Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du jeudi 18 juillet 2019 à 10h30
Transformation de la fonction publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Depuis plusieurs années, les services publics s'éloignent des Français ou disparaissent de nos territoires, et, d'une certaine manière, l'efficacité de l'action de l'État et de nos collectivités territoriales s'en trouve amoindrie. Ce n'est pas une impression : c'est ce que vivent nos concitoyens.

Le malaise démocratique sans précédent que connaît notre pays depuis plusieurs mois est certainement l'une des illustrations de cette fracture qui s'est installée progressivement entre les pouvoirs publics et nos concitoyens.

Les moyens de combler ce fossé, nous les connaissons. Ils s'appuient sur une plus grande déconcentration, sur une nouvelle vague de décentralisation ainsi que sur une véritable capacité de différenciation pour les collectivités territoriales, afin d'adapter les réponses aux attentes des habitants de chaque territoire.

En réalité, monsieur le secrétaire d'État, ces éléments manquent dans le texte – et je pense que vous le regrettez, au fond de vous-même. Or, si une transformation de la fonction publique est indispensable et si son évolution s'avère naturellement nécessaire, celles-ci doivent aussi s'effectuer au moyen des mouvements de déconcentration et de décentralisation que je viens de mentionner. Vous commencez d'ailleurs à le faire, certains services de l'État se déconcentrent dans les territoires.

Nous avons connu par ailleurs une centralisation extrême dans les villes préfectures ou dans les préfectures de région.

Mais, sans nouvelle vague de décentralisation, ce choc de décentralisation que nous attendons, et qui est seul susceptible de responsabiliser les élus locaux et de leur donner une véritable capacité de réponse aux attentes de nos concitoyens, ne surviendra pas.

J'insiste sur l'importance de la notion de différenciation, à laquelle le groupe Libertés et territoires est très attaché. On ne peut apporter une réponse identique aux problèmes que connaissent deux territoires aussi différents que, par exemple, Wallis-et-Futuna et l'Eure-et-Loir.

On note cependant quelques assouplissements positifs, à commencer par ceux visant à fluidifier les relations entre les trois fonctions publiques, qui formaient auparavant des silos distincts qui ne se parlaient pas. Il faut évidemment envisager des carrières où l'on puisse basculer d'une fonction publique à l'autre.

L'expérimentation de la rupture conventionnelle me semble également un point positif, tant pour les fonctionnaires, qui peuvent se trouver parfois dans une impasse professionnelle, que pour les employeurs publics pour lesquels elle pourrait constituer une solution.

Notre groupe se réjouit également de la décision de ne pas procéder au détachement d'office des CTS. Il semble toutefois que la non-application de cette mesure ne soit pas définitive, mais vous aurez peut-être à coeur de nous rassurer sur ce point.

Nous accueillons aussi avec bienveillance l'obligation pour l'État d'établir une feuille de route triennale qui indiquera les orientations en matière de gestion des ressources humaines dans la fonction publique et leur impact prévisionnel, car elles en ont un, sur les collectivités territoriales. Cela permettra d'ailleurs aux employeurs territoriaux d'avoir plus de visibilité sur leurs budgets locaux.

Il en est de même pour les avancées en matière d'égalité professionnelle, de prévention des discriminations et de prise en compte du handicap. Elles vont dans le bon sens mais, comme d'autres mesures de votre projet de loi, elles sont insuffisantes pour produire concrètement tous leurs effets.

Vous me direz que vous empruntez un chemin. En fait, vous n'allez pas complètement au bout des choses. Par exemple, vous prévoyez la sanction de l'absence d'élaboration ou de renouvellement du plan d'action en matière d'égalité professionnelle, mais vous ne prévoyez pas la sanction de son absence de mise en oeuvre.

Cela est aussi valable en matière de politique du handicap, sur laquelle il manque un volet financier. Comment allez-vous financer le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique – FIPHFP – afin de mettre en oeuvre les dispositions adoptées – et elles sont indispensables ?

De même, en ce qui concerne l'apprentissage, les financements manquent pour la fonction publique territoriale. Faire porter au Centre national de la fonction publique territoriale – CNFPT – la moitié de ces financements, l'autre moitié étant versée par les collectivités, ne nous paraît pas de bonne facture.

Concernant le contrat de projet, j'ai un regret. Je regrette qu'il n'ait pas été porté sur un CDI limité à la durée du projet. Regardez l'évolution effectuée dans l'intérim depuis quelques années. Comment voulez-vous qu'une personne en CDD ait accès à un emprunt, à un logement, ou à l'acquisition d'un véhicule pour assurer sa mobilité justement pour aller travailler ? L'intérêt d'un CDI de projet est qu'il permettait précisément de répondre à ces attentes.

Nous vous avions également alertés sur le dialogue social. Si nous n'étions pas opposés par principe à la création d'une instance unique, nous attendions des contreparties concrètes. En tout cas, le dialogue social est à réinventer entièrement.

Je terminerai sur un sujet évoqué précédemment par Olivier Marleix : celui de l'absence de mesures fortes concernant la déontologie des hauts fonctionnaires. Les jours que nous venons de vivre montrent bien que cette déontologie s'applique d'autant plus lorsqu'on a l'honneur de servir l'État, et lorsqu'on est soumis à ce devoir d'impartialité et de neutralité qu'évoquent souvent nos collègues. La protection statutaire s'accompagne en réalité d'une exigence. Le pantouflage, dont nous avons pu connaître différentes formules dans le passé, n'a plus lieu d'être. Nous ne pouvons plus continuer ainsi.

Dans l'esprit de nos concitoyens, la confiance ne pourra être restaurée que si chaque dépositaire de l'autorité publique se plie à l'exigence d'apporter des réponses. Les hauts fonctionnaires doivent s'y soumettre, comme le font les parlementaires.

C'est la raison pour laquelle plusieurs des membres du groupe Libertés et Territoires sont réservés sur ce texte. Pour ma part, je m'abstiendrai.

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