Intervention de Jean-Luc Lagleize

Séance en hémicycle du lundi 8 juillet 2019 à 16h00
Protocole france-djibouti sur les compétences de la prévôté à djibouti — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Lagleize :

La République française et la République de Djibouti sont des pays amis depuis de nombreuses décennies et je suis ravi de pouvoir prendre la parole sur ce projet de loi au nom du groupe du Mouvement démocrate et en tant que secrétaire du groupe d'amitié France-Djibouti. Les relations bilatérales que nous entretenons avec ce pays francophone de la Corne de l'Afrique sont denses, comme en témoignent les nombreuses et fréquentes visites diplomatiques qui ont eu lieu ces dernières années, et notamment celle de notre Président de la République en mars dernier.

Si les relations bilatérales sont si denses, c'est aussi parce qu'elles sont variées et multisectorielles. Plusieurs entreprises françaises sont implantées dans le pays et des opportunités de marchés intéressantes existent dans les domaines des services, des travaux d'infrastructures, des équipements, des télécommunications et des énergies renouvelables.

Djibouti est aussi inscrit sur la liste des pays prioritaires de l'aide française au développement et la relation bilatérale demeure extrêmement dynamique, tant dans le domaine de la coopération culturelle que dans celui de la coopération scientifique et universitaire ou en matière de gouvernance.

La coopération stratégique et militaire est aussi majeure et cruciale pour nos deux pays. Le traité de coopération en matière de défense entre la France et Djibouti, signé le 21 décembre 2011, est entré en vigueur le 1er mai 2014. La France a réaffirmé, par ce traité et la clause de sécurité qu'il comprend, son attachement à l'indépendance et à l'intégrité territoriale de la République de Djibouti. Ce traité détermine les facilités opérationnelles accordées aux forces françaises stationnées, qui constituent notre plus importante base militaire à l'étranger avec plus de 1 400 hommes. En outre, Djibouti déploie près de 1 800 soldats formés et partiellement équipés par la France au sein de la mission de l'Union africaine en Somalie.

Vous l'aurez donc compris, l'implantation des forces françaises à Djibouti est déterminante dans la relation que nous entretenons avec cette République. Correspondant à des objectifs parfaitement identifiés et à des intérêts reconnus, elle contribue fortement à la bonne compréhension de nos intérêts dans cette région hautement stratégique où transitent 40 % de l'approvisionnement énergétique mondial.

Si nous notons une diminution de l'effectif des forces françaises au fil du temps, notamment en raison de la montée en puissance des forces françaises aux Émirats arabes unis, nos 1 450 soldats aujourd'hui en place demeurent le symbole de notre relation si particulière avec ce pays, attestée dès 1862 avec la signature du traité d'amitié entre le Second Empire et le sultan de l'époque.

Si cette diminution est regrettable dans un contexte où l'influence française est clairement concurrencée dans cet îlot francophone au sein d'une région très anglophone, le contingent français demeure la seule force étrangère avec une présence familiale dans le pays – la moitié des soldats y sont placés avec leur famille pour une durée de trois ans. Cette méthode dynamise fortement la communauté locale française, forte de 4 000 ressortissants environ, et par là même l'économie de Djibouti-Ville.

Il faut insister sur l'exemplarité de la présence française qui ne se contente pas d'être une simple force étrangère : notre armée est estimée en raison de la relation qu'elle entretient avec la population, des coopérations qu'elle développe et qui font qu'elle participe à l'économie locale.

À la différence des présences chinoises et américaines, nous devons continuer à cultiver cette différence dans un partenariat d'un nouveau genre tel que voulu par le Président de la République. C'est un impératif d'autant plus important que le président djiboutien cherche aujourd'hui une issue à l'alliance avec la Chine dont il voit bien combien elle est déséquilibrée pour son pays.

Cependant, tout déploiement de forces militaires doit nécessairement entraîner des missions de police des « gens de guerre ». Si de la présence militaire peuvent résulter certains bénéfices, il demeure essentiel de pouvoir encadrer cette dernière sur le plan civil et pénal : c'est précisément le rôle de la prévôté, tradition française et marque ancienne de l'exemplarité de nos forces armées. La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique.

Le rôle de la prévôté est attenant à l'administration d'une bonne justice, personne ne l'ignore. Je le rappelle, la prévôté exerce aussi bien des missions de police judiciaire auprès de nos forces militaires basées à l'étranger que des missions de police générale visant notamment à réprimer les troubles à l'ordre public susceptibles d'impliquer des militaires français ou d'engager la responsabilité de l'État. Cette tradition prévôtale est essentielle à un stationnement ordonné de nos forces armées. La prévôté française a aussi pour rôle de coopérer étroitement avec les forces de l'ordre djiboutiennes, notamment en cas de trouble à l'ordre public. Cette dimension coopérative est importante d'un point de vue fonctionnel et souligne également le lien de proximité entre nos deux pays.

Le protocole relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de la République de Djibouti répond à une nécessité : celle de préciser la répartition des compétences entre la prévôté et la police ou la gendarmerie djiboutienne, notamment pour la poursuite des infractions commises par les membres du personnel français et les personnes à leur charge. Il est avant tout question d'actualiser marginalement un cadre juridique datant de 1980, celui résultant la signature du protocole sur les compétences de la prévôté en matière de délits ou de fautes commis par les membres des forces armées françaises et leurs familles sur le territoire de la République de Djibouti.

Le protocole dont nous sommes aujourd'hui appelés à approuver la ratification ne fait que confirmer le caractère unique du lien, de la confiance et de l'amitié solidement établis entre nos deux pays. Il tire les conséquences du nouveau partage de compétence juridictionnelle établi par l'article 16 du traité de coopération en matière de défense signé le 21 décembre 2011. À ce titre, il vient approfondir un type d'accord de défense qui nous permet, aujourd'hui, de figurer parmi les quelques pays qui comptent encore dans cette région.

Les pratiques évoluent et nous amènent à préciser des régimes juridiques datant de plusieurs décennies, a fortiori lorsqu'il ne s'agit que de sacraliser ce qui a déjà été établi auparavant au travers du traité de 2011. Le bon sens nous incite donc à approuver ce protocole, d'autant qu'il n'implique aucune modification de notre droit interne, ses dispositions s'inscrivant pleinement dans le cadre du code de justice militaire ainsi que du code de procédure pénale français.

C'est donc en pleine conscience de nos intérêts stratégiques et de l'importance de renforcer notre coopération avec la République de Djibouti que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés soutiendra ce projet de loi.

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