Intervention de Nicole Dubré-Chirat

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Dubré-Chirat, rapporteure :

La proposition de loi que nous examinons ce matin a été déposée par notre collègue sénatrice d'Ille-et-Vilaine, Françoise Gatel, et des membres des groupes Union centriste et Les Républicains en mai 2018. Adoptée par le Sénat le 11 décembre 2018, elle a pour objet d'accompagner et d'encourager l'essor des communes nouvelles dans notre organisation territoriale.

Pour répondre à l'émiettement communal dans un pays qui a longtemps compté plus de trente-six mille communes, le législateur a mis en place deux outils : la coopération intercommunale, d'une part, et le regroupement de communes dans les communes nouvelles, d'autre part. Ce regroupement de communes a été initié par la loi du 16 juillet 1971, dite loi « Marcellin », qui a permis la fusion des communes, avec un succès plutôt limité.

C'est la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, complétée ensuite par la loi du 16 mars 2015, dite loi « Pélissard-Pires Beaune », qui ont créé le régime actuel des communes nouvelles, dans le but d'enclencher une dynamique. Depuis 2010, ce sont 2 508 communes qui se sont vus regroupées au sein de 774 communes nouvelles. Le phénomène touche désormais tous les territoires ruraux et urbains, avec toutefois une nette prédominance pour le quart nord-ouest de la France. Ainsi, dans mon département de Maine-et-Loire, les territoires se sont fortement organisés en communes nouvelles et, à titre personnel, je salue cette avancée, qui a permis de développer divers exemples d'innovations démocratiques, tant en ce qui concerne l'élaboration des projets de territoire que l'installation de conseils citoyens. Ces progrès et ces innovations ont puisé leur source dans le travail commun et volontaire des équipes ayant mis en place les communes nouvelles.

La population des communes nouvelles ainsi créées va de quelques centaines à près de cent trente mille habitants à Annecy, par exemple. La grande majorité des communes nouvelles sont issues de la fusion de deux ou trois communes, mais on rencontre aussi des cas de fusion entre dix, quinze ou vingt communes.

Il s'agit d'un phénomène qu'il nous appartient d'encourager car la création d'une commune nouvelle, lorsqu'elle répond à une volonté locale, permet de fédérer des énergies autour de projets structurants et de rendre son dynamisme à la commune, échelon de proximité auquel nous sommes attachés.

La proposition de loi que nous examinons a été conçue pour faciliter le phénomène des communes nouvelles et permettre une progression dans le regroupement des collectivités par la mise en place d'outils offrant de la souplesse aux élus locaux ; il ne s'agit donc pas d'une réforme du régime des communes nouvelles.

L'article 1er a pour objet de permettre une meilleure progressivité dans la diminution du nombre de conseillers municipaux des communes nouvelles. Après une fusion, le conseil municipal est généralement constitué de l'addition de l'ensemble des conseillers municipaux, soit, dans certains cas, cent cinquante à deux cents conseillers. Dès le renouvellement suivant, ce nombre chute, suivant la taille de la commune, de 50 à 70 % pour rejoindre le droit commun. Cela pose des problèmes en termes de représentativité des communes les plus petites, qui voient leurs représentants disparaître.

Les dispositions de l'article 1er augmentent donc sensiblement la taille de l'effectif transitoire issu du premier renouvellement qui suit la création de la commune nouvelle. Je vous proposerai tout à l'heure un amendement qui encadre plus précisément la taille de cet effectif transitoire, tel qu'il a été adopté par le Sénat.

L'article 2 a pour objet de permettre au conseil municipal, durant la période qui suit la création de la commune nouvelle et jusqu'à son premier renouvellement, de déléguer à un collège formé du maire et de ses adjoints un certain nombre de compétences. Le but recherché est de pallier les problèmes de gouvernance engendrés par la constitution d'un conseil à l'effectif pléthorique. Je vous proposerai un amendement de suppression, car nous travaillons à la réécriture de l'article, pour permette à ce dispositif d'inclure un temps d'échange sur les orientations de la commune nouvelle, tout en garantissant leur place au maires délégués, afin que les projets de territoire puissent être coordonnés et débattus.

L'article 4 a pour objet de dispenser une commune nouvelle issue de la fusion de toutes les communes membres d'un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) de l'obligation de se rattacher à un autre EPCI. Une telle commune nouvelle, appelée « commune-communauté », disposerait alors de l'ensemble des prérogatives directement attribuées par la loi à un tel établissement. Il est en effet paradoxal que les communes ayant répondu à l'incitation du législateur de coopérer en créant une intercommunalité aient ensuite l'obligation de rejoindre un nouvel EPCI si elles décident d'aller plus loin dans leur coopération en procédant à la fusion de leur commune. Cette obligation d'adhérer à un nouvel EPCI pourrait avoir un effet dissuasif sur la fusion des communes, alors que l'objectif initial, la diminution du nombre de communes, est rempli.

Cet article semble donc aller dans le bon sens et est soutenu par de nombreuses associations d'élus, dont l'Association des maires de France (AMF). Je vous proposerai toutefois un amendement de clarification, qui prévoit pour la création d'une telle commune le recueil d'une majorité renforcée des deux tiers, représentant les deux tiers de la population : il s'agit de s'assurer que la commune nouvelle se prononce en connaissance de cause sur sa décision de non-rattachement à un EPCI. Je tiens à le rappeler, cette disposition n'est qu'un outil offrant de la souplesse aux élus et n'est en aucun cas une obligation.

L'article 6 prévoit que les communes nouvelles ne seront soumises, pendant une période de trois ans suivant leur création, qu'à certaines obligations prévues par la loi, en raison de leur taille, afin de lisser les effets de seuil résultant de leur création. Là aussi, nous proposerons quelques adaptations à ce dispositif.

Les autres dispositions, enfin, de la proposition de loi visent essentiellement à accorder un peu de souplesse au régime actuel des communes nouvelles et à conserver ainsi le lien de proximité avec les communes historiques : donner la possibilité de conserver, au choix, une, deux ou plusieurs communes déléguées, plutôt que toutes ou aucune ; selon le même schéma, conserver une ou plusieurs annexes, plutôt que toutes ou aucune ; tenir quelques réunions du conseil municipal dans une commune déléguée plutôt qu'au seul siège de la commune nouvelle.

L'ensemble de ces dispositions recueilleront, je l'espère, un large assentiment de votre part.

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