Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 11 juillet 2019 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2020

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Il s'agit de la réforme de la fiscalité locale consécutive à la suppression de la taxe d'habitation.

Disons-le clairement : il s'agit d'une décision historique dans l'histoire des collectivités territoriales et dans l'histoire fiscale de notre pays, où il faut bien reconnaître que les gouvernements se sont plus souvent attachés à créer des impôts qu'à en supprimer. Faire disparaître un impôt de quasiment 20 milliards d'euros est une décision sans précédent : s'il est arrivé que l'on substitue un impôt à un autre, comme ce fut le cas pour la taxe professionnelle, nous n'avons jamais supprimé un impôt de 20 milliards sans le remplacer.

Il s'agit d'un geste capital qui refonde la relation des citoyens à l'impôt et représente, par ailleurs, une mesure favorable au pouvoir d'achat des classes moyennes. Ce geste répond également à un impératif majeur de justice sociale : l'impôt local était devenu injuste et obsolète, la dernière révision des valeurs locatives datant de l'époque où M. Chaban-Delmas était Premier ministre.

Nous effectuerons cette réforme en respectant deux impératifs sur lesquels le Gouvernement ne cédera pas : ne pas remplacer la taxe d'habitation par un autre impôt et en compenser le coût pour les collectivités territoriales à l'euro près. L'État assumera sa décision, et la compensera intégralement grâce à ses propres ressources, supportant seul le coût de cette suppression.

La réforme sera proposée au Parlement dans le prochain projet de loi de finances. Elle sera effective au 1er janvier 2021, ce qui permettra d'intégrer dans le projet de loi de finances pour l'année 2021 et dans le projet de loi de finances rectificative les éventuelles corrections décidées à l'issue notamment des négociations avec les associations d'élus.

Mesdames et messieurs les députés, pour la troisième année consécutive, ce budget reflète nos choix et nos priorités politiques.

Il poursuit les investissements dans le capital humain, grâce à la montée en charge du plan d'investissement dans les compétences et à des hausses de crédits très substantielles en faveur de l'éducation nationale et de la recherche.

Il investit également dans le capital social et écologique, comme l'indique l'augmentation très importante des plafonds du ministère de la transition écologique et solidaire et de celui des transports. La poursuite d'une trajectoire ambitieuse en matière de transition énergétique est donc non seulement confirmée, mais accélérée.

Enfin, ce budget tire les enseignements comptables des transformations passées : celle des aides au logement, avec la contemporanéisation des aides personnalisées au logement, et la réduction du loyer de solidarité ; celle de la formation professionnelle ; celle qui a lieu au sein de mon propre ministère, qui a instauré le prélèvement à la source et commencé une réforme du recouvrement – la contemporanéisation des prestations sociales a d'ailleurs été possible grâce au prélèvement à la source.

Nous assumons les conséquences budgétaires de nos décisions. Oui, nous faisons le choix de baisser massivement les impôts pour répondre à l'urgence économique et sociale. Oui, nous faisons le choix de financer nos priorités, notamment écologiques. Cela nous conduit à réviser le calendrier pour certains objectifs : la diminution de l'endettement, qu'a déjà évoquée M. le ministre de l'économie et des finances, ou la réduction du nombre d'agents publics.

L'essentiel est néanmoins préservé : ni l'objectif de baisse des prélèvements obligatoires, ni celui de baisse de la dépense publique ne sont remis en cause. Pour cela, il nous faudra faire preuve de pragmatisme et de détermination.

À l'initiative d'Émilie Cariou, cette assemblée a déjà infléchi notre copie budgétaire au cours de l'année 2019 en ce qui concerne les plus-values sur titres de participation. Elle a également adopté le projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés, présenté par M. le ministre de l'économie et des finances, dont les recettes permettront de crédibiliser notre trajectoire budgétaire.

Comme le Gouvernement l'avait indiqué au mois de décembre dernier à la suite des annonces du Président de la République, nous procéderons à l'annulation de 1,5 milliard d'euros de crédits figurant dans le budget de l'État, qui correspondent aux 3 % de crédits gelés. Ce montant doit être mis en regard de la sous-consommation de 1,4 milliard pour l'année 2018, ce qui le rend tout à fait acceptable pour les ministères.

Vous constaterez que le Gouvernement – et moi-même – avons tenu nos promesses : c'est bien le Parlement qui procédera à ces annulations, sur proposition du Gouvernement. Aucun décret d'avance n'a été pris au cours des deux derniers exercices budgétaires, car nous sommes respectueux des décisions parlementaires.

