Intervention de Michèle Victory

Séance en hémicycle du mardi 16 juillet 2019 à 15h00
Restauration de notre-dame de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Nous nous exprimons aujourd'hui une dernière fois sur le projet de loi que vous nous avez présenté. Au cours des débats, un consensus assez général s'est affirmé sur la nécessité de mener une politique ambitieuse, à la hauteur du magnifique enjeu que représentent la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame, en faveur de laquelle, je crois, aucune voix n'a manqué dans cet hémicycle.

Si nous avons tous partagé la volonté commune et forte de donner à l'État, aux fondations, aux bâtisseurs, aux chercheurs et aux spécialistes du patrimoine les moyens de faire renaître de ce terrible épisode l'âme et le corps de cet édifice, nous avons divergé, comme souvent, sur la manière d'y parvenir, sur les moyens à mettre en oeuvre, sur le rôle des différentes partenaires, sur l'architecture de ce projet, au sens propre comme au sens figuré.

Au sens propre, d'abord : contrairement à certains de nos collègues, nous ne pensons qu'il soit de notre responsabilité ni de notre compétence, ici à l'Assemblée nationale, de définir ce que devrait être la silhouette de Notre-Dame, qu'il nous revienne d'imposer nos visions. Ce qui est advenu le 15 avril 2019 marquera cet édifice pour quelques centaines d'années encore ; comme par le passé, on enrichira la matrice de la cathédrale, en se nourrissant du temps présent et des recherches, rendues nécessaires pour mieux comprendre la genèse du bâtiment.

Mais, pour ce faire, il nous faut accepter que le temps de la reconstruction ne peut pas être celui du politique et de l'événementiel ; il doit être, tout au contraire, celui d'une réflexion et d'une concertation qui ne se laissent pas piéger par l'impatience et le désir de marquer l'histoire. Pas plus que dans les autres cas où elle a tenté de le faire, la parole présidentielle ne peut enfermer les bonnes volontés et les expertises.

Ensuite, il y a l'architecture de cet établissement public que vous avez décidé de créer afin de gérer les fonds de la souscription nationale, l'engagement de nos compatriotes témoignant, cela a été rappelé à maintes reprises, d'un attachement presque viscéral à cet édifice.

Malgré des allers-retours entre les deux chambres, nous n'avons pas pu trouver de réponse satisfaisante à nos yeux sur nombre de questions : la gouvernance ; la prise en compte de ces gestes de solidarité afin de permettre à chacune et chacun de participer à la hauteur de ses moyens ; la hâte avec laquelle vous avez décidé d'opérer ; les dérogations que vous vous êtes accordées, contre l'avis général de tous les groupes représentés ici, à l'exception du vôtre, bien sûr.

Vous n'avez pas voulu entendre nos inquiétudes, qui ne faisaient pourtant que relayer celles de la communauté des experts du patrimoine. Vous n'avez pas voulu prendre en considération les mesures fiscales que nous avons proposées, alors qu'elles auraient bénéficié à l'ensemble des Français, et pas seulement aux plus fortunés. Vous n'avez pas accepté de faire entrer les fondations, maillon pourtant reconnu et essentiel, dans la gouvernance de l'établissement public.

En deuxième lecture, vous êtes revenus à très petits pas sur le champ des dérogations, en excluant du périmètre le code de la commande publique et celui de la construction et de l'habitation, mais vous nous demandez encore de voter une habilitation à déroger à un certain nombre de codes et de règles. Les récentes informations quant à la forte présence de plomb aux abords de la cathédrale ne peuvent qu'inquiéter davantage les élus et les riverains. Dans ce contexte, il nous semble que la plus grande prudence est de mise.

La version finale du texte mentionne toujours des adaptations possibles ou des dérogations aux règles d'urbanisme, de protection de l'environnement et de préservation du patrimoine afin de faciliter la réalisation des travaux dans les meilleurs délais ; nous exprimons une nouvelle fois nos regrets à ce sujet.

Plusieurs d'entre nous l'ont rappelé, même si nous reconnaissons à ce chantier la force d'un contexte particulier, rien ne justifie à nos yeux que l'État s'autorise ce qu'il interdit dans le droit commun aux élus du territoire dans la réalisation de travaux de conservation et de restauration. Il y va une nouvelle fois de la notion même d'exemplarité que votre gouvernement ne cesse de vouloir imposer à l'ensemble de la nation mais dont il préfère, à l'évidence, s'exempter.

Les lois successives sur les bâtiments historiques racontent, à leur manière, des siècles de construction, d'hésitations et d'audaces, qui n'ont pas toujours été, nous le savons, du goût des contemporains. Cet édifice porte en lui les étapes d'une transition architecturale en mouvement, mais nous voulons croire que ceux qui sont à son chevet auront à coeur de la poursuivre dans le plus grand respect de l'authenticité et du caractère sacré de Notre-Dame.

Nous tenons aujourd'hui à dire toute notre confiance aux équipes qui se sont relayées depuis l'incendie, sans compter leur temps, et qui poursuivent avec passion et minutie, de manière pleinement responsable, la reconstruction de ce merveilleux puzzle.

Notre-Dame, dont chacune et chacun d'entre nous tient dans son coeur une poussière ou un fragment, nous appelle à résoudre une équation complexe, celle qui consiste à faire cheminer ensemble une grande ambition collective et l'humilité que nous enseigne l'histoire à chaque instant.

Pour ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés ne pourra pas voter ce texte.

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