Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mercredi 10 juillet 2019 à 15h00
Organisation des communes nouvelles — Discussion générale

Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales :

a imaginé dans sa proposition de loi – et je le dis sous l'oeil bienveillant de la sénatrice Agnès Canayer, elle aussi normande.

La commune-communauté, disais-je, n'est pas une communauté – la sénatrice Gatel, je pense, ne m'en voudra pas de le dire ainsi. Si nous raisonnons en droit, et cela répond aussi à l'interrogation du député Viala, la commune-communauté est surtout une commune ! Vous pointez du doigt un certain flou juridique, mais le droit qui s'appliquera, en l'espèce, est avant tout celui des communes.

J'en veux pour preuve le cas des communes îliennes, telles que l'île de Sein, pour lesquelles le législateur a déjà rendu facultatif le rattachement à un EPCI – de fait, une obligation en la matière n'aurait eu aucune logique. Que s'est-il passé, pour ces territoires ? Ils restent des communes, qui, à ce titre, exercent l'intégralité des compétences dévolues au bloc communal – dont font partie, on ne le répétera jamais assez, les intercommunalités. Sur le FPIC, madame Pires-Beaune, la commune-communauté n'aura donc aucun impact particulier : le calcul sera exactement le même que pour n'importe quelle commune.

La vraie question, dont je parlais dans la présentation du texte, concerne la dotation d'intercommunalité et la dotation de compensation, dès lors que la commune-communauté n'est précisément pas un EPCI. De cela, nous débattrons à nouveau dans le cadre du projet de loi de finances, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

L'innovation dont nous parlons, je crois utile de le rappeler, fait certes couler beaucoup d'encre, car la France aime les innovations juridiques et territoriales, mais elle est peut-être plus timide qu'elle n'en a l'air, puisque des cadres de référence existent déjà. Depuis tout à l'heure, on parle ainsi de l'article 4 de la proposition de loi, mais aucun d'entre vous, soit dit en passant, n'a mentionné le moindre exemple concret en gestation dans son territoire.

Comme le suggère la sénatrice Gatel, l'innovation consiste à donner aux élus la possibilité de créer une commune nouvelle sans les obliger, pour ce faire, à rejoindre un EPCI plus gros : tel est, me semble-t-il, l'esprit dans lequel les sénateurs ont imaginé cette disposition à laquelle il ne faut pas donner une visibilité qu'elle ne mérite pas, dès lors qu'elle relève du bon sens. Elle permet en effet d'éviter l'effet exponentiel du « XXL », lequel condamne certaines communes, pour des raisons de découpage territorial, à rejoindre un EPCI plus gros. Le dispositif envisagé est de bon sens et, nous le verrons, on y recourra sans doute moins souvent que certains l'imaginent.

Merci, monsieur Viala, pour vos propos sur le rôle du préfet relativement aux communes nouvelles. Rien ne sera décidé qui puisse remettre en cause le libre consentement des élus locaux : ce sera, là encore, l'un des fils conducteurs de nos débats de ce soir. Il y aura commune nouvelle là où il y a une volonté locale. À y regarder de près, d'ailleurs, aucune commune nouvelle, dans notre pays, ne résulte d'une quelconque instruction préfectorale. Je vous renvoie aussi, sur ce point, au code général des collectivités territoriales : même s'il venait à l'idée du préfet de rendre le processus obligatoire, monsieur Morel-À-L'Huissier, il serait légalement tenu, en ce cas, de consulter la population.

Bref, n'ayons aucune crainte quant au rôle du préfet : nous y reviendrions tout à l'heure, le préfet est là pour représenter l'État, mais aussi pour défendre l'intérêt général et, pardon de le rappeler, pour faire appliquer la loi que vous votez. Certes, nous avons pu être échaudés par l'application dans les territoires de la loi NOTRe – M. Molac évoquait à ce sujet certains préfets qui ont imposé la création, à marche forcée, d'EPCI « XXL ». Mais, pour parler d'un département que je connais, l'Eure, j'ai aussi connu des élus locaux qui voulaient faire grossir toujours davantage leur intercommunalité – Mme Claire O'Petit, ici présente, pourrait aussi en témoigner.

La volonté d'expansion ne tenait donc pas toujours au préfet. Certains de mes collègues de l'Eure ont pu avoir un certain appétit, et s'être dit qu'ils feraient mieux que leur voisin s'ils étaient plus gros ou aussi gros que lui. Parfois, les choses se sont aussi faites précipitamment en commission départementale de la coopération intercommunale, sans que l'on anticipe l'impact réel du choix sur le coefficient d'intégration fiscale ou sur l'évolution de la DGF.

Il faut bien voir que lorsque l'on quitte une communauté de commune potentiellement « plus pauvre » pour rejoindre une communauté d'agglomération potentiellement « plus riche », on voit sa DGF évoluer. Ce n'est la faute ni des députés, ni des sénateurs, ni du Gouvernement : c'est l'application de la loi telle qu'elle existe depuis trente ans, avec les critères d'attribution de la DGF définis par le comité des finances locales et par le Parlement. Il est vrai que si les élus avaient été prévenus, il en aurait été autrement.

