Intervention de Catherine de Salins

Réunion du mardi 14 mai 2019 à 17h00
Commission des affaires sociales

Catherine de Salins, présidente de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) :

S'agissant des délais d'instruction des AMM, l'Agence en 2018 a résorbé à la fois son retard en stock et s'est inscrite dans un parfait respect des délais pour ce qui concerne les procédures les plus rapides c'est-à-dire les modifications d'AMM et les autorisations d'essais cliniques. L'Agence a encore des progrès à faire pour la délivrance d'AMM initiales, qui relèvent d'une procédure non centralisée. Pour cela, elle a « procéduré », c'est-à-dire qu'elle a donné à ses agents une sorte de guide qui leur permet, à l'échéance donnée, de prendre la décision au regard des éléments dont ils disposent. C'est la procédure que l'Agence compte mettre en oeuvre. Il faut encore améliorer ce dispositif car l'objectif des 180 jours n'est pas encore complètement atteint mais l'objectif est de l'atteindre en 2019. C'est grâce à un meilleur « procédurage » et non à une prise de décision plus rapide que l'Agence va y parvenir. Les agents – qui sont confrontés à la crise du Médiator, à la menace de comparaître un jour devant le juge pénal et préoccupés par la sécurité de nos concitoyens – veulent avoir la garantie que la décision qu'ils prennent est sûre. Ils ont besoin de disposer des éléments pour pouvoir prendre cette décision. Grâce à cette meilleure organisation procédurale, l'Agence est parvenue à respecter les délais pour les modifications d'AMM, pour les autorisations d'essais cliniques et pour les autorisations européennes. Il n'y a pas de raison qu'elle n'y arrive pas pour les délivrances initiales d'AMM.

Il n'existe pas de problème de délais pour les ATU. Il arrive même parfois que l'Agence délivre des ATU nominatives en quelques heures. C'est un dispositif sur lequel il y a une veille de l'Agence, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

L'Agence fait feu de tout bois en matière de communication. Elle organise à intervalles réguliers des points de presse avec les journalistes spécialisés en matière de santé publique, et ce une fois par mois au minimum en dehors des périodes de crise. Elle a décidé, du fait de la problématique liée aux vaccins, de surveiller tout ce qui se dit et d'exercer une veille sur les réseaux sociaux pour être, lorsque circulent des informations inexactes, en mesure de réagir et de faire circuler la bonne information. Elle compte aussi recourir à ces vecteurs pour faire passer les informations qui lui semblent importantes.

L'Agence avait une activité européenne importante jusqu'en 2011, mais l'affaire du Médiator a conduit à une réduction importante de cette activité. Avant 2011, c'était les agents compétents, qui en fonction de leur disponibilité, géraient les dossiers. L'Agence a alors estimé qu'il était essentiel de définir une stratégie européenne pour être présente sur des dossiers de sécurité nationale. L'Agence a identifié comme sujets prioritaires la cancérologie, l'hématologie, les vaccins, qui sont des dossiers sur lesquels il y a au plan national une vraie expertise, une vraie compétence, universellement reconnue. Nous avons aussi une politique nationale très forte, qui n'existe pas forcément dans tous les États membres. C'est pour cela que non seulement l'Agence a obtenu le nombre de dossiers qu'elle demandait, mais que la répartition de ces dossiers – en tout cas pour les AMM centralisées – correspond exactement à l'objectif qu'elle s'était fixé pour 2018, c'est-à-dire 70 % de dossiers issus de priorité 1,20 % de priorité 2 et 10 % de priorité 3. Vous l'avez souligné, l'Agence est écoutée et suivie au plan européen non seulement sur ces questions de délivrances d'AMM, mais aussi dans les débats sur le suivi des produits tout au long de leur vie notamment lorsque l'Agence alerte sur la sécurité de certains produits.

Comment garantir que les autres États membres instruisent les dossiers avec le même respect des règles que les autorités françaises et le même souci de prendre en compte les intérêts des usagers ? En l'espèce, tout repose sur une question de confiance. L'attribution de ces dossiers repose malgré tout sur des réelles compétences des agences nationales qui se portent candidates. Pour le moment, il n'y a pas eu de difficultés rencontrées pour les délivrances d'AMM et je ne vois pas ce stade de raisons de s'alerter.

En matière de transparence, d'exemplarité et de respect des intérêts, la mise en place du CASAR, correspond aussi à celle d'outils d'analyse des signaux. Dans la vie de l'Agence, il y a eu un autre élément très important – et qui a coïncidé avec la mise sur le marché de la nouvelle formule du Levothyrox – qui a été la mise en place du portail de déclaration des incidents sur les médicaments. Jusque-là, les déclarations se faisaient par l'intermédiaire des professionnels de santé, médecins, pharmaciens et des laboratoires, bien sûr. Depuis avril 2017, un portail qui permet aussi aux patients de déclarer eux-mêmes les effets indésirables qu'ils constatent a été ouvert. Là, où il y avait une pré-analyse qui était faite par les professionnels de santé, avec peut-être une rétention d'information, on reçoit des déclarations brutes. Le CASAR s'est donc doté d'une grille d'analyse qui lui permet à la fois de détecter ces situations susceptibles de déboucher sur une situation à risque élevé et ensuite de gestion de ces crises. La mise en place du CASAR a donc fait suite aux différentes crises, notamment à celle du Levothyrox.

