Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du jeudi 11 juillet 2019 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Le débat d'orientation des finances publiques est toujours un moment clef de la vie parlementaire. En effet, il permet à la fois de tirer les enseignements de la situation économique et budgétaire actuelle du pays tout en appréhendant les perspectives d'évolution futures. C'est une étape importante dans la préparation du prochain projet de loi de finances. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques est un élément structurant de ce débat et s'apparente à un exercice critique de l'action gouvernementale en matière budgétaire.

Je souhaiterais tout d'abord évoquer un sujet qui a fait l'objet de longs débats à l'automne 2017 et qui a déjà été abordé ce matin, à savoir le dispositif de contractualisation financière entre l'État et les collectivités territoriales. À ce sujet, la Cour des comptes affirme que, si les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont connu, en 2018, leur plus bas rythme d'évolution depuis au moins vingt-cinq ans, le mécanisme de contractualisation financière n'en constitue pas l'unique raison mais qu'au contraire, il existe plusieurs facteurs explicatifs, comme les efforts demandés sous le précédent quinquennat. Paradoxalement, ce sont les établissements publics de coopération intercommunale ayant refusé de contractualiser avec l'État qui ont le mieux maîtrisé leurs dépenses réelles de fonctionnement, plutôt que les EPCI signataires. Je cite le rapport de la Cour sur les finances publiques locales : « Parmi les collectivités relevant du dispositif de contractualisation, la diminution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités et EPCI non signataires – - 0,4 % – est plus marquée que celle des collectivités et EPCI signataires – - 0,3 %. »

Ces différences démontrent tout simplement que la coercition n'est pas la bonne méthode. Les élus ont le sens des responsabilités et ont fait preuve de capacités d'adaptation au cours des derniers mois. Pourtant, ils ont dû subir des campagnes de stigmatisation et de dénigrement de la part de soutiens de la majorité. Il est d'ailleurs intéressant de noter, à cet égard, que l'État est la seule administration publique à vivre au-dessus de ses moyens.

En effet, en 2018, les dépenses des administrations publiques centrales s'élevaient à 500 milliards d'euros quand leurs recettes n'étaient que de 431 milliards d'euros. À titre de comparaison, les administrations publiques locales, elles, ont dépensé 260 milliards d'euros en 2018, mais leurs recettes étaient supérieures puisqu'elles atteignaient 262 milliards d'euros. Ainsi, si le Gouvernement encadre les dépenses des collectivités territoriales, il ne le fait pas parce que ces dernières seraient de mauvaises gestionnaires ou qu'elles seraient trop dépensières, mais pour compenser les dépenses des administrations centrales, notamment de l'État.

On peut aussi s'interroger sur la pertinence de la trajectoire dessinée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Là encore, la Cour des comptes n'a pas manqué d'être critique. Elle prévoit en effet une dégradation du solde public à partir de 2020, en raison d'un scénario de croissance moins élevée que prévue ainsi que d'un effort moindre sur les dépenses hors charges d'intérêts. Cela fait dire à la Cour que le programme de stabilité n'est « plus cohérent avec la loi de programmation des finances publiques ». La Cour interpelle ainsi l'exécutif : « si la trajectoire prévue par le programme de stabilité se réalisait, l'écart entre le déficit structurel constaté et celui de la loi de programmation dépasserait 0,25 point par an en moyenne en 2020 et 2021 et devrait être considéré comme "important" au sens de la loi organique du 17 décembre 2012. Il impliquerait le déclenchement par le Haut Conseil des finances publiques du mécanisme de correction ». Monsieur le ministre, présenterez-vous un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques à l'automne prochain ?

Par ailleurs, vous vous faisiez le grand pourfendeur de l'insincérité budgétaire. Mais que lit-on dans le rapport de la Cour de comptes ? « Près de six mois après avoir été annoncées, ces mesures [d'économies] ne sont toujours pas précisées et les missions sur lesquelles elles porteraient ne sont pas identifiées. Aucune loi de finances rectificative ni décret d'annulation n'est venu concrétiser cet engagement. Cette annonce de principe sans traduction rapide dans un texte soumis à l'approbation ou à la ratification du Parlement conduit à remettre en cause les efforts entrepris à compter de 2017 pour procéder à une budgétisation plus sincère et affaiblit la portée de l'adoption de la LFI par le Parlement. »

Enfin, je ne partage pas votre objectif de suppression d'un certain nombre de fonctionnaires. La Cour relève plusieurs risques sur les dépenses à partir de 2020 : s'agissant de la masse salariale, elle affirme que « l'objectif de réduction nette de 50 000 emplois dans la fonction publique d'État [… ] supposerait [… ] des baisses d'emploi dans les ministères portant des missions prioritaires ». Alors que les enseignants sont en grève, que les personnels des hôpitaux et des EHPAD sont au bord de la crise de nerfs et que les moyens dont les forces de sécurité disposent pour travailler sont très insuffisants, pouvez-vous nous dire quelles seront les missions prioritaires sacrifiées ?

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