Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du mercredi 10 juillet 2019 à 15h00
Organisation des communes nouvelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Attention, donc, à ce que nous faisons : nous devons respecter nos territoires.

Dans le contexte de la montée en puissance des intercommunalités, la possibilité doit être donnée aux communes de suivre cette pente ascendante, et même d'obtenir ce statut de commune-communauté. En effet, de nombreuses communes rurales, craignant d'être dépossédées de tout moyen d'action, pourraient se regrouper pour créer des communes nouvelles.

Dans ce contexte, qu'en sera-t-il des incitations financières ? Monsieur le ministre, nous avons été plusieurs orateurs à vous demander des éclaircissements sur ce point.

Ce texte prévoit aussi la création des communes-communautés, issues de la fusion de l'ensemble des communes d'un EPCI, qui disposeraient des compétences à la fois de la commune et de l'EPCI. On peut penser que ce type d'organisation intéresserait certaines communes rurales en leur permettant de mutualiser les services et d'être plus efficaces. Mais avec les grands EPCI dont le pays dispose majoritairement désormais, une telle disposition n'aura de débouchés concrets qu'à la marge.

En effet, la loi NOTRe, appliquée parfois avec beaucoup de zèle par certains préfets, a conduit à la constitution à marche forcée d'EPCI à fiscalité propre dont la population dépasse de loin le seuil légal de 15 000 habitants, y compris en milieu rural. C'est ainsi que dans les Côtes-d'Armor, qui comptent 600 000 habitants, il ne reste plus que huit intercommunalités, avec une moyenne de 75 000 habitants. On est loin du seuil de 15 000 habitants ! Comment imaginer fusionner toutes ces communes en une seule ? Cela parait totalement impossible.

Notons par ailleurs qu'avec les nouvelles communes-communautés, une élection au suffrage universel direct se tiendra à l'intérieur du périmètre de certaines intercommunalités, quand pour d'autres il s'agira toujours d'un suffrage indirect par fléchage. Cela laisse présager de beaux débats autour de l'avancée démocratique que constituerait l'extension du suffrage universel direct à l'ensemble des intercommunalités, alors que celles-ci montent de plus en plus en puissance, avec des budgets parfois très importants, de vrais services rendus à la population et des choix véritablement démocratiques.

À propos d'un autre sujet qui me tient à coeur, je ferai remarquer une nouvelle fois que la législation en vigueur ne permet pas de régler tous les cas problématiques, par exemple celui des intercommunalités à cheval sur plusieurs départements ou régions. Cette question se pose très concrètement pour la communauté de communes du Pays de Redon, à cheval sur l'Ille-et-Vilaine, le Morbihan et la Loire-Atlantique, soit trois départements et deux régions, la Bretagne et les Pays de la Loire.

Nous avions déposé un amendement afin de faciliter la constitution de communes nouvelles interdépartementales ou interrégionales sans que les anciennes communes ne doivent changer de département ou de région, disposition trop contraignante pour les élus et la population. Ainsi les communes déléguées devraient-elles pouvoir être reconnues comme des sections électorales appartenant chacune à leur département initial afin d'exprimer et de récolter les votes de chaque section électorale pour les élections départementales, régionales, législatives et européennes et de désigner également des délégués pour les élections sénatoriales.

Je défends cette proposition dès maintenant parce que mon amendement a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution pour création de charge, alors que j'avais pu le défendre à deux reprises sous la dernière législature. Je regrette qu'on ne puisse, dans l'intérêt des populations concernées, débattre de ce sujet.

Toutefois, une autre solution permettrait de résoudre ce cas très particulier. Elle consiste à rattacher la Loire-Atlantique, département breton, à la région Bretagne, et donc à satisfaire cette région historique qui ne demande qu'à être réunifiée. Ainsi tous les habitants des communes nouvelles seraient-ils au moins les habitants de la même région.

Enfin, nous regrettons qu'un pouvoir important reste accordé aux préfets dans le processus de création des communes nouvelles. Nous considérons en effet que pour un tel projet, issu d'une volonté commune des acteurs du territoire, la priorité doit être donnée à la volonté des élus et des populations des communes concernées et non au représentant de l'État. C'est le sens d'une partie des amendements que nous avons déposés à l'occasion de l'étude de ce texte en séance.

Je ne peux par ailleurs me satisfaire des conséquences qu'ont générées ces fusions de communes en matière de toponymie. Nous avons pu constater notamment en Bretagne que de nouveaux noms inventés par la commune nouvelle faisaient perdre toute référence à l'identité singulière qu'avaient pourtant les communes d'origine, ce qui constitue une perte patrimoniale. La protection du patrimoine, notamment culturel et immatériel, et la préservation de son identité faisant partie des compétences obligatoires du conseil régional, nous proposons que celui-ci puisse venir en soutien aux communes lors de la recherche d'un nom qui ne fasse pas fi de l'histoire.

Au final, mes chers collègues, cette proposition de loi n'aura, à notre avis, qu'une portée limitée. Nous espérons cependant être contredits, notamment à l'occasion de la révision de certains périmètres intercommunaux trop larges. Toutefois, elle assouplit de manière bienvenue la procédure de fusion entre communes et contient des mesures incitatives.

Le groupe Libertés et territoires votera donc pour cette proposition de loi qui, espérons-le, sera pleinement appréhendée par les élus locaux pour leur permettre à l'avenir d'agir avec plus de moyens et de liberté dans la logique de différenciation qui nous est chère.

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