Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du mercredi 10 juillet 2019 à 15h00
Organisation des communes nouvelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

À l'heure où nous entamons l'examen de la proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel, dont je salue la présence dans les tribunes, la France compte 34 970 communes. Malgré des lois successives au cours des dernières décennies, la décrue de ce nombre est relativement lente et, finalement, assez faible, ce qui signe l'attachement indéfectible des Français à cet échelon de proximité, à leur maire, à leurs élus municipaux, à toutes les réponses et au niveau de services dont ils bénéficient de la part de celles et de ceux qui se consacrent à leur quotidien. À l'approche des élections municipales de 2020, un tout récent sondage, que les grands médias commentent ces jours-ci, fait apparaître que 75 % des Français se déclarent satisfaits de l'action de leur maire. De quoi faire rêver tous les parlementaires sur tous les bancs de cette assemblée !

Le groupe Les Républicains, et, plus largement, la droite parlementaire et la droite française sont très attachés aux communes. Pour nous, ce niveau essentiel du maillage administratif de notre pays est emblématique d'une longue histoire, reflète la réalité d'une France des territoires, dont la population est beaucoup plus uniformément répartie que chez nombre de nos voisins occidentaux – européens ou non – , et représente le lieu phare de l'expression démocratique. Nous voulons donc tout faire pour consacrer, préserver et renforcer le rôle des communes, et tout mettre en oeuvre pour empêcher leur démantèlement.

La proposition de loi déposée au Sénat aborde l'épineuse question des communes nouvelles d'une manière plutôt novatrice, que je tiens à saluer ici.

D'abord, elle exclut toute dimension coercitive à la création de communes nouvelles. Ces dernières ne peuvent résulter que d'une volonté locale partagée : les préfets ne disposeront, aux termes de ce texte, d'aucun pouvoir exceptionnel visant à forcer les regroupements. Cet aspect est un prérequis absolu de notre soutien à la proposition de loi. Celle-ci ne porte pas directement sur cette disposition particulière, mais j'en profite pour souligner ici notre opposition totale, que nous avons souvent exprimée, à la clause de revoyure, prévue par la loi NOTRe à l'horizon 2021, de tous les schémas intercommunaux, via les commissions départementales de coopération intercommunale – CDCI – et les pouvoirs élargis des préfets. Monsieur le ministre, vous avez pris l'engagement d'inscrire l'abrogation de cette disposition dans les discussions des textes à venir, et nous serons particulièrement vigilants sur ce point.

Ensuite, cette proposition apporte des correctifs sur la gouvernance, notamment pendant la période transitoire, mais aussi au moment de la constitution de la commune nouvelle, les moyens financiers de la nouvelle collectivité, les effets de seuil souvent dénoncés par les premiers territoires ayant expérimenté le dispositif, et les modalités pratiques de continuité de l'existence territoriale de la commune, postérieurement à la création de la commune nouvelle, à la fois par la possibilité de tenir des réunions du conseil municipal dans les mairies déléguées, mais aussi, et surtout, par le statut amendé des maires ou encore par la capacité donnée aux communes nouvelles de créer et de supprimer des communes déléguées dans leur périmètre.

Toutes ces dispositions vont, à nos yeux, dans le bon sens, puisqu'elles sanctifient le pouvoir des élus d'un territoire de créer et de façonner, en fonction du projet qu'ils portent, l'outil de la commune nouvelle, afin de lui faire épouser au mieux les contours de son histoire, mais aussi les axes de leur ambition en matière d'équipements, de services et, tout simplement, d'attractivité. Ce faisant, c'est bien à l'échelon communal et aux citoyens que nous rendons le pouvoir de décision et d'organisation : nous souscrivons à cette approche et voterons donc ces articles.

Nous souhaiterions cependant que, dans le courant de la discussion, certaines améliorations soient apportées au texte : des amendements seront défendus par plusieurs de mes collègues, notamment Jérôme Nury, député de l'Orne, territoire pionnier en matière de création de communes nouvelles, qui a une solide expérience et souhaite la mettre au service d'une volonté d'améliorer le dispositif que nous devrions tous partager. Madame la rapporteure, j'ai beaucoup apprécié le travail préparatoire mené au cours des auditions, et j'espère que vous soutiendrez ces amendements.

