Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du jeudi 4 juillet 2019 à 9h30
Taxe sur les services numériques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

À l'heure où nous nous apprêtons à voter le projet de loi créant une taxe sur les services numériques, à la suite d'une CMP conclusive, interrogeons-nous : quelles questions ce texte soulève-t-il ? Et quelles réponses apporte-t-il ?

La première question porte sur la mise en place d'outils assurant la juste taxation des services et des activités numériques, notamment ceux liés à la vente de données.

La deuxième question, corollaire de la première, concerne la répartition territoriale de l'impôt, l'enjeu étant de taxer la richesse là où elle est créée.

La troisième question découle d'un constat : l'économie numérique est largement dominée par de grands groupes, dont la capitalisation boursière dépasse le PIB de certains États. Face à ces mastodontes et faute de coordination, les États perdent de leur souveraineté. La progression de l'économie numérique doit inciter le législateur à mener des réformes profondes et globales, visant à accroître la justice, notamment dans le champ fiscal. Ainsi, comment pouvons-nous accepter que le taux d'impôt sur les sociétés appliqué aux artisans, aux TPE et aux PME soit bien plus élevé que celui auquel sont effectivement assujettis les géants du numérique ?

La CMP a amélioré le mécanisme très complexe adopté en première lecture. Notre bienveillance vis-à-vis de cette taxe ne nous empêche pas d'en voir les imperfections. Mon collègue Michel Castellani, qui s'est exprimé en première lecture au nom de notre groupe et qui ne peut être présent aujourd'hui, car il est retenu en Corse par le déplacement du Premier ministre, les avait déjà soulignées.

Le choix de retenir le chiffre d'affaires, et non les bénéfices, comme assiette de la taxe est peu satisfaisant. C'est, à nos yeux, l'un des talons d'Achille du dispositif. Par ailleurs, nous nous inquiétons d'éventuelles contradictions juridiques, notamment avec le droit européen. Enfin, nous serons particulièrement attentifs aux répercussions que la TSN pourrait avoir sur les consommateurs et sur certains groupes français.

Nous devons surtout dire à nos concitoyens que ce texte ne constituera pas, à lui seul, le grand soir fiscal s'agissant des GAFA. Prenons cette loi pour ce qu'elle est : une tentative d'apporter une réponse, partielle, à cette situation inacceptable ; une solution nationale à un problème global.

Nous devons aussi considérer ce texte en nous référant aux initiatives en cours à l'échelle européenne et, surtout, mondiale. Monsieur le ministre, notre pays doit être à la pointe de ce combat, notamment au sein de l'OCDE. À cet égard, notre groupe note avec satisfaction les évolutions de ces dernières semaines. Nous saluons ainsi le consensus obtenu lors de la réunion de l'OCDE du 29 mai dernier : 129 États ont alors approuvé une feuille de route visant à établir une fiscalité mondiale des géants du numérique. Le récent G20 des ministres des finances a confirmé ce progrès, avec la finalisation d'un accord de principe portant sur l'harmonisation de la fiscalité du numérique et la modification du mode de calcul de l'imposition des entreprises. Il convient désormais de traduire ces engagements dans un accord effectif.

Nous regrettons que l'article 2 diffère la baisse de l'impôt sur les sociétés de certaines entreprises ; c'est une forme de renoncement. Cette modification devrait rapporter aux caisses de l'État près de quatre fois plus que la TSN, qui accapare pourtant les débats. Il s'agit de financer en partie les dépenses supplémentaires occasionnées par les mesures d'urgence, adoptées en décembre dernier. Le prix en est une instabilité fiscale pour les entreprises, qui mine leur confiance, nuit à leurs finances et, in fine, à leur compétitivité. Nous le regrettons.

Nous serons donc d'autant plus vigilants sur le respect de l'objectif, que le chef de l'État a fixé et que vous avez réaffirmé, monsieur le ministre, d'une réduction du taux de l'IS à 25 % pour toutes les entreprises en 2022. Nous serons également exigeants sur l'évaluation de l'instauration de la TSN et de son impact économique ; nous accorderons une attention redoublée au rapport prévu par le texte.

La TSN ne constitue qu'une étape. Elle doit permettre à la France de stimuler l'ambition, en Europe et dans le monde, de bâtir une fiscalité globale. Nous souhaitons donc que cette taxe nationale cède la place, dans les plus brefs délais, à une imposition mondiale. En attendant, le groupe Libertés et territoires votera majoritairement ce texte.

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