Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mardi 16 juillet 2019 à 15h00
Restauration de notre-dame de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Le 15 avril 2019, la flèche de Viollet-le-Duc et la quasi-totalité de la toiture de la nef, du choeur et du transept de Notre-Dame de Paris ont été détruites. À ce moment précis, le temps s'est suspendu. Une affreuse évidence se révélait : un terrible incendie emportait avec lui une partie du patrimoine et de la beauté du monde.

Les Français ont exprimé leur volonté de solidarité, d'union et de communion. « La souffrance en commun unit plus que la joie », disait Ernest Renan. Car Notre-Dame de Paris est notre cathédrale commune, le patrimoine de tous les Français, et notamment le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.

Mais la tristesse face à la constatation des dégâts a rapidement laissé place à la question de l'avenir de ce bâtiment. C'est d'ailleurs la raison même de notre présence à toutes et tous dans cette assemblée. Comme tous les Françaises et les Français, qu'ils soient athées, croyants, donateurs, nous souhaitons que Notre-Dame soit réhabilitée ; qu'elle puisse tenir debout encore huit siècles !

Cela étant posé, nous voici revenus à l'actualité immédiate ; au terme du parcours législatif du projet de loi visant à la restauration de la cathédrale. Je vais tout de suite préciser la position du groupe La France Insoumise – qu'à force vous connaissez. Nous sommes en désaccord avec ce texte ; avec sa philosophie comme avec ses dispositions.

Oui, il faut reconstruire Notre-Dame. Mais la restauration ne saurait être menée au moyen d'une loi rédigée dans la précipitation.

Comme cela a été dénoncé à plusieurs reprises, ce projet traduit législativement un régime d'exception, qui nous inquiète particulièrement en ce qui concerne les dérogations aux règles de l'urbanisme, de protection de l'environnement, de l'archéologie préventive mais aussi en matière de commandes publiques, de domanialité publique, de voirie et de transports.

Cet état de fait est confirmé par la nomination à la direction de l'établissement public chargé de la reconstruction. Alors que les Français rejettent le népotisme et voudraient un État plus exemplaire, une dérogation assure au général Jean-Louis Georgelin la tête de cet établissement. Sans préjuger de la qualité de la personnalité dudit général, la multiplication des exceptions à la loi et à l'éthique renforce notre idée que ce texte est contraire à l'intérêt général.

Concernant la souscription, la représentation nationale se doit d'exiger la transparence des fonds. Le groupe La France insoumise souhaitait que cette souscription nationale ne soit pas placée sous le haut patronage du Président de la République, mais qu'un comité de contrôle des fonds soit mis en place, composé de deux parlementaires issus de l'opposition de chaque assemblée.

Or on apprend aujourd'hui que seuls 9 % du total des promesses de dons initiales ont été récoltés. Pendant que l'on célébrait la valse des chéquiers de quelques milliardaires, on ne précisait pas que cet argent serait envoyé « petit à petit, en fonction du devis de la construction ».

De plus, les 82 millions d'euros effectivement récoltés proviennent en majeure partie des particuliers et de ce magnifique élan de générosité suscité par la catastrophe. Pourtant, les donateurs les plus modestes ont à charge 100 % de leur don s'ils sont non imposables. Nous exprimons aussi une opposition de principe à cette logique. Les dons ne peuvent pas être restitués sous forme de crédit d'impôt à 75 %, dans une logique de privatisation de l'impôt. C'est une forme de don forcé. De plus, la dépense commune sera grevée de ce don, payé par l'impôt des autres.

Face au caractère injuste du système de don, la meilleure solution aurait été le financement, par l'impôt et par la solidarité nationale, des frais de conservation et de restauration. Il aurait par exemple été possible d'envisager un impôt exceptionnel sur les grandes fortunes et sur les grandes entreprises.

Avec ce projet de loi, nous aurions pu tirer les leçons d'une situation problématique pour le patrimoine architectural. L'incendie de Notre-Dame de Paris n'était pas prévisible, mais il était possible. Nous constatons qu'en l'état actuel des finances du ministère de la culture, l'État n'avait aucune capacité de réaction. Il se désengage toujours davantage des affaires culturelles, au profit du mécénat privé, qu'il encourage à grand renfort d'exonérations fiscales dont le contribuable supporte le coût.

Il faut se donner les moyens d'assurer la sécurité des bâtiments. Ce n'est pas le cas. Depuis 2009, le budget consacré au patrimoine architectural et aux monuments a été amputé de 25 %. La considération allouée au patrimoine par le Gouvernement ne nous rassure pas.

Nous le répéterons autant de fois que nécessaire, la culture ne peut être la variable d'ajustement des budgets de l'État.

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