Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mardi 16 juillet 2019 à 21h30
Agence nationale du sport et organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Le projet de loi que nous propose le Gouvernement ressort des mêmes logiques de gestion de l'État que celles qui se déploient depuis vingt ans : que vous vous appeliez Sarkozy, Hollande ou Macron, vous ne cessez d'externaliser les services de l'État en les confiant à des agences éclatées et mettez ainsi en péril tant la cohérence que l'efficacité des politiques publiques.

La création de l'Agence nationale du sport est du même ordre. Trois inspecteurs généraux du ministère ont d'ailleurs saisi le Conseil d'État puisqu'aucun vote n'a précédé la création de cette agence, ce qui, pour une décision de cette ampleur, est très discutable.

C'est, encore une fois, votre méthode de gouvernement qui est en cause. En effet, non seulement vous méprisez les Français qui s'opposent à vos projets et le Parlement, mais vous négligez complètement l'avis de vos administrations.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets. J'ai d'ailleurs pu constater de tels problèmes au sein du ministère de la transition écologique et solidaire. Si les fonctionnaires sont loyaux vis-à-vis de la politique menée, pouvez-vous exiger de leur part qu'ils servent pour détruire des services où ils ont travaillé toute leur vie ?

La souffrance de ceux qui doivent constater, impassibles, le démantèlement de l'État, qu'ils ont passé leur existence à servir, est grande.

Avant d'en venir au contenu spécifique du projet de loi, je veux insister sur ce problème commun au ministère des sports et à celui de la transition écologique : vous donnez naissance au sein des services à un sentiment de désaffection légitime et bien fondé. Je souhaite vous en expliquer les raisons profondes.

Tout dans votre action politique depuis le début du quinquennat tend à dévaloriser les fonctionnaires qui ont pourtant décidé de mettre leur vie au service du bien public et dont le point d'indice est gelé depuis plus d'une dizaine d'années : aucun d'entre eux ne trouve grâce à vos yeux.

Vos tentatives répétées de faire passer le démantèlement effectif de l'État pour une réorganisation limpide, fluide et efficace ont échoué. Les premiers concernés sont conscients de ce qui est en train de se produire.

Il est important de placer ce projet de loi dans le contexte général d'affaiblissement des ministères, Bercy excepté, bien entendu : vous privez l'État de ses moyens d'action et vous vous privez vous-même de la possibilité d'accomplir une politique sportive solidaire, c'est-à-dire une politique sportive qui permette à tous nos concitoyens d'accéder au sport émancipateur.

Je rejoins tout à fait le constat lucide dressé par l'ancienne ministre des sports, mon amie Marie-George Buffet : « Petit à petit, l'État se retire et Bercy se frotte les mains : un ministère de moins, c'est toujours ça de pris. »

Pourquoi, cependant, une telle politique ? Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures : vous appliquez toujours la même loi, celle qui réduit toute chose à sa dimension monétaire.

Les piscines des Jeux olympiques ne sont pas, pour les gens qui réduisent tout à l'argent, destinées à devenir le théâtre de belles compétitions sportives. Non, elles ressemblent plus à la piscine de l'oncle Picsou, pleine de billets qui se reflètent dans ses yeux émerveillés. Nous sommes et serons toujours les défenseurs inlassables du sport amateur, loin de ceux qui voient uniquement dans le sport un prodigieux secteur d'accumulation.

Vous vous souvenez tous du jour où mon ami François Ruffin a revêtu à la tribune le maillot d'un club de sport. Il a, à ce moment-là, fait la fierté de tous ceux qui passent leurs semaines à animer les clubs et leurs week-ends à organiser des tournois, maintenant ainsi l'un des coeurs de la solidarité et du vivre ensemble dans notre pays.

Pour ceux-là, ce projet de loi ne prévoit rien. Au contraire, il prépare le pire. Son article 3 montre une direction dont nous savons qu'elle a votre faveur en tout et pour toute chose : la fin du ministère des sports et la marchandisation générale du secteur.

On retrouve là encore la logique générale de ce gouvernement. En effet, le candidat Macron avait fait campagne sur la tradition girondine, qui en France était, disait-il, négligée. Il fallait en finir avec la toute-puissance de Paris, assimilée elle au jacobinisme. Les pratiques de ce gouvernement sont en réalité bien différentes : limitation des libertés communales et obligation de signer un contrat avec l'État, mépris des élus locaux, et j'en passe.

Cela pourrait laisser penser que nous avons affaire à un phénomène de recentralisation du pouvoir. Or, dans le même temps, les ministères sont constamment affaiblis, les agences – souvent sous-dotées – se multiplient et les effectifs diminuent là où ils devraient augmenter. Quel est donc ce pouvoir qui se recentralise pour se saper méthodiquement ?

Je vais vous l'expliquer tranquillement : un tel pouvoir n'appartient plus à la souveraineté populaire sur laquelle il repose, puisqu'il s'en est totalement émancipé. Recentraliser le pouvoir pour détruire l'État, c'est l'oeuvre directe et fort indiscrète des intérêts de la finance. La recentralisation passe donc par l'Élysée, et seulement par l'Élysée, où les banquiers ont placé leur commis.

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