Intervention de Amiral Bernard-Antoine Morio de l'Isle

Réunion du mercredi 5 juin 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Bernard-Antoine Morio de l'Isle, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique (ALFOST) :

Concernant le recrutement et la fidélisation, nous avons pris plusieurs mesures en interne. Elles font effectivement parties du plan FSM 2020, avec ses quatre axes. Lorsque vous êtes confronté à ce problème de la fidélisation, il faut agir sur plusieurs leviers car il n'y a pas de solution mono levier. Il faut des mesures indemnitaires. Nous avions constaté une érosion des primes de milieu qui n'avaient pas été réévaluées au fil des ans. Certaines de ces primes compensent en particulier la nature particulière de nos missions. En conséquence, un effort très significatif a été réalisé dans ce domaine ces dernières années. Il y a un deuxième axe d'effort qui repose sur la conciliation vie de famille et vie militaire. La prévisibilité des programmes de déploiement est très importante. Nous avons réussi plus facilement dans ce domaine sur les SNLE – parce que les départs sont plus cadencés – que sur les SNA dont les programmes évoluent souvent. Et ça, pour les familles, c'est très difficile à vivre au quotidien. Pour compenser nous programmons des escales plus nombreuses que par le passé. Il fut un temps où nous avions une tendance à trop réduire leur nombre et leur durée. Tout en respectant la mission, qui reste prioritaire, les contrôleurs opérationnels planifient une escale de SNA tous les 25 jours en moyenne.

Ensuite, vous avez des leviers sur la qualité de l'infrastructure de votre lieu de travail. Lorsque vous travaillez autour des bassins, comment se passe la restauration, comment sont les vestiaires, comment vous travaillez ? Là aussi, nous avons amélioré les choses, notamment à Toulon. C'est donc un programme d'ensemble que nous mettons en oeuvre. Ce que j'observe aujourd'hui, c'est que les départs sont moins importants cette année que l'année dernière. Il faudra attendre la fin de l'année pour avoir la totalité des chiffres mais l'évolution est positive. Nos efforts de fidélisation portent donc leurs fruits.

Le Chant du loup est-il crédible ? Le scénario de ce film est une fiction. Antonin Baudry a écrit son scénario comme il l'entendait. La marine lui a apporté une aide technique. Mais on retrouve donc dans ce film l'authenticité des forces sous-marines. Vous avez dû être impressionnés par la qualité des dialogues, par la qualité des atmosphères reproduites. On retrouve aussi l'engagement et les valeurs propres des sous-mariniers.

Les femmes ont toute leur place au sein des forces sous-marines et nous inscrivons notre action dans le cadre du plan mixité qu'a tracé la ministre. Nous sommes féminisés à hauteur de 12 %. Nous avons donc 150 femmes dans les forces sous-marines, qui travaillent dans les centres opérationnels, dans les escadrilles, et quelques-unes sont embarquées sur les bateaux. Un premier équipage de SNLE a été féminisé il y a un peu plus d'un an. Et trois patrouilles féminisées ont déjà eu lieu. La règle dans les forces sous-marines, c'est le volontariat. Si nous avons des femmes qui souhaitent intégrer les forces, nous les accueillons et nous les formons.

La formation est exigeante et le parcours qualifiant long : il faut une dizaine d'années pour occuper les fonctions de commandant adjoint navire et vingt et un ans pour commander un SNLE. C'est un peu comme pour devenir chirurgien, c'est long et chaque étape est importante. Chaque fois que nous avons essayé de réduire cette durée ou de supprimer des étapes, nous avons eu des incidents. Nous sommes donc revenus à la règle de base. Dans le domaine des opérations sur SNA, les jeunes officiers occupent successivement tous les postes : officiers en 6e, 5e, 4e, 3e, second. Puis, ils sont présentés au cours de commandement où pendant cinq semaines à terre, puis en mer, nous évaluons s'ils sont capables de devenir commandants de sous-marin. Ensuite, à l'issue du commandement de SNA, ils devront être second sur SNLE avant de pouvoir prétendre commander ces bateaux. En France, nos meilleurs commandants de sous-marins sont les commandants des SNLE qui ont tous été auparavant commandant de SNA. Cela leur permet de connaître parfaitement toutes les tactiques des « chasseurs ». Ce haut niveau d'exigence autorise ensuite une permanence à la mer basée sur un SNLE au moins dilué dans les profondeurs.

