Intervention de Amiral Bernard-Antoine Morio de l'Isle

Réunion du mercredi 5 juin 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Bernard-Antoine Morio de l'Isle, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique (ALFOST) :

La marine et ses forces sous-marines sont confrontées au défi du recrutement. J'ai transformé mes sous-mariniers en recruteurs. Vous pouvez cependant m'aider en identifiant des établissements scolaires qui dispensent des formations Bac pro ou BTS dans les domaines des électriciens, des mécaniciens, des électrotechniciens. Le recrutement de proximité est particulièrement efficace. Une fois que les jeunes sous-mariniers sont recrutés, on ne les perd pas et ils quittent assez peu l'institution. Ils partent généralement après dix-sept ans de service, lorsque le secteur civil leur offre 2 à 3 000 euros de salaire en plus. Avec l'Éducation nationale, nous organisons des forums. C'est aussi une très bonne voie.

La réserve est essentielle pour les forces sous-marines. Aujourd'hui par exemple, les officiers de permanence au centre opérationnel des forces sous-marines qui suivent la conduite des opérations et qui se trouvent dans les souterrains de Brest, sont composés pour moitié de réservistes.

Venons-en à la marine chinoise et aux essais du JL 3. Il faut bien mesurer que la dissuasion de la Chine est différente de la nôtre. Sa première composante est terrestre avec des missiles qu'ils ont installés dans des tunnels, creusés dans la montagne. Ce réseau dispose de centaines de sorties, sur des centaines de kilomètres. C'est aussi une façon de disparaître. Ces tunnels sont très camouflés et vous ne savez pas par quelle sortie apparaîtra la menace.

Le Suffren aura une autonomie supérieure de 50 % par rapport à celle de nos SNA actuels. On passe de 45 à 70 jours. Et ce sont des bateaux que nous entretiendrons une seule fois par an. Pour les armes, c'est la même chose : nous en aurons 50 % de plus. On part de 14 armes sur les Rubis, et on arrive à 20 avec les Suffren. Nous aurons de nouvelles armes aussi avec la torpille F21, d'une portée très sensiblement accrue. Elle répond à la menace des sonars actuels des frégates. Nous aurons également le MdCN, qui permet la frappe dans la profondeur terrestre. Le Suffren, ce n'est pas du tout le même bateau. Il fait le double du tonnage d'un SNA actuel : on est passé de 2 500 à 5 500 tonnes. Nous aurons ainsi une plus grande autonomie, des armes nouvelles, une meilleure sûreté nucléaire et bien sûr une meilleure discrétion acoustique.

S'agissant de présence étrangère à proximité des CTM, je n'ai pas beaucoup de leviers disponibles mais, comme vous, je constate une implantation de plus en plus forte autour de mes centres. Nous adaptons nos dispositifs à ces évolutions.

En ce qui concerne le développement durable, les nouveaux sous-marins seront zéro rejet. On ne rejette déjà pas grand-chose aujourd'hui. Un sous-marin ne rejette en mer que les denrées alimentaires non consommées. Tout le reste est compacté et conservé puis débarqué au retour à quai.

En matière de défense antimissile, le travail le plus important porte actuellement sur les missiles à courte et moyenne portées dont les vitesses de pénétration sont bien moins élevées que celles des missiles intercontinentaux.

Pour répondre à votre question sur les nouvelles menaces en matière de guerre des mines, l'important est de disposer du plus grand nombre d'informations nationales sur les objets de l'adversaire, afin de rester en mesure de les contrer. Nos services de renseignement s'y emploient.

Le travail indispensable de vigilance sur la BITD relève du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), du CEADAM et de la DGA. Des rendez-vous périodiques permettent de vérifier par exemple que nous demeurons capables de refaire un réacteur avec des pièces françaises uniquement. C'est un souci permanent. L'activité d'une petite filiale peut en effet passer sous le radar. Il faut donc surveiller, contrôler et avoir le courage de ne pas céder certaines entreprises stratégiques à des sociétés étrangères.

Concernant l'aménagement et les infrastructures, un quai Suffren a été aménagé et testé à Brest ; puis nous réceptionnerons un quai et un bassin à Toulon à la fin de cette année.

Les forces sous-marines se sont préoccupées très tôt du domaine cyber. Pour l'instant, nous sommes donc en avance. Nous avons ainsi des protocoles avec chaque entreprise. Il existe des « bacs à sable », c'est-à-dire des environnements extérieurs au sous-marin où sont testés tous les équipements qu'un industriel souhaite importer sur nos bâtiments. Cela garantit que l'on n'introduise pas quelque chose de néfaste et il y a le même système dans toutes les entreprises qui produisent de l'informatique embarquable ou embarquée. Des inspections sont conduites dans ces dernières pour vérifier que les protocoles sont bien respectés. Ensuite, il faut garantir de pouvoir réinstaller tous les systèmes logiciels embarqués qui pourraient avoir été affectés par une attaque. Cela demande de l'entraînement et nous avons créé une école à cet effet. De plus, nous embarquons régulièrement des cyber professeurs qui viennent mettre en situation les équipages et vérifier qu'ils sont capables de relancer toutes leurs installations. Il faut toutefois être extrêmement humbles dans le domaine de la cyber.

Une question a été posée sur les risques liés aux filets dérivants : il est rare qu'ils s'accrochent sur un sous-marin, parce qu'il existe un pare-filin qui protège l'hélice. C'est un système qui coupe et dégage le filet dérivant. Normalement on ne doit donc pas en récupérer, mais si c'est le cas il faudrait refaire surface et découper le filet. Les SNA sont plus sensibles à ce risque parce qu'ils peuvent naviguer régulièrement près des côtes.

Trois intervenants participent à la construction des simulateurs : l'industriel – qui a construit l'objet à simuler, si c'est un poste de pilotage ça peut être Safran –, les marins et la DGA. C'est un trinôme qui construit des simulateurs dits métiers, qu'ils soient monoposte ou destinés à une équipe. Il faut distinguer d'une part les simulateurs dédiés aux opérations, et d'autre part les simulateurs de la conduite de la propulsion.

Nous lançons un ou plusieurs missiles à chaque fois qu'un SNLE a terminé une IPER, c'est-à-dire un grand carénage qui dure deux ans. Dans la mesure où ces tirs se déroulent bien, il n'est pas nécessaire de tirer beaucoup plus souvent. Le nombre de tirs devrait augmenter s'il y avait des échecs. Nous en sommes au neuvième tir à venir et nous n'avons eu qu'un seul échec. C'était lors du sixième tir en 2013. Nous faisons donc des essais environ tous les trois ans. Le lancement réel de missiles est donc peu fréquent, en revanche la simulation et l'entraînement aux procédures sont pour leur part très pratiqués.

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