De même, le Président de la République a invité le Gouvernement et le Parlement à faire preuve de pragmatisme pour financer les mesures décidées à l'issue du grand débat. Je ne doute pas qu'elles seront votées par une partie des groupes d'opposition parlementaires, qui les ont soutenues. C'est en particulier le cas de la baisse de 5 milliards de l'impôt sur le revenu. J'invite donc ceux qui s'apprêteraient à voter en faveur de cette mesure à soutenir en même temps, avec courage, celles qui sont destinées à la financer – à moins qu'ils ne considèrent que l'endettement constitue une réponse appropriée à la crise que nous avons connue ; mais M. le ministre de l'économie et des finances a rappelé que ce n'était pas la politique que nous souhaitons mener.

L'une des pistes retenues, Bruno Le Maire vient de le rappeler, est la réduction des dépenses fiscales et sociales. Il est bien normal, à l'heure où nous baissons massivement les impôts, notamment l'impôt sur les sociétés, de revoir les dispositifs dérogatoires. Ce cadre a été dessiné par le Président de la République.

Permettez-moi de n'évoquer ici que la déduction forfaitaire spécifique, qu'Olivier Dussopt et moi-même avons limitée dans le cadre de la réduction des niches sociales. Cet abattement de cotisations bénéficiait aux entreprises de certains secteurs sans lien avec les frais professionnels véritablement engagés. Cette niche sociale, datant de 1930, était devenue une niche anti-sociale : en effet, une femme enceinte travaillant dans une entreprise du bâtiment ou des transports n'avait pas droit au même salaire de remplacement qu'une autre travaillant dans un secteur non concerné par la DFS, puisqu'elle cotisait sur une assiette moindre. Il s'agit donc aussi, monsieur le rapporteur général, d'une mesure de justice sociale pour les ouvriers et employés de notre pays.

L'encadrement de cette majoration des allégements généraux par la DFS devrait représenter quelque 400 millions d'euros d'économies l'année prochaine : c'est la plus grosse niche que nous diminuons.

Un effort sera aussi nécessaire en matière de réduction de la dépense publique. De nombreuses réformes seront prochainement annoncées : celle de l'audiovisuel public, celle de l'assurance chômage, ainsi que la suite de celles du logement et de l'action et des comptes publics. Nous aurons l'occasion d'en reparler. Nous devons également maîtriser nos dépenses sociales, ce qui passe par le respect de l'ONDAM – objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Je tiens également à souligner que nous continuons à sincériser le budget par l'exactitude des inscriptions budgétaires, la rationalisation des ressources affectées à des tiers – taxes affectées, fonds sans personnalité juridique, comptes d'affectation spéciale – et l'amélioration du pilotage des dépenses sociales et fiscales.

Le Gouvernement reconduira sa proposition de geler seulement 3 % des crédits des ministères, ce qui responsabilise nos directeurs de programmes : je rappelle les usages du Gouvernement précédent, où ce taux était d'environ 8 %. À l'heure où je vous parle, ces crédits n'ont toujours pas été dégelés, ce qui montre notre sincérité budgétaire.

Celle-ci va de pair avec le renforcement de la portée de l'autorisation parlementaire et du contrôle de l'action du Gouvernement. En d'autres termes, rien ne se fera sans vous.

S'agissant de la gouvernance des dépenses fiscales, nous nous appuierons sur les travaux du Parlement et plus particulièrement sur la proposition de résolution de François Jolivet, adoptée à l'unanimité le mois dernier. Nous devons en effet renforcer l'évaluation de ces dépenses et instaurer des règles de pilotage plus contraignantes, l'un n'allant pas sans l'autre : c'est parce que nous limitons les niches que nous nous devons nous contraindre à mieux les évaluer. Qui en bénéficie ? Combien coûtent-elles ? Atteignent-elles des objectifs à la hauteur des efforts consentis par le contribuable ? La limitation de ces niches dans le temps marquera leur caractère dérogatoire. Le Parlement a eu raison d'adopter une telle résolution : les niches fiscales ne sont pas faites pour durer et leur efficacité doit être interrogée à tout moment. C'est ce que nous demandent les contribuables.

Enfin, le débat fiscal sera pour le Gouvernement et le Parlement l'occasion de travailler à l'amélioration de la présentation de nos choix budgétaires, aussi bien pour ce qui est de la transition écologique que concernant l'égalité entre les femmes et les hommes.

C'est ce que nous appelons, en bon français tourquennois, le green budgeting – je crois qu'on dit la même chose à Évreux.

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