Intervention de Bruno Joncour

Séance en hémicycle du jeudi 4 juillet 2019 à 9h30
Protocole additionnel de nagoya-kuala lumpur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Joncour :

Des toxines nuisibles pour des insectes non ciblés, le transfert de gènes modifiés vers d'autres organismes, le risque d'invasion pour l'écosystème, voilà quelques-uns des risques présentés par les OVM, qui étaient cultivés sur plus de 190 millions d'hectares en 2017, sachant que cette surface est en constante augmentation.

Face à ces risques, le protocole de Carthagène, adopté le 29 janvier 2000, a établi une réglementation internationale pour le transfert, la manipulation et l'utilisation des OVM, afin d'éviter qu'ils ne portent atteinte à la biodiversité. Il est complémentaire à la convention sur la diversité biologique de Rio de Janeiro, adoptée le 22 mai 1992.

Ratifié par 171 États, dont quelques grands producteurs d'OGM, comme le Brésil ou l'Inde, ce protocole ne règle pas la question de la responsabilité et de la réparation des dommages en cas d'atteintes à la biodiversité liées à des mouvements d'OVM. C'est l'objet du protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur, dont ce texte vise à autoriser la ratification.

Comment pourrions-nous considérer que le mécanisme instauré par le protocole de Carthagène est complet, sans la mise en place de « procédures internationales en matière de responsabilité et de réparation relatives aux organismes vivants modifiés » ? La réponse à cette question est simple : nous ne le pouvons pas. C'est la raison pour laquelle l'article 27 du protocole de Carthagène préconisait la poursuite des négociations en ce sens.

Il ne s'agit pas là d'instaurer une responsabilité de principe, en estimant que la crainte que le protocole inspirera aux différents opérateurs permettra d'éviter tout incident. Les considérations d'espèce sont tout autres : il s'agit avant tout de limiter l'impact sur la biodiversité d'éventuels incidents liés à des mouvements d'OVM, car nous devons considérer sa préservation comme un préalable à la production de denrées de qualité, dont nous avons tous besoin. Il est question ici non pas de convictions, mais de nécessité !

La France l'a très bien compris. C'est la raison pour laquelle notre pays a totalement interrompu la culture d'OVM depuis 2008, ainsi que les expérimentations au champ depuis 2013.

L'enjeu pour la France n'est pas négligeable. En effet, du fait des décisions que j'ai rappelées, les atteintes à la biodiversité liées à des OVM ne peuvent provenir que de contaminations fortuites, aux frontières ou par l'intermédiaire de semences importées. Quand bien même ces atteintes demeurent, dans les faits, limitées, notre responsabilité collective ne peut que nous inciter à nous inscrire dans le cadre du protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur. Cette considération n'est d'ailleurs pas franco-française.

Outre la question de la conformité du droit interne français au protocole, l'enjeu réel pour notre pays réside dans la promotion, au sein de l'ordre juridique international, de la réglementation européenne en matière d'OGM. Chacun est en mesure de constater la multiplication des accords commerciaux bilatéraux ; certains d'entre nous la déplorent d'ailleurs. En tout cas, si nous ne prenons pas la peine d'imposer la philosophie des normes européennes en la matière, notamment celle du principe de précaution – sachant que les normes européennes sont elles-mêmes fidèles à la philosophie française – , nous nous verrons un jour opposer d'autres règles, moins qualitatives, présentant un risque pour la biodiversité.

Aussi le protocole préconise-t-il la mise en place d'un système de responsabilité administrative contraignant en cas de dommages à la biodiversité liés à des mouvements transfrontières d'OVM. Ce mécanisme comprend des mesures d'intervention, c'est-à-dire l'obligation pour les États, lorsqu'un dommage s'est produit, d'exiger des opérateurs qu'ils informent les autorités compétentes sans délai, qu'ils évaluent le dommage et prennent les mesures appropriées. Ces mesures d'intervention peuvent aussi être préventives lorsqu'il existe « une probabilité suffisante de survenance de dommage ».

La simple lecture de ce dispositif révèle le bon sens du protocole et l'avancée qu'il constitue en raison de son caractère contraignant et de son opposabilité à des OVM en provenance d'États qui n'y sont pas parties. Notre droit est plus exigeant que le dispositif prévu, notamment en application de la directive européenne de 2004 sur la responsabilité environnementale, qui instaure un principe de pollueur-payeur. Toutefois, personne ne peut douter du bien-fondé de ce protocole. Pour les pays qui n'ont pas le même droit que nous, il constituera une avancée majeure en matière de protection de l'environnement et de la biodiversité.

Ainsi, aucune raison valable n'empêche le Parlement français d'autoriser la ratification de ce protocole, auquel notre législation interne est pleinement conforme. Conscient que la défense de la biodiversité est un enjeu fondamental, qui le sera plus encore dans les prochaines décennies, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutient le projet de loi et le votera.

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