En pratique, quelles sont les installations qu'il faut avoir sur un sous-marin pour permettre la mixité ? Ce sont des postes, c'est-à-dire les endroits de repos dédiés. Ce sont des chambres où il y a soit des femmes, soit des hommes. Nous n'envisageons pas de chambrée mixte. C'est la même chose pour les sanitaires, qui doivent être dédiés. Cette organisation est plus simple sur les SNLE car ils disposent de plus d'espace. Nous espérons avoir une meilleure ergonomie sur les Suffren. Néanmoins la promiscuité reste très forte sur sous-marin.

La présence russe au large des côtes bretonnes s'est renforcée il y a plusieurs années. Cela correspond à la période au cours de laquelle M. Le Drian s'est exprimé à ce sujet. Il faut d'abord identifier cette présence, la suivre et adapter la cinématique de nos unités si nécessaire pour garantir leur totale invulnérabilité.

Il n'existe pas d'enregistreurs déposés au fond des zones de transit. Nous vérifions nos approches avant chaque opération. Les routes utilisées par les SNLE pour gagner les grands fonds sont passées au peigne fin par les chasseurs de mines à la fois dans la rade, mais aussi sur les routes maritimes empruntées. Il nous est arrivé de retrouver des vieilles munitions qui remontent à la surface du fond de sable.

Vous avez évoqué les animaux militarisés retrouvés sur les côtes norvégiennes. Je ne pense vraiment pas que ce soit un danger pour nos SNLE car ils sont dilués dans des espaces immenses et je ne vois pas comment le dauphin pourrait les retrouver. Ces dauphins sont utilisables à proximité des côtes, il n'est pas possible de les guider vers nos SNLE.

Concernant le MCO naval et les SNA : nous sommes effectivement en dessous du taux de disponibilité que nous devrions avoir. Il était fixé à 88 % et nous sommes à 74 %. Il faut encore améliorer la qualité des interventions lors des arrêts techniques majeurs (ATM). Il y a deux volets : le premier, c'est le contrôle qualité des équipements qui arrivent sur les bateaux et qui reviennent des ateliers. Le deuxième c'est la connaissance et le savoir-faire des industriels et de leurs sous-traitants. Il faut absolument disposer de plans qualité ambitieux dans ces deux domaines, pour retrouver une bonne marge de manoeuvre. Par ailleurs nos SNA sont en fin de vie et de nombreuses obsolescences doivent être traitées. Enfin tout retard en sortie d'ATM est très pénalisant en termes d'organisation interne de la force.

La numérisation du MCO des SNA est bien entrée en vigueur. Nous avons commencé par la mise en place de tablettes numériques sur certains postes pour supprimer les cahiers de relevés de quart et avoir des relevés électroniques exploitables par l'industriel. Cela présente bien des avantages : une historisation immédiate et pérenne mais également plus de sécurité. Par exemple, lorsque vous entrez une valeur qui est déjà en dehors de la fourchette de fonctionnement d'un auxiliaire, l'avertissement est immédiat et l'opérateur est interpellé sur un éventuel défaut de fonctionnement. Cela étant, il faut s'assurer que la confidentialité est préservée, que ces informations numériques ne permettent pas de remonter a posteriori aux opérations conduites ou à la position de nos sous-marins. Nous avons donc mis en place des règles strictes de gestion de ces données.

Le contrat de disponibilité à cinq ans donne satisfaction et le directeur du SSF pourrait vous détailler son fonctionnement et la manière dont il le négocie à échéance régulière. La gestion de ce contrat est au coeur de ses responsabilités.

Concernant les munitions, il est essentiel de pouvoir lancer régulièrement des munitions complexes. Aujourd'hui, je lance vingt-cinq torpilles d'exercice dites F17 par an. Cela fait environ deux torpilles par équipage. Ces chiffres sont comparables à ceux de nos grands partenaires. Quant aux munitions dites complexes telles que les missiles du type SM-39, et demain pour les Suffren les MdCN, il est essentiel de planifier des tirs de munitions de combat. À chaque tir, vous enrichissez votre expérience sur la connaissance et la maîtrise de vos systèmes de combat. Une attention particulière doit être portée aux munitions pour l'entraînement et aux stocks de combat.

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