Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du lundi 8 juillet 2019 à 16h00
Accord de partenariat entre l'union européenne euratom et l'arménie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

L'Arménie, ce magnifique pays du Caucase à la croisée des chemins de l'Europe, du Moyen-Orient et de l'Asie centrale, et qui nous est si cher ! L'Arménie a un grand peuple, à l'histoire ancienne et souvent tragique, meurtrie par l'épisode douloureux du génocide au cours duquel deux tiers des Arméniens vivant sur le territoire de l'actuelle Turquie ont péri du fait de déportations, de famines et de massacres.

La république d'Arménie est aujourd'hui un pays enclavé, privé d'accès à la mer. Même si les affrontements armés restent limités depuis le cessez-le-feu de 1994, le pays reste en état de guerre larvée avec l'un de ses voisins, l'Azerbaïdjan. Pour des raisons historiques évidentes, ses relations diplomatiques sont très difficiles et restreintes avec la Turquie, dont la frontière est fermée. Cette situation conduit l'Arménie à s'en remettre à son alliance avec la Russie, au prix d'une forte dépendance géopolitique et économique.

Bien qu'il ne soit pas question d'une adhésion prochaine, notamment en raison des contraintes géopolitiques que je viens d'évoquer, l'Arménie a toujours fait preuve d'une volonté de rapprochement avec l'Union européenne. Qui plus est, les Arméniens adhèrent massivement aux valeurs européennes et démocratiques.

Du reste, sa position géographique particulière peut permettre à ce pays de jouer un rôle déterminant en dialoguant avec tous les acteurs de la région. C'est pourquoi il est important de conserver précieusement et même de renforcer les partenariats que l'Union européenne peut avoir avec lui.

La France et l'Arménie entretiennent une histoire et des liens affectifs très forts. Ainsi, un demi-million de nos concitoyens sont d'origine arménienne. La France s'implique fortement dans le groupe de Minsk, qui tente depuis vingt-cinq ans de contribuer au règlement du conflit du Haut-Karabagh. De multiples programmes de coopération bilatérale sont en place entre nos pays, notamment dans le domaine universitaire, et souvent à l'initiative de collectivités territoriales. C'est d'ailleurs sous l'impulsion de la France que l'Union européenne et l'Arménie ont entrepris de nouvelles négociations en décembre 2015 pour remplacer le précédent accord de partenariat et de coopération signé le 22 avril 1996.

Ce nouvel accord de partenariat global et renforcé veille à rester compatible avec les engagements arméniens pris dans le cadre de l'Union économique eurasiatique, dont l'Arménie est membre depuis le 2 janvier 2015. Il fait suite à l'occasion avortée que furent les accords d'association de 2014, qui n'ont abouti qu'avec la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine – l'Arménie ayant finalement décliné l'offre de l'Union européenne.

L'accord sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui a été taillé sur mesure pour l'Arménie. Il s'inspire largement de l'accord de partenariat renforcé avec le Kazakhstan, conciliant le souhait de l'Arménie de se rapprocher de l'Union européenne et son appartenance à l'Union économique eurasiatique fondée par la Russie. L'objectif de ce nouvel accord, signé en novembre 2017, est d'instaurer une harmonisation réglementaire dans les secteurs de l'énergie, des transports ou encore de l'environnement, ainsi qu'une coopération plus poussée sur les sujets internationaux. Il servira de base pour approfondir le dialogue politique entre l'Union européenne et l'Arménie autour d'un attachement commun à la démocratie, aux droits de l'homme et à l'État de droit. Avec ses 400 articles, ses 12 annexes, ses 2 protocoles et sa déclaration commune, ce nouvel accord très dense institue une véritable coopération renforcée dans les domaines politique, juridique, économique, commercial, social, financier et culturel. Il créera de nouvelles opportunités en matière de commerce et d'investissement, tout en assurant la protection des indications géographiques françaises et européennes ainsi que la mise en oeuvre d'un dialogue politique régulier.

Bien qu'il approfondisse la relation et la coopération entre l'Union européenne et la république d'Arménie, ce texte est moins ambitieux que les accords d'association négociés entre l'Union européenne, la Géorgie, l'Ukraine et la Moldavie. Nous pourrions y regretter l'absence de clauses de libre-échange, mais celles-ci auraient été incompatibles avec l'appartenance de l'Arménie à l'Union économique eurasiatique. Rappelons que l'Arménie a développé des relations étroites avec la Russie. Son alliance stratégique avec cette dernière tient à la préservation de ses intérêts vitaux, compte tenu, notamment, des conséquences du conflit sanglant du Haut-Karabagh qui s'est apaisé avec le cessez-le-feu de 1994 mais qui ne s'est toujours pas conclu par un accord de paix.

La situation étant bloquée avec l'Azerbaïdjan, et les frontières avec la Turquie étant fermées, le pays a besoin d'alliés puissants dans la région afin d'assurer sa sécurité. Seule la Russie est prête à lui apporter ce soutien à ce jour. C'est pourquoi les liens humains et économiques entre les deux pays sont si forts.

C'est dans ce contexte que l'Union européenne et l'Arménie ont cherché à formaliser leurs relations dans un accord de large portée, ambitieux, juridiquement contraignant mais ne prenant pas la forme d'un accord d'association qui aurait déstabilisé les relations du pays dans la région.

Cet accord constitue une étape importante dans l'évolution de la relation entre l'Union européenne et l'Arménie, d'autant que, au-delà de nombreuses dispositions génériques figurant dans la plupart des accords de l'Union européenne, il aborde plusieurs sujets sensibles.

Citons tout d'abord le risque induit par la prolongation de l'exploitation de la centrale nucléaire de Medzamor. Compte tenu de l'état de ce vieux réacteur soviétique, il est essentiel que l'Union européenne poursuive une politique d'aide au maintien des compétences de l'autorité de sûreté nucléaire et de l'opérateur arméniens, pour que nous ne revivions pas une catastrophe comme celle de Tchernobyl.

Citons ensuite l'utilisation indue des appellations cognac et champagne pour des boissons produites en Arménie. L'Arménie accepte de renoncer à ces utilisations litigieuses, en respectant une période de transition précisément organisée dans l'accord.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous devons ratifier cet accord de large portée, ambitieux, juridiquement contraignant et susceptible de renforcer, à l'avenir, nos liens d'amitié et de partenariat avec l'Arménie. Le groupe UDI et indépendants votera donc en faveur du projet de loi de ratification et appelle chaque groupe à en faire autant.

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