Nous souhaiterions que la réflexion sur l'évolution des communes qui le souhaitent soit accompagnée d'un véritable engagement de l'État, dans toutes ses extensions et pour une durée la plus longue possible. Je m'explique : il n'y a rien de pire pour un maire, pour des élus et pour une population tout entière que de fonder des espoirs sur le regroupement des forces locales avec le ou les territoires voisins, souvent amis de longue date, pour se rendre compte, au bout de quelques mois ou de quelques années, que les financements de l'État ne sont plus au rendez-vous. Les raisons avancées sont multiples : les préfets considèrent qu'il y a une dotation d'équipement des territoires ruraux – DETR – par an et par commune et que la commune nouvelle est à, leurs yeux, une seule collectivité ; les directeurs académiques des services de l'éducation nationale – DASEN – estiment que les communes fusionnées peuvent n'avoir qu'une seule école ; la règle stipule que les services publics ne sont présents qu'en un seul point du territoire communal, etc. Il nous semble au contraire que l'effort d'aménagement vertueux et moderne d'un territoire que porteraient des élus désireux d'aller de l'avant doit faire l'objet d'une contractualisation avec l'État, afin de garantir un parallélisme des formes. La proposition de loi ne règle pas cette question, mais Rémy Rebeyrotte et moi-même sommes en train de formaliser des propositions dans le rapport de la mission d'information sur la commune dans la nouvelle organisation territoriale, que nous sommes en train de rédiger.

Reste, enfin, la question de l'article 4 et de la fameuse commune-communauté que prévoit de créer cette proposition de loi. L'idée de départ est évidemment bonne, puisque la création d'une commune nouvelle dans le périmètre d'une communauté de communes existante engendre immédiatement, à droit constant, l'adhésion de la nouvelle commune ainsi constituée à un EPCI plus vaste, ce qui a causé d'immenses difficultés et des contrecoups dans de nombreux territoires. Me viennent à l'esprit des exemples puisés dans mon département de l'Aveyron, que je ne citerai pas, où la situation aurait été bien différente sans cette contrainte.

À cet égard, neutraliser cette obligation afin de préserver l'expression d'une volonté territoriale forte et la mise en oeuvre d'un projet concerté est une bonne chose. Il faut donner aux élus le pouvoir et les moyens d'aller au bout de leurs ambitions pour leurs territoires, qu'ils sont le mieux à même de jauger, d'appréhender et de canaliser. Je saisis d'ailleurs l'occasion de cette remarque pour dire qu'à titre personnel, je suis favorable à ce qu'on laisse ces prérogatives aux élus, qui sont évidemment fondés à faire état de leurs intentions en la matière dans leurs engagements de campagne, éventuellement à organiser les formes de concertation qui leur paraissent les plus adéquates, plutôt que de compliquer les schémas en leur imposant par la loi des étapes obligatoires de consultation citoyenne.

Il nous semble cependant que le texte, dans son état actuel, est très insuffisant sur ce point à bien des égards. D'abord, et les débats en commission des lois la semaine dernière l'ont encore montré, le statut juridique de la nouvelle catégorie de collectivité territoriale ainsi constituée n'est pas suffisamment clair, ni dans ses attributions, ni dans sa coexistence avec les communes, d'une part, et les communautés de communes, d'autre part. Ensuite, la question des moyens dont disposera ce nouvel être juridique n'a pas trouvé de réponse satisfaisante au cours des débats jusqu'à ce jour. Donner aux élus locaux cette perspective sans leur dire clairement comment seront établies les dotations, quel coefficient d'intégration fiscale sera retenu, quel sera le levier fiscal pourrait presque être qualifié de tromperie sur la marchandise !

Enfin, et dans le droit fil de ces remarques, la proposition de loi n'est assortie d'aucune étude d'impact réelle ; elle n'a fait l'objet d'aucun avis formel de la direction générale des collectivités locales, la DGCL, ni du Conseil d'État . Elle est, si je puis me permettre, légère sur ce point. Nous avons déposé un amendement demandant au Gouvernement un rapport détaillé, et, pour le dire clairement, nous exigerons qu'il soit accepté pour voter le texte en l'état : c'est le sérieux de nos travaux qui serait en cause si nous ne le faisions pas.

J'ai aussi entendu et retenu votre proposition, monsieur le ministre, que si le texte devait être adopté dans sa forme actuelle, il puisse être précisé sur ce point, après examen attentif par le Gouvernement, par les autres textes en préparation sur les collectivités locales que vous devez nous soumettre dans les prochains mois. Il nous semble que cette proposition est de nature à apaiser nos débats de ce jour et à permettre, pour ce qui concerne les membres du groupe Les Républicains, un vote favorable.

Tels sont, monsieur le ministre, madame la rapporteure, les éléments sur lesquels je souhaitais insister dans le cadre de cette discussion générale. Mes collègues et moi-même aurons l'occasion de revenir en détail sur les articles au moment de leur examen.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.