Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du lundi 8 juillet 2019 à 16h00
Protocole france-djibouti sur les compétences de la prévôté à djibouti — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

L'Afrique n'attend pas la France pour prendre le train de la mondialisation. En dépit de nos liens étroits et historiques, notamment avec l'Afrique francophone, notre pays n'a pas su nouer de nouvelles relations fructueuses et pérennes avec le continent africain. Des pays émergents, en particulier la Chine, sont venus prendre une place laissée vacante. Or, nous le savons tous, la nature a horreur du vide.

Après une décennie à investir, notamment dans les matières premières, la Chine accélère aujourd'hui sa stratégie d'implantation durable sur le continent africain. Cela passe notamment par son initiative baptisée « les nouvelles routes de la soie ». Dans le cadre de cette stratégie conduite par Pékin afin de relancer l'économie mondiale au travers d'investissements nombreux et variés, la Chine a prévu des investissements directs à l'étranger de l'ordre de 60 milliards de dollars sur la durée de son projet. Plusieurs pays africains ont fait part de leur volonté d'intégrer cette dynamique, mais c'est en Afrique de l'Est que se joue, pour le moment, la stratégie chinoise des « nouvelles routes de la soie ». Trois pays font figure d'avant-postes : l'Éthiopie, le Kenya et Djibouti.

À Djibouti, un accord a été signé pour établir la première base militaire chinoise hors de Chine. Cette base militaire se trouve à proximité non seulement d'une des principales bases américaines, mais également des bases française et japonaise, sur un territoire de seulement 23 000 kilomètres carrés. Au-delà des aspects sécuritaires, cette présence militaire se justifie aussi par des raisons économiques, du fait de la situation géographique stratégique de Djibouti. D'un point de vue commercial, le pays est une porte d'entrée en Afrique de l'Est et dans l'océan Indien.

Djibouti fait également l'objet de toutes les attentions de l'Inde et du Japon qui ont, à leur tour, mis en place une initiative commune, la « route de la liberté », qui vise à concurrencer les « nouvelles routes de la soie » chinoises.

Alors, mes chers collègues, qu'en est-il de la France dans cette concurrence que se livrent les pays émergents ? Elle est malheureusement faible : notre pays se manifeste presque exclusivement par la présence militaire de 1 500 soldats. Pourtant, Djibouti fut un temps la Côte française des Somalis, avant de devenir la République de Djibouti après l'indépendance. Mais il est vrai que la population de ce territoire français d'outre-mer a longtemps connu les injustices et les atteintes civilisationnelles de la colonisation. À titre d'exemple, je vais vous raconter une petite histoire personnelle. Ma belle-mère, une Somali de Djibouti, m'a rapporté qu'en cours d'histoire, on lui apprenait que ses ancêtres étaient les Gaulois – ses origines africaines étaient totalement niées. Malgré cela, elle est profondément reconnaissante envers la France, qui lui a donné la possibilité d'être la citoyenne française qu'elle est aujourd'hui. Si je partage avec vous ce petit bout de mon histoire familiale, c'est pour vous dire combien je crois nécessaire, pour notre pays, d'établir une nouvelle et véritable relation de partenariat avec Djibouti. Certes, les liens entre nos deux pays se sont quelque peu perdus dans des non-dits, dans des mensonges parfois, mais aussi dans notre croyance que les racines de cette histoire commune étaient fortes et durables, et c'est certainement ce qui a contribué à l'affaiblissement des relations entre nos deux pays.

Aujourd'hui, nous devons tisser des liens renouvelés, à la hauteur des enjeux que cette partie du continent africain doit relever – je pense en particulier aux questions sécuritaires et migratoires. La situation géographique de Djibouti est en effet un enjeu en matière de migrations. Ce petit territoire connecte entre elles l'Europe, l'Asie et l'Afrique ; il est également un point de transit vers le golfe d'Aden et au-delà. Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, il me paraît donc pertinent de se demander comment l'Europe et la France peuvent être aux côtés de Djibouti, qui est devenu depuis 2009 une étape majeure de la route des migrants irréguliers, lesquels s'y installent ou y transitent pour chercher l'eldorado, en Europe notamment.

Madame la secrétaire d'État, le groupe Libertés et territoires attend des éclaircissements de votre part sur cette situation que l'Europe, et notre pays avec elle, doit appréhender avec responsabilité et humanité.

La situation que vivent les migrants n'est plus supportable. Les images que nous voyons diffuser à la télévision ou circuler sur les réseaux sociaux sont insoutenables, que ce soient celle d'un père mort noyé avec sa fille dans le Rio Grande ou celles de ces femmes, ces enfants et ces hommes, parmi lesquels de nombreux Somalis, dont la route se termine dans les profondeurs de la Méditerranée.

Mes chers collègues, sur le plan sécuritaire, la présence de la France est indispensable pour appuyer Djibouti dans sa lutte contre la piraterie. Ce territoire est en effet un point de passage obligé pour de nombreux navires de commerce qui transitent dans la zone. C'est est un acteur naturel de la sécurité de la région. Aussi la présence des forces françaises y est-elle essentielle, notamment en termes de soutien logistique.

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