Intervention de Danièle Obono

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h25
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono, rapporteure :

La diversité de vos remarques laisse entrevoir la richesse des discussions à venir au cours des prochaines semaines. Notre rapport se fonde sur un certain nombre de constats partagés, à tout le moins sur le fait que si la préoccupation du développement durable a progressivement été intégrée dans les textes et ce, notamment sous la pression du mouvement social et associatif, la pratique n'est pas encore suffisante.

Nos divergences portent en particulier sur le degré de prise en compte du développement durable. J'estime, pour ma part, que le cadre actuel du libre-échange ne permet pas d'aller au-delà d'une inscription formelle dans les textes des accords commerciaux, hormis quelques mesures susceptibles de constituer des leviers d'action en faveur de l'intervention des ONG. Cela ne saurait suffire pour permettre une prise en compte effective du développement durable. Nous nous trouvons donc face à une divergence politique fondamentale, qui reflète deux visions du monde opposées, ainsi que le montrent les interventions de nos collègues Jean-Louis Bourlanges et Caroline Janvier : le libre-échange, horizon indépassable de l'humanité, pourvoyeur d'emplois et bienfaiteur, y compris de la classe ouvrière est fondé sur une théorie économique du XIXe siècle, qui a inspiré les politiques mises en oeuvre par les États européens. Dès l'origine, ces politiques ont cependant fait l'objet de contestations. S'agissant de leurs prétendus bienfaits, je tiens à rappeler que le libre-échange s'est appuyé sur l'exploitation de territoires et de populations, dépossédées de leurs ressources, qui ont subi l'expropriation, y compris par la violence. À l'heure actuelle, la division internationale du travail et l'approvisionnement de l'Union européenne en ressources rares dont elle est dépourvue, extraites dans des pays du Sud et notamment en Afrique, sont le résultat d'une telle conception du commerce international. Nous pourrions poursuivre le débat, passionnant sur les bienfaits du libre-échange, y compris pour la classe ouvrière en Europe mais cela nous éloignerait du cadre du rapport. La classe ouvrière européenne en a néanmoins payé le prix, parfois de manière extrêmement violente.

Pour le courant que je représente, il est nécessaire désormais de mettre en place un protectionnisme solidaire qui prendrait véritablement en compte le développement durable, de manière globale et systémique, en le faisant primer sur l'impératif commercial. Cette approche ne se résume pas à une position de telle ou telle formation politique ; elle s'inscrit à l'inverse dans une longue tradition qui a contribué à inscrire la question du développement durable au centre de débats politiques initialement portés par les premiers courants écologistes. Ces questions sont désormais au coeur de débats qui traversent largement la société, et notamment s'agissant du développement d'un modèle économique alternatif, de la relocalisation. Il n'est donc pas juste de les réduire à une référence au Rassemblement national, dont l'intérêt en la matière me semble être de pur opportunisme.

Je terminerai mon propos en répondant plus précisément à la question sur l'accord économique et commercial global avec le Canada, le CETA. Le rapport rappelle que cet accord comprend des mécanismes visant à améliorer la prise en compte du développement durable, et notamment la réalisation d'une étude d'impact, laquelle a été effectivement effectuée à la demande du Gouvernement français, au demeurant après les négociations. Ces dispositifs ne sont pas exempts de critiques, y compris sur l'évaluation qui constitue l'un des enjeux de nos débats. Ainsi que l'ont souligné des associations, cette étude d'impact réalisée par la commission Schubert a mis en relief une série de conséquences négatives en matière d'environnement. Cela figure en annexe du rapport. Je vous renvoie également sur ce point à l'analyse de l'Institut Veblen et de la fondation Nicolas Hulot. Or, il n'en a pas été tenu compte. Il existe donc un décalage entre l'affirmation de la prise en compte du développement durable et la réalité. Notre rapport essaie de rendre compte d'une telle contradiction. Cela est encore plus criant s'agissant de l'Accord avec le MERCOSUR.

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