Intervention de Laetitia Avia

Séance en hémicycle du jeudi 4 juillet 2019 à 15h00
Haine sur internet — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Il me semble nécessaire de revenir sur ces éléments en ce début de discussion. J'avais eu l'occasion d'évoquer hier les mécanismes d'équilibre proposés, mais je ne suis pas certaine d'avoir alors totalement répondu à votre interrogation.

Votre amendement, monsieur Peu, soulève une difficulté, dans la mesure où le délit de retrait abusif n'existe pas. La peine que vous proposez n'étant donc rattachée à aucun délit, elle serait entachée d'un défaut de légalité.

En revanche, le sujet que vous soulevez renvoie à une vraie problématique, sur laquelle j'ai particulièrement travaillé en rédigeant ce texte, précisément parce qu'il s'agit du travers que l'on a pu trouver à la loi allemande. Plusieurs dispositifs sont prévus pour y répondre.

En premier lieu, il importe de rappeler que, lorsqu'un contenu est retiré de manière abusive au regard des conditions générales d'utilisation – CGU – , la responsabilité contractuelle de la plateforme peut déjà être engagée. Ce message mérite d'être relayé auprès de nos concitoyens, et il convient de profiter de nos débats pour l'affirmer haut et fort : la responsabilité contractuelle des plateformes peut et doit être engagée lorsque ces dernières abusent de leurs prérogatives et censurent indûment des contenus.

En second lieu, la proposition de loi prévoit plusieurs garde-fous. Nous en débattrons ultérieurement, car nous proposons de nouveaux amendements sur ce sujet. Le premier est l'obligation de mobiliser des moyens, humains, technologiques et de procédure, pour empêcher tout retrait de contenus injustifié. Les plateformes devront ainsi mener tous les audits et vérifications requis pour s'assurer de l'absence de retraits abusifs.

Le deuxième garde-fou réside dans le pouvoir d'appréciation et de contrôle sur les conditions générales d'utilisation. Ces dernières restent des contrats de droit privé, mais elles pourront faire l'objet de vérifications sur deux aspects essentiels : leur caractère objectif et leur caractère non discriminatoire. Dès lors que le régulateur pourra s'assurer de la conformité des CGU à ces exigences et de leur caractère objectif et non discriminatoire, il pourra vérifier qu'aucun abus n'a été commis en application de leurs clauses.

Enfin, le texte proposé prévoit expressément que, dans le cadre de la procédure de sanction confiée au Conseil supérieur de l'audiovisuel – CSA – , ce dernier sanctionne les obligations de moyens, et, pour ce faire, apprécie le comportement des plateformes. Le CSA s'assurera donc de la conformité de ce comportement, qu'il soit insuffisant ou au contraire abusif en matière de retrait de contenus. La sanction proposée, qui peut atteindre 4 % du chiffre d'affaires de l'opérateur, s'appliquera donc également si une plateforme abuse de son droit et se rend coupable de surcensure.

Toute une panoplie d'éléments vise ainsi à mieux encadrer, à assurer cet équilibre que nous sommes les premiers à tenter d'atteindre, et à rester dans le cadre de la liberté d'expression tout en respectant la ligne de crête évoquée hier par M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

Je tente donc la demande de retrait ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.