Monsieur Viala, vous avez aussi évoqué les schémas départementaux de coopération intercommunale prévus par la loi NOTRe, qui doivent être révisés d'ici à 2022. Je vous confirme que le projet de loi Engagement et proximité que je présenterai au Conseil des ministres dans quelques jours proposera aux parlementaires de supprimer cette disposition afin d'éviter un autre grand soir du schéma intercommunal global. Je crois que les élus réclament cette stabilité.

S'agissant des communes-communautés, vous êtes allé loin, à propos de la DGF, en parlant de « tromperie sur la marchandise ». Je viens de vous répondre. Regardez le cas de l'île de Sein ! Dans le cadre du projet de loi de finances, je vous proposerai de coller à ce qui existe déjà. Je le répète, certaines communes nouvelles ne seront affiliées à aucun EPCI. Je reconnais que cela nous fait drôle car, depuis des années, on oblige toutes les communes à s'affilier à un EPCI. Mais, sur ce sujet, Mme Pires Beaune, qui est partie mais je l'espère nous reviendra, a eu raison de rappeler que la carte intercommunale a changé et que nous ne sommes plus en 2015. L'obligation de s'affilier à un EPCI a aujourd'hui un caractère moins aigu que par le passé. Nous pouvons donc tolérer la nouveauté que constitue la commune-communauté.

Vous constatez, monsieur le député Viala, qu'il n'y a pas d'étude d'impact du Conseil d'État ou de la direction générale des collectivités locales – DGCL. Et pour cause : nous avons affaire à une proposition de loi ! Si vous aviez eu à examiner un projet de loi rédigé par le Gouvernement, une étude d'impact vous aurait évidemment été communiquée.

Vous disposerez en tout cas d'une étude d'impact pour le projet de loi Engagement et proximité, cela va sans dire. Je crois que votre groupe, Les Républicains, comme d'autres, a déposé un amendement visant à ce que le Gouvernement présente un rapport. Je ne suis pas favorable par principe à tous les rapports, car la DGCL risque de passer plus de temps à commettre des rapports, que le Parlement pourrait d'ailleurs rédiger en se saisissant lui-même, qu'à être opérationnelle. Cela dit, en l'espèce, je serai favorable à une évaluation dès lors que cela se fera dans un délai raisonnable.

Monsieur Stéphane Baudu, vous avez décrit avec rigueur l'esprit du texte et le cheminement effectué par les parlementaires, notamment en commission des lois. Je vous remercie pour vos propos d'une très grande clarté.

Ses collègues voudront bien transmettre mes remerciements à Mme Pires Beaune pour le travail initial effectué avec M. Jacques Pélissard, également évoqué par M. Baudu. Je lui ai déjà répondu sur les communes-communautés et sur le FPIC.

Elle souligne la difficulté que peut poser le seuil de 1 000 habitants prévu pour toutes les dispositions du projet de loi Engagement et proximité, dispositions qui sont attendues par les élus locaux. Ce seuil peut-il devenir dissuasif pour toutes les communes nouvelles ? Je comprends cette interpellation, d'autant que les deux rapporteures ont déjà évoqué le sujet avec moi. D'ores et déjà, je vous informe que lorsque le projet de loi viendra en commission ou en séance, je serai ouvert à la réflexion sur un autre seuil. Ce projet de loi n'a pas encore été présenté au conseil des ministres, mais je donne déjà un chiffre : peut-être le seuil de 3 500 habitants permettrait-il globalement de se situer au niveau de ce que l'on trouve par ailleurs dans le code général des collectivités territoriales.

Monsieur Pierre Morel-À-L'Huissier, je vous ai répondu s'agissant de la pérennisation des aides financières, en évoquant leur philosophie. Tant que je serai chargé du sujet, je continuerai de le traiter dans le cadre du projet de loi de finances. Il s'agit d'un accompagnement de l'État qui permet d'absorber un certain nombre de dépenses.

Vous avez évoqué la consultation des populations. Comme le disait Mme Untermaier, je crois qu'il faut s'attacher à éviter deux cas de figure extrêmes. Ça doit être mon côté normand : j'essaie de trouver une voie médiane !

Un extrême consiste pour deux communes à fusionner dans la plus grande discrétion : deux conseils municipaux se mettent d'accord, laissant la population, le député et le préfet découvrir l'information dans le journal une semaine après. Moi qui ai organisé le grand débat national, je ne peux pas dire que cela aille vraiment dans le sens de ce qu'il convient de faire.

L'autre extrême consisterait à expliquer que les conseils municipaux ne pourraient pas prendre une telle décision sans passer obligatoirement par une consultation de la population. Je le dis comme je le pense : faisons attention à un début de remise en cause de ce qu'est la démocratie représentative à l'échelle locale !

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