Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du jeudi 18 juillet 2019 à 10h30
Intérêts de la défense et sécurité nationale dans l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

L'objet de la présente proposition de loi consiste à garantir un cadre sécuritaire pour éviter, lors du déploiement à venir de la 5G, de mettre en danger les données qui circuleront sur le réseau mobile français.

Nous le savons, la 5G opère une véritable rupture technologique au service du développement de ce qu'il est convenu de nommer l'internet des objets. Cette cinquième génération de standard de télécommunication mobile promet en effet des débits jusqu'à dix fois plus rapides que la 4G, ainsi qu'une adaptation à des usages nomades et industriels toujours plus gourmands en données.

Le déploiement de la 5G soulève néanmoins indubitablement de graves enjeux de sécurité.

Le premier risque réside dans le fait que la 5G permettra de connecter beaucoup plus d'appareils – voitures, bus, usines, robots, appareils de santé, etc. – pour des usages très variés, augmentant ainsi significativement les risques de cyberattaques.

Le second risque tient à ce que la 5G décentralise des fonctions essentielles comme le routage ou la mise en communication, aujourd'hui gérés au niveau du coeur du réseau. Si l'objectif consiste à abaisser les temps de latence et à favoriser les usages en temps réel, le danger est de multiplier, en même temps que celui des antennes relais, le nombre de points d'accès pour les hackers potentiels.

Face à de tels risques, le texte qui nous est présenté propose seulement de créer un régime d'autorisation préalable dans le but de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Ce régime s'appliquera à tous les dispositifs matériels et logiciels permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau radioélectrique mobile. Est-ce suffisant ? Nous ne le pensons pas.

Le fait est qu'aujourd'hui, faute d'une politique industrielle réelle à l'échelle nationale et européenne, nous dépendons, pour les équipements qu'il sera crucial de contrôler afin de déployer la 5G, des deux géants américain et chinois que sont Qualcomm et Huawei. Les éléments sur lesquels repose la sécurisation de nos données dépendront donc d'équipements et d'opérateurs étrangers.

Nous ne parviendrons pas à nous prémunir, dans ce contexte, des risques d'espionnage, notamment industriel. Le régime d'autorisation que vous prévoyez menace de n'être finalement qu'un rempart de papier !

La 5G est prometteuse, mais sa mise en oeuvre suppose des précautions qui sont aujourd'hui les grandes absentes de la proposition de loi.

Ces précautions devraient tenir compte des interrogations sur l'effet sanitaire et environnemental du déploiement de la 5G. S'il n'est pas formellement établi que les effets thermiques des champs électromagnétiques ont des incidences notables sur la santé, l'Organisation mondiale de la santé – OMS – juge néanmoins nécessaire de poursuivre les investigations en la matière.

La question écologique suscite moins d'incertitudes : l'internet vert reste un fantasme, et la 5G accentuera encore l'empreinte écologique du réseau, du fait notamment de l'augmentation de la consommation personnelle de données, alors que la pollution générée par l'industrie du net et ses conséquences sur le climat pourraient atteindre dans un proche avenir un niveau équivalent à celui du trafic aérien. Là encore, l'enjeu n'est pas suffisamment pris en considération, si l'on en juge, par exemple, par l'allégement de la fiscalité applicable aux centres de données.

Dans ces circonstances, et compte tenu du manque d'ambition du texte en matière de sécurisation de l'exploitation de la 5G, notre groupe s'abstiendra lors du vote de la proposition de loi.

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