertinent, comme le prévoyait la proposition de directive, et insisté sur la protection des données personnelles – un souci partagé par tous et qu'avait souligné le rapporteur du texte au Sénat.

Enfin, en plus de quelques précisions rédactionnelles et corrections de coquilles, la CMP a utilement clarifié le dispositif sur trois points : l'exclusion des services publicitaires de l'assiette « intermédiation » ; la question des activités connexes aux services taxables telles que la logistique – la nouvelle rédaction, plus précise, reprend les termes employés par la Cour de justice de l'Union européenne, dans un souci de clarté de la norme et de cohérence de la taxe – ; enfin, la consécration du remboursement des entreprises qui auraient versé l'acompte de TSN en 2019 sans être finalement assujetties à la taxe.

S'agissant des deux autres articles restant en discussion, la CMP a proposé une adoption dans la version issue du Sénat. J'ajoute un mot sur l'article 1er bis A relatif aux motifs de la non-notification de la taxe à la Commission européenne : il ne me semble pas que la TSN soit sélective, ce qu'une récente décision du tribunal de l'Union européenne corrobore ; cependant, il est apparu utile que le Gouvernement expose de façon détaillée les éléments de droit qui étayent sa position.

En conclusion, le texte de la CMP me paraît constituer un bon compromis dans la mesure où, tout en conservant l'essentiel du dispositif et des améliorations que l'Assemblée nationale et le Sénat ont apportées, il prévoit d'utiles enrichissements.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter ce texte et ainsi à consacrer pleinement l'ambition de notre pays pour la modernisation des règles fiscales et le renforcement de la justice fiscale, sujets sur lesquels la France est en pointe et qui, je le sais, transcendent tous les clivages.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.