Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du jeudi 4 juillet 2019 à 9h30
Taxe sur les services numériques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

… portent un énième coup dur à la crédibilité des élus de la République que nous sommes. La réaction de nos concitoyens à cette affaire montre bien qu'ils attendent des mesures puissantes, et non des faux-semblants et autres tours de passe-passe auxquels ils ont été bien trop habitués ces dernières années.

Or, avec ce projet de taxe sur le numérique, la montagne accouche une nouvelle fois d'une souris. Cette taxe pouvait corriger l'injustice fiscale entre les grandes entreprises du numérique et nos TPE et PME ; elle ne le fait pas. Cette taxe pouvait permettre de financer des mesures de justice sociale et fiscale ; elle ne le fait pas.

Et pour cause : c'est quasiment une coquille vide. Son taux est particulièrement bas, 3 %, quand certains de nos partenaires européens ont retenu des solutions plus ambitieuses, avec un taux pouvant atteindre 5 %. Son assiette est tout aussi riquiqui, puisque seules certaines activités du numérique seront soumises à taxation. Seront donc exclues du champ de la taxe les Starbucks, Nike et autres McDonald's, qui certes n'opèrent pas dans le secteur numérique mais se révèlent actives en matière d'évasion et d'optimisation fiscales.

Sans surprise, le résultat final est décevant. La taxe aura un rendement de 500 millions d'euros brut – encore ce chiffre est-il gonflé à l'hélium. Étant donné qu'elle sera déductible de l'impôt sur les sociétés, son produit sera réduit d'un tiers. Elle ne rapportera donc que 350 millions net par an, soit dix fois moins que l'impôt de solidarité sur la fortune. Je dis bien dix fois moins, mes chers collègues !

Cette taxe n'est donc pas la réponse attendue par nos concitoyens en matière de justice fiscale. Fidèle à ses valeurs, notre groupe a défendu des propositions, autrement plus ambitieuses, mais celles-ci ont été systématiquement rejetées, ce qui ne nous surprend pas véritablement.

Nous ne disons pas que les choses sont simples, monsieur le ministre. Évidemment, il serait vain de vouloir lutter seuls dans notre coin, quand ce fléau est mondial et que l'Europe est gangrenée par le dumping fiscal. Nous sommes favorables à la conclusion d'un accord à une plus grande échelle et nous souhaitons que cette taxe puisse servir d'appui dans les négociations conduites au niveau de l'OCDE, même si nous pensons que nous aurions davantage pesé sur les négociations en fixant un taux plus élevé.

Toutefois, comme je l'ai indiqué, force est de constater qu'il s'agit là davantage d'une opération de communication que d'un véritable engagement à porter le fer contre l'évasion fiscale. Rappelons d'ailleurs cet étrange paradoxe : d'une part, vous prétendez être actifs sur le front de la lutte contre l'évasion fiscale ; d'autre part, avec l'article 2 de ce projet de loi, vous ancrez notre pays dans la course funeste au moins-disant fiscal, en entérinant une fois pour toutes la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés à 25 %, pour un coût de 11 milliards d'euros à compter de 2023, ce qui amplifiera encore un peu plus le transfert de la fiscalité des entreprises vers les ménages – nous avons eu récemment connaissance de chiffres éloquents à ce sujet.

Vous comprenez donc les raisons pour lesquelles le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'abstiendra.

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