Sur la question sur le Brexit et la réattribution des dossiers du Royaume-Uni, ce sont neuf dossiers qui ont été réattribués à la France en analyse comme rapporteur unique et douze comme co-rapporteur avec un autre État membre. Il n'y a pas de raison qui justifierait que ces réattributions soient remises en cause.

L'approvisionnement en médicaments relève au premier chef de la responsabilité de ceux qui les fabriquent, de ceux qui les importent, de ceux qui les commercialisent et de ceux qui les distribuent. La chaîne concerne donc aussi le grossiste répartiteur qui, dans ses responsabilités, a la charge d'approvisionner les pharmacies et de veiller à disposer de stocks suffisants au regard des consommations constatées au cours des périodes antérieures. L'Agence est très vigilante quant au respect des plans de gestion et de prévention mis en place par le législateur en 2016. Elle est très vigilante quant aux signaux de début d'alerte de crise, afin d'être en capacité de mettre très vite en place des solutions de remplacement si la pénurie se confirmait, car lorsque vous avez un incident dû à un problème de fabrication d'un médicament, il n'y a pas moyen de faire autrement. On peut avoir une réflexion plus générale et se demander, par exemple, si une partie de ces problèmes ne vient pas de la localisation des lieux de fabrication, mais il s'agit d'une question qui ne relève pas de la responsabilité de l'Agence. C'est une priorité pour l'Agence de prévenir, dans la mesure du possible, les problèmes d'approvisionnement, mais aussi de les résoudre lorsqu'ils surviennent afin que nos concitoyens soient en capacité d'avoir les produits de santé qui leur permettent d'être soignés. Mais comment fait-on pour trouver des solutions de remplacement à des produits confrontés à des problèmes de matières premières ?

L'Agence est très vigilante sur la question des grossistes répartiteur et de l'approvisionnement, notamment outre-mer. En 2018, elle a infligé des sanctions à trois grossistes répartiteurs. Elle fait tout ce qu'elle peut. Il ne lui appartient toutefois pas de se substituer à l'une ou l'autre partie et d'intervenir au-delà de ses prérogatives. Elle n'est pas non plus compétente sur les questions de prix des produits. Ce n'est pas dans son domaine de compétence – qui est déjà très étendu – et je ne revendique pas une extension de compétences dans ces domaines. De même, en matière d'herboristerie, il ne lui appartient pas non plus de se substituer et de mettre en place des chaînes de production. Pour autant cette piste est peut-être à creuser en dehors de l'Agence.

J'ai aussi été questionnée sur le Levothyrox et sa nouvelle version, notamment au regard de l'étude franco-britannique publiée en avril 2019 et qui soutient que les deux anciennes versions n'étaient pas substituables. L'analyse de l'Agence sur cette étude – qui a été réalisée à partir de données qu'elle avait mises en ligne – est qu'il y a eu une erreur méthodologique dans l'analyse qui a été faite de ces données. Comment l'Agence explique-t-elle la différence d'analyse ? L'Agence maintient que les contrôles auxquels elle a procédé dans ses laboratoires sur la qualité de ce médicament confirment la substituabilité des deux formules. Cette analyse est d'ailleurs partagée par la Suisse et par l'Allemagne qui ont également procédé au remplacement de l'ancienne formule par la nouvelle sans que des problèmes n'apparaissent. L'Agence reconnaît qu'il y a eu une erreur dans les modalités de mise en oeuvre de mise sur le marché de ce produit. Peut-être que la période choisie – le printemps – n'était pas la meilleure car elle coïncidait avec la mise en place de ce portail ? N'ayant peut-être pas été assez à l'écoute des problèmes des usagers, l'Agence n'avait pas assez anticipé le fait qu'il existait un monopole de fait du Levothyrox ancienne formule. Il aurait sans doute été préférable d'étendre et de diversifier l'offre avant de procéder à cette à cette substitution de produit. C'est la première conclusion de l'Agence.

La deuxième conclusion, c'est qu'il aurait sans doute fallu alerter directement les patients et les professionnels de santé pour qu'ils se mettent ensemble et qu'ils analysent bien les risques. L'analyse de l'Agence est cependant que les effets indésirables – qu'elle ne nie pas et qu'elle constate – ressententis par certains patients tiennent au fait que les symptômes des problèmes de thyroïde correspondent aux effets indésirables de chacun de ces produits. L'Agence espère que la substitution par d'autres produits pour cette nouvelle formule permettra de régler le problème, mais, pour elle, il n'y a pas de problèmes liés à la composition de la nouvelle formule. Elle maintient et elle considère qu'il n'a pas failli dans cette analyse. Elle a sans doute failli dans les méthodes d'information du public, dans le calendrier de mise en oeuvre de la mesure mais pas dans les éléments techniques et l'analyse de cette nouvelle formule. J'espère avoir répondu à toutes les questions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.