Intervention de Stéphane Baudu

Séance en hémicycle du mercredi 10 juillet 2019 à 15h00
Organisation des communes nouvelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Baudu :

Cette proposition de loi, portée par la sénatrice Françoise Gatel et dont nous débutons aujourd'hui l'examen, vise à assouplir les conditions de création et de fonctionnement des communes nouvelles. Je veux saluer en préambule le travail effectué sur ce texte par le Sénat, puis par la commission des lois. Collectivement et dans un esprit constructif partagé par le Gouvernement, les parlementaires sont parvenus à maintenir le texte dans le cadre de son ambition initiale : corriger les imperfections d'un dispositif déjà éprouvé, comme en atteste la création de plus de 750 communes nouvelles depuis la loi portée par Jacques Pélissard en 2015.

Nous ne pouvons que partager l'intention de ce texte qui s'appuie sur l'expérience des élus locaux. En effet, nous partageons largement, je crois, sur ces bancs, la conviction que la production de la loi doit davantage s'appuyer sur le vécu des territoires et comporter, dans le respect des principes constitutionnels d'égalité, la faculté à s'adapter à la diversité des besoins et des réalités locales. C'était en grande partie l'objet de la réforme constitutionnelle qui s'était engagée et que nous aurons, je l'espère, l'occasion de mener à son terme prochainement.

Ce sera aussi l'objet de l'un des volets du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique que vous nous présenterez bientôt, monsieur le ministre, avec plusieurs dispositions allant dans le sens de la confiance aux élus locaux, leur permettant de déterminer les organisations les plus adaptées aux contraintes, atouts et ambitions de leurs territoires.

Les assouplissements portés par ce texte visent trois objectifs majeurs. Le premier est une mesure de progressivité de la loi. En atténuant la brutalité de la baisse du nombre de conseillers municipaux au sein de la nouvelle assemblée communale, l'article 1er facilite la composition des équipes municipales à l'approche de l'échéance électorale de 2020 et leur représentativité à l'échelle de la nouvelle commune. Soulignons ici le meilleur encadrement de ce dispositif transitoire, décidé en commission des lois grâce à l'adoption d'amendements déposés par notre groupe et en accord avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, amendements qui précisent et plafonnent cet assouplissement. Soulignons aussi l'importance qui s'attache à l'adoption rapide de cette disposition pour que les prochaines élections municipales puissent se préparer dans la sérénité.

La seconde disposition majeure du texte s'inscrit dans une démarche de différenciation. Ainsi, l'article 4 permet aux communes créées à compter du 1er avril 2020 par fusion des communes membres d'un ou plusieurs EPCI de choisir de ne pas être rattachées à un nouvel EPCI. Il est question ici de l'avènement possible de «communes-communautés », même si ce terme me parait impropre, car il ne s'agit pas de créer juridiquement une nouvelle strate de collectivité. Il s'agit de prendre en compte ces cas très particuliers où la création de communes nouvelles entraînerait de fait un élargissement inutile ou déraisonnable de périmètres intercommunaux, avec des conséquences néfastes sur l'organisation des compétences sur ce territoire et sur la gouvernance des entités communales et intercommunales qui l'animent.

Au fond, ce dispositif est en parfaite cohérence avec les orientations du futur projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Nous avons besoin de « redonner du mou » aux territoires pour qu'ils dessinent, en responsabilité, les organisations aptes à porter les politiques publiques locales et à répondre aux besoins de nos concitoyens. Plus globalement, il nous faut corriger ce que l'application systématique de nos lois de décentralisation successives a pu fragiliser en termes de vitalité démocratique et d'efficience de nos actions.

En ce sens, ce dispositif dérogatoire introduit à l'article 4 est une évolution positive du droit appliqué aux collectivités, pas une révolution de celui-ci. Sans remettre en cause le principe général de rattachement des communes à un EPCI, il offre un outil supplémentaire aux élus qui considéreront cette alternative comme la plus adaptée à la situation particulière de leur territoire, notamment dans le cas d'EPCI très intégrés et constitués sur des bassins de vie pertinents.

Je souhaiterais néanmoins, si vous me le permettez, exprimer deux points de vigilance.

Tout d'abord, nous ne pouvons pas risquer, par ce dispositif, de fragiliser la construction intercommunale qui a tant apporté à notre pays. Le couple commune-intercommunalité doit rester la norme de notre organisation locale. La recomposition du paysage communal, avec l'avènement de nouvelles communes plus grandes, mieux armées pour mettre en oeuvre les politiques publiques au plus près de nos concitoyens, ne doit pas faire oublier l'importance et l'enjeu que recouvrent les coopérations intercommunales pour la vitalité et la solidarité territoriales. Ainsi devrons-nous collectivement veiller à ce que ces communes nouvelles, entrant dans le champ de l'article 4, soient, dans leur configuration, dans la maturité de leur projet politique, en parfaite capacité d'assumer les responsabilités pleines et entières qui seront les leurs.

À cet égard, je me réjouis des apports du Sénat, puis de la commission des lois, sur proposition de la rapporteure, en phase avec la vision exprimée par la délégation aux collectivités territoriales. La nouvelle rédaction consolide le processus de création de ces communes nouvelles spécifiques, affirmant son caractère dérogatoire au droit commun et insistant sur la nécessité d'une expression très claire de la volonté des communes d'entrer dans ce dispositif selon la règle de majorité des deux tiers.

Second point de vigilance sur ce sujet, les conséquences financières de cette disposition, notamment en ce qui concerne le calcul et l'attribution de la dotation globale de fonctionnement, restent à préciser. Même si le texte prévoit que les incidences soient actées lors de la prochaine loi de finances, des inquiétudes subsistent quant au manque d'évaluation a priori des impacts de ce que nous acterons par ce texte.

Sur ce sujet, notre groupe soutient dans son intention l'amendement qui sera défendu par la rapporteure de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation en faveur de l'élaboration, par le Gouvernement, d'un rapport sur les conséquences financières de l'article 4.

La troisième disposition forte de ce texte, qui figure à l'article 6, est aussi une mesure de progressivité dans l'application du droit de ces nouvelles communes. Sur ce point, il faut saluer à nouveau le travail de la commission des lois pour faire en sorte que les dispositions qu'elle institue pour une durée de trois ans ne créent pas d'exception injustifiée à l'universalité des obligations qui incombent aux collectivités et à leurs groupements. Il laisse une souplesse raisonnable dans la mise en oeuvre d'obligations légales dont l'application brutale serait de nature à compliquer inutilement les premières années des communes nouvelles.

Vous le comprenez, le groupe MODEM et apparentés soutiendra l'adoption de ce texte. Nous estimons que le travail constructif réalisé jusqu'ici n'appelle pas de notre part le dépôt d'amendements en séance, même si certains d'entre nous, à titre personnel, proposeront quelques adaptations à la marge. Nous le soutenons, parce qu'il vise à donner toutes ces chances de réussite au processus de constitution des communes nouvelles. Il nous faut lever les derniers obstacles susceptibles d'obérer leur bon fonctionnement, en gardant l'esprit et l'ambition du dispositif voulu à l'origine par Jacques Pélissard : permettre l'émergence de nouvelles communes, formées par la convergence d'histoires partagées et de projets pour l'avenir.

Gageons que notre examen en séance viendra parfaire la rédaction du texte, avec en perspective une double exigence : d'une part assouplir sans déstabiliser ni le tissu communal indispensable à la vitalité démocratique, ni les dynamiques de coopérations intercommunales porteuses d'attractivité et d'efficacité, d'autre part adapter sans nuire à la lisibilité de l'organisation décentralisée de notre